Floreffe : ils ont une âme et un visage, ces objets qui ne quittent plus ces trois résidents des Hêtres de Florès (vidéos)
Durant cinq jours, dès ce samedi 27 mai 2023, Les Hêtres de Florès accueillent une exposition sensorielle qui donne la parole aux résidents, à leurs souvenirs immortels, à travers des porte-bonheurs.
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Publié le 26-05-2023 à 16h41 - Mis à jour le 26-05-2023 à 16h56
Et vous, au matin de quitter votre maison, de rejoindre une chambre en maison de repos ou un appartement en résidence-service (comme Les hêtres de Florès, au 7, rue du Carmel), quel objet emporteriez-vous à tout prix, de tout votre cœur et votre être ? Un tableau comme un chemin à travers la touffeur congolaise comme Marie-Thérèse, trois grands santons de Provence comme Marinette ou la canne de votre papa, comme c’est le cas d’André… qui se sert d’une autre canne pour se déplacer ?

"Au début, il y avait plus de participants, précisent les initiatrices de ce projet vivant et humain. Nous trouvions joyeux d’évoquer des souvenirs, la mémoire. Mais dans cette écriture très personnelle, certains ont été submergés. Sont restés ces trois-là." Avec, cela dit, la visite satellite des autres résidents qui s’intéressaient mine de rien à ce qu’ils fabriquaient, en mode “ mais qui cela va-t-il bien intéresser ?”

Pourtant, il y a là des petites histoires, qui font une grande histoire, invisibilisée et pourtant à la fois individuelle, intime, et collective. Encore faut-il le faire dans l’écoute et le respect. Le trio composé par Céline Wayntraub, la régionale de l’étape, et les Bruxelloises Émilie Bergilez et Claire Corniquet en a pris le temps, au fil d’ateliers de 2 h 30 "tricotés" sur un an et demi, dans l’immédiat après-Covid. " Ça nous a fait du bien à tous. " Les deux premières ont créé l’ASBL Urbanisa’Son, spécialiste des balades sonores éphémères, " pour garder la mémoire des lieux en train de disparaître, par exemple". Claire, elle, est écrivaine et anthropologue, intéressée par la culture matérielle et la dimension affective dont on entoure certains objets marquants, capables de créer du lien social.
Un son qui rend visible
"Travailler avec ce public, n’est pas évident au premier abord, il est sans filtre, n’a plus de barrière. Il faut que la confiance s’installe. Nous y avons perçu une grande fraîcheur, une franchise qu’on associe d’habitude à la jeunesse. " Et c’est souvent à cette vie, avant l’âge adulte, qu’ont mené ces souvenirs nourris par cette peinture rappelant les 4 500 km que devait avaler Marie-Thérèse pour relier sa maison de Paulis à son pensionnat d’Elisabethville, ces santons (un boulanger et une boulangère) offert à Marinette par son cher mari "monté là-haut " et cette canne, héritée par André d’un père estropié à la guerre et avec qui le désormais octogénaire se souvient avoir fait les tournées de laitier et fréquenté son cinéma de quartier.
"I l faut savoir que ces objets ne sont pas exposés quand on rentre chez ces trois résidents, ils sont cachés, reprennent les trois initiatrices du projet. Nous nous sommes rendu compte qu’il y avait à la fois un besoin et un plaisir de partager avec nous. Et entre eux. Ils sont 24 h/24 ensemble mais se connaissent peu, en fait. Ils se sont redécouverts. " D’ailleurs, si André et Marinette, la vedette, étaient voisins, qu’elle lui passait L’Avenir après lecture – "c’est mieux ça que de le jeter, Monsieur" –, aujourd’hui, elle lui fait un bisou sur le front et veille à ce qu’il mange ses fruits, variés !

Au fil des ateliers-rencontres entre ces six-là, les trois sages ont pris la parole et la plume, aiguillant les activités mais se laissant aussi surprendre par des exercices leur demandant de commenter des photos, de bricoler ou d’inventer un lexique d’objets imaginaires. Ils en rient encore beaucoup.
Ces 40 heures d’enregistrement, ces dizaines d’idées jetées sur papier, remise en forme par Claire, ont ainsi donné lieu à un carnet, guide poétique dans cette exposition artistique. Là, ils ont recréé leur maison d’avant ; ici, on a pris les empreintes de leurs ‘précieux’ ; dans le couloir, une galerie photos fait entrer par les petits détails dans l’intimité de leurs appartements. Sans oublier le triptyque photogénique : chaque résident et son objet. Ce samedi à 16h et mercredi à 10 h 30, les visiteurs pourront écouter la création sonore de 40 minutes et la lecture de quelques textes. "On a bien fait ça !", sourit Marinette.
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