Le mildiou prolifère dans les vignes de notre cru: jusqu'à un quart de pertes
Tous les vignobles sont touchés. Les excès de pluie des dernières semaines, combinés à la chaleur, font proliférer le mildiou, qui dessèche les grappes. Dans le vignoble de Bioul, 3 ha sur 12 sont déjà perdus.
Publié le 10-08-2021 à 18h55
/cloudfront-eu-central-1.images.arcpublishing.com/ipmgroup/MKHIWD2PFZBA7N4KXJJMUDPTAM.jpg)
La météo exceptionnellement pluvieuse, qui a arrosé notre pays de manière catastrophique, affecte directement la maturation des raisins. Au point que les vignerons contactés sont inquiets concernant l’ampleur inédite de cette séquence climatique.
L’ennemi est archi-connu de tous, les exploitants d’un vignoble de plus de 10 hectares comme les petits jardiniers amateurs cultivant des tomates et des pommes de terre: le mildiou. Ce vieux parasite calamiteux de la famille des champignons, signalé pour la première fois dans le Bordelais en 1879, apparaît toujours à la faveur d’un climat humide et chaud persistant, des conditions que l’on peut actuellement observer en Belgique. En dépit des éclaircies, il pleut tellement que la vigne n’a pas le temps de sécher, ce qui booste la maladie.
À lire aussi |Le mildiou, calamité d'une saison pourrie pour les légumes
Les vignes du domaine viticole de Bioul résistent d'habitude bien à cette attaque parasitaire. Sauf cet été. «Des saisons pluvieuses, on en a déjà connu, en 2011 et en 2014, mais c'est la première fois en douze ans que nous sommes touchés, alors que nos cépages sont pourtant résistants. On a été trop confiants cette année, mais on ne pouvait pas prévoir une pluviométrie aussi extrême. Il a plu 50 litres par m2. C'est du jamais vu», explique Vanessa Vaxelaire, qui n'a donc pas pu adapter les traitements préventifs.
Dans les vignes, le mildiou se signale par des taches brunâtres sur les feuilles, qui progressent rapidement, se transmettent aux grappes et finissent par les dessécher. Les vignerons les comparent à des plaies ouvertes. Nécrosé, le vivant herbacé tombe au sol.
Des sept cépages cultivés à Bioul, seul un a été touché, le Johanneter, une variété plus sensible de raisins blancs. Mais, pas de bol, c’est le cépage le mieux représenté du domaine: 3 ha sur 10 ont été ravagés et ne donneront aucun raisin.
L'exploitation du vignoble en «bio» complique la tâche de la vigneronne et crée un problème supplémentaire. «On ne regrette absolument pas le choix du bio, mais les vignerons qui sont restés en conventionnel s'en sortiront mieux», poursuit-elle. L'éventail des produits chimiques est plus large. En bio, la bouillie bordelaise est le seul moyen préventif efficace contre le mildiou.
Au Château du Bon Baron, Jeannette Vandersteen, qui cultive 17 ha de vignes, est également confrontée à un assaut du mildiou, sans pouvoir encore quantifier les pertes. «Cette année, confie-t-elle, c'est vraiment plus grave qu'à la normale». Comme Vanessa Vaxelaire, c'est la première fois qu'elle constate une telle ampleur.
Plus acides, moins sucrés
Le mildiou est l'ennemi numéro un. Il arrive après les redoutables gelées tardives au printemps, qui brûlent les bourgeons, et la grêle, qui arrache les raisins. «D'entre toutes les maladies, et il y en a plein, c'est le mildiou qui est la plus fréquente.»
Le soleil attendu à partir de ce mercredi, et qui devrait enfin briller durablement, va-t-il faire refluer le parasite? «Depuis une semaine, on traite, ça a l'air d'être en bonne voie», indique la vigneronne du domaine de Bioul. «Tant qu'il ne fait pas chaud et sec, on ne le sait pas. Mais je pourrai vous dire dimanche si on est tiré d'affaire.»
Jeannette Vandensteen du château Bon Baron ne dit pas autre chose: «Il faut de la chaleur et du vent, pour bien sécher les vignes. Et il faut du soleil en suffisance, qui rayonne longtemps.»
Un champignon affaiblissant la vigne peut en cacher d’autres, opportunistes: le botrytis, ou pourriture grise, qui fait moisir le raisin, et l’oïdium.
Au domaine du Ry d’Argent, à Bovesse, l’exploitant parle d’une perte sèche de 40% de la récolte sur quelque 8 ha de vignes.
Le mildiou affecte la croissance du raisin, mais pas les plants en tant que tel. «Les vignes sont de fortes têtes, mais ses fruits très vulnérables aux aléas de la météo.»
C’est lors de la véraison, quand le raisin devient translucide, mais aussi blanc ou rouge, que sa maturité est proche de son terme. À partir de là, souvent, les raisins qui ont résisté sont tirés d’affaire. La plupart du temps, la véraison se fait fin juillet-début août. Il reste alors 100 jours avant les vendanges.
Cette attaque du mildiou aura évidemment des conséquences économiques, elle tirera à la baisse le nombre de bouteilles qui seront mises sur le marché, en 2022. En outre, les fruits de la vigne, qui auront subi ces coups d’eau répétés et baigné dans l’humidité, n’auront pas vraiment la même saveur que ceux ayant mûri tout l’été sous un soleil généreux. Ils donneront des vins plus acides et moins sucrés, à la fraîcheur plus mordante. Les dégustateurs les trouveront moins ronds en bouche.