Floreffe : une brocante dans la brocante, un vide-maison plein de sourires et de surprises avec les Binamé (photos et vidéo)
Vide-maison au sein même de la brocante de la Pentecôte. Durant 2 jours, la maison familiale des Binamé a fait liquidation totale, ouvrant ses portes aux curieux, en mettant plein les yeux.
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- Publié le 29-05-2023 à 22h35
- Mis à jour le 30-05-2023 à 15h46
"Une madeleine de Proust", "Putain, ké baraque ! ", "Une maison de maître". À entendre la foule bigarrée, il y avait une sacrée surprise au milieu du trajet emprunté, dimanche et lundi, à Floreffe. Après pas mal de stands, n’ayant pas saisi le concept d’une brocante (fruits frais et secs, maroquinerie neuve et jouets de pêche aux canards, surtout le 2e jour), le n°4 de la rue Célestin Hastir se présentait sur son 31, habillé d’écriteaux souriants, incitant à entrer. "Vide-maison", "Tout doit partir", "N’hésitez pas à marchander !".

Après une volée de marches, chacun, à son rythme, pouvait faire le tour du propriétaire, en suivant le sens de la visite, comme au musée. " Nous voulions organiser un peu tout ça, explique Véronique, une des belles-filles de Christiane qui était la maîtresse des lieux, jusqu’il y a peu . Au salon, nous avons mis les jeux et les livres, et installé un divan accueillant pour ceux qui voudraient en profiter pour faire une pause. Je n’ai juste pas eu le temps de faire du café ! À la cuisine, il y a la vaisselle, et au jardin, des outils, du matériel militaire et d’équitation. Ils en étaient fous. Dans l’autre pièce de vie, il y a tout le reste." Trié, épousseté, rendu à sa splendeur. Des armoires et garde-robe ont même été démontées au premier étage et remontées au rez-de-chaussée.
"C’est gai de visiter une maison ", dit un barbu. "Oh, elle n’a rien d’exceptionnel mais possède un charme fou, confie Stéphane Binamé, un des quatre frères ayant grandi, ici. Nous avons vécu heureux.", comme les petits-enfants qui ont aussi œuvré à ce que la sortie soit chaleureuse, colorée. Avant le passage des chalands, Nathan, Laura, Élise, Clémentine ou encore Manon ont pu reprendre les souvenirs qu’ils ne voulaient pas se résoudre à voir sortir de leur vie. Pour Manon, ce fut le gobelet coloré dans lequel elle buvait, petite, les jours fastes où sa mamy la gardait. "Chacun avait sa couleur !"

Si, sur un mur, le bas-relief d’un mineur de Constantin Meunier, côté mais laissé pour trois fois rien, éprouve la dureté du métier, la trois-façades de 1920 qui l’abrite met, elle, plein de baume au cœur. Pourtant, c’est vrai, une (grande) maison à vider, même avec l’appel à des amis ou des anonymes, ça peut vite mettre le cafard.
"Mais maman est toujours en vie, elle a trouvé un appartement mieux adapté, moins fatigant, ça aide, reprend Stéphane. Par héritages de sa mère, de sa grand-mère, dans cette maison, nous en avons déjà vidé beaucoup d’autres, des fermes même. Il est temps que ce qui reste trouve une seconde, une troisième vie." Apparemment, le moment était attendu. À 5h du matin – il n’y a pas que Paris qui s’éveille –, certains chineurs toquaient déjà au carreau. "Et, dimanche, il y avait tellement de monde que nous avons dû fermer les portes, un moment."

Dans leur coin du salon, sous les yeux du labrador chocolat Alfred du lavoir (hors de prix, lui), une ribambelle d’Indiens et cow-boys low cost se livrent un imperturbable combat, sans avoir peur des anachronismes: ils sont aux portes d’un fort moyenâgeux. "M on parrain qui me les avait offerts, raconte, ému, Daniel, autre membre de la fratrie, au moment de les céder. Le château, lui, doit être recouvert d’impacts de carabine. Gamins, nous y avons fait de nombreux prisonniers, que nous fusillions et enterrions dans le jardin. Et q uand il faisait les trous de son potager, papa, pas très content, retrouvait ces petits soldats nazis."
Par contre, certaines choses resteront, elles font partie du patrimoine d’exception de ces 4 mètres sous plafond. Ce qui laissait l’opportunité d’y imaginer le clou du spectacle pour rendre le hall plus accueillant encore: quatre fresques réalisées par le peintre Guy Petit. "Le Colombier et son étang, leur cascade, le séminaire ainsi que notre jardin et l’arrière-maison, avec le bouleau, foudroyé depuis." Les frères n’étaient pas plus hauts que trois pommes quand ils ont vu le peintre namurois s’installer, chez eux, derrière son chevalet. "Encollé, cela fait partie des murs, désormais.", explique Stéphane, le cœur un peu serré.

Au fil des marchés conclus, le bal des post-its, reprenant nom et numéro de l’acquéreur, s’intensifie. Les choses plus lourdes, encombrantes, pourront être emportées après la brocante. Comme ce blason, en fonte, décoration authentique issue de la cour vitrée du séminaire. "Il n’était pas rare qu’ils en décrochent un comme lot d’une tombola." Les Binamé l’avaient gagné. Il trônait sur la cheminée.
Il est lourd, on pourrait le peser. La dernière des deux balance à poids, capable de monter jusqu’à 200 kg – à l’époque, les enfants de 15, 20 kg s’amusaient à la tester – est d’ailleurs sur le point d’être vendue à quelqu’un qui l’a reconnaît. Luc travaillait au moulin de la Roche à Court-Saint-Étienne. "Sur ce genre de balance, on pesait le son, le remoulage, les aliments pour les cochons. Ça fonctionnait bien." Luc va désormais garnir cette relique du passé pour faire plaisir à sa femme, Éliane, et décorer la terrasse.

La conversation s’interrompt: un monsieur a trouvé la pochette d’un disque, Casimir, son Île aux enfants,… vide. Malheur, le disque est resté sur le tourne-disque embarqué par un autre “client”. "Dommage, il a une grande valeur ", s’émeut l’intéressé qui, en dédommagement, se voit offrir le carton. "Heureusement, on ne sait pas ce qu’on vend, philosophe David. Et c’est mieux ainsi. Il y en a pour chaque génération. "
La maison de "quelqu’un !"
Avec son caractère, la haute maison, occupée pendant 60 ans par les Binamé, a définitivement séduit un bon millier de visiteurs – certains ont déjà pris contact en vue de sa future mise en vente – en coup de vent ou de manière plus appuyée, trouvant ou non leur bonheur.
Certains passants y ont mis un peu plus d’émotions, se souvenant très bien de qui vivait là. "C’est quelqu’un, votre maman ! Je suis une ancienne élève, vous lui remettrez le bonjour de Françoise." Michel explique qu’elle va bien et a rejoint un appartement à quelques centaines de mètres à vol d’oiseau de là, juste en bas de l’école des filles où elle a commencé sa carrière. "Christiane, notre maman, y était chef d’école. Lors du regroupement, elle a rejoint le Séminaire et y a été institutrice en 4, 5 et 6es. Après sa pension, elle s’est investie dans l’alphabétisation des personnes inscrites au CPAS. Membre des Rèlis Namurwès, elle continue d’aller à leurs réunions. "

Quant au patriarche, Michel, disparu en 2008, il était tuyauteur-soudeur à Solvay. Et, plus largement, touche-à-tout. D’où les brouettes d’outils conservés avec grand soin dans son atelier. Il a fallu une semaine pour le vider. " Il y a plein d’objets dont nous ne connaissions pas l’utilité. Comme ce marteau de cordonnier, ou cette pince pour évaser les tuyaux en plomb. C’était un autodidacte, si ce n’est la maçonnerie, il s’essayait à tout et était déjà convaincu par la récup’, de ne pas jeter inutilement et d’acheter intelligemment. "
Ces engins, ils sont nombreux les chineurs à en avoir emporté l’un ou l’autre à 0,50€/pièce. Plus pour la belle histoire et l’initiation à leurs secrets que pour les utiliser, parfois.