Harcèlement: avec Esperanzah!, je suis «Sacha»
Le festival Esperanzah! n’est pas naïf: dans la foule des humanistes, des harceleurs sévissent. Mais «Sacha» veille…
Publié le 03-08-2019 à 06h00
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Ah, cette musique de festival, soûlante, qui pénètre la foule, la fait vibrer et la rend comme invincible. Sauf que cette grisante communion est parfois si collante qu’une minorité d’individus de sexe masculin en profite pour suspendre les règles de la bienséance élémentaire. Soudain, la désinhibition générale est décrétée. Un machisme vulgaire se lâche auprès du beau sexe.
Éconduit, ou gentiment prié de cesser sur-le-champ sa drague putassière, le festivalier assis sur son petit nuage, n'obéissant plus qu'à sa testostérone, peut dégénérer en harceleur ou, pire, en violeur. L'intelligence et le niveau d'éducation n'ont rien à voir là-dedans mais, sitôt piqués dans leur amour-propre, ces acrobates de la délicatesse se révèlent rarement des poètes: «Tu te crois belle? Connasse! Boudin!» Esperanzah!, en dépit d'être un festival engagé – (de Bisounours disent certains) –, porté par des valeurs humanistes et moins écrasant en termes de spectateurs, n'est pas à l'abri de ces comportements régressifs portant atteinte à l'intégrité physique et psychologique des femmes. Alors, comme la sécurité routière a ses «Bobs», Esperanzah a créé ses «Sacha». Un prénom issu du grec qui a inspiré un plan de lutte contre le harcèlement, les agressions sexistes et sexuelles en milieu festif de masse.
Lancé l’an dernier à Floreffe, Sacha – (Safe Attitude Contre le Harcèlement et les Agressions) – est plus que jamais réactivé et sur le pied de guerre après les plaintes pour viol enregistrées sur les derniers festivals de Dour et Tomorrowland.
Le plan mobilise une soixantaine d’intervenants, préalablement formés par des psychologues et répartis en trois lieux du festival.
Leur mission: distribuer de l’information et des stratégies de langage pour rapidement clouer le bec au harceleur et évacuer l’atmosphère hostile.
Pourquoi faut-il des Sacha? «Parce que des gens, en situation de festival, où il y a de l'alcool et de la drogue, perdent le sens des limites» résume Amandine Verfaillie, sa responsable. Et, désolé messieurs, être bourrés n'est pas une excuse.
Mais comment prévenir et intervenir au milieu de milliers de personnes? D'abord, en rendant le message partout visible. «On mise sur une campagne d'affichage, 22 grandes bâches dont les slogans sensibilisent à la notion de consentement et de respect, dont 11 sont placées sur le site du camping festif».
Ce n'est pas trop compliqué à comprendre, le consentement: «Est-ce que je peux t'offrir un verre? Non. OK.» C'est même très simple à comprendre. Ensuite, en informant largement de l'existence de ce plan de lutte. «On a briefé tous les responsables et tous les services. L'idée, c'est que tout le monde se passe le mot afin d'agir adéquatement, comme victime ou comme témoin.»
Le festivalier acceptant d’afficher un badge «Sacha» se pose en sentinelle vigilante prête à donner l’alerte et à appeler un numéro d’urgence, sans tomber dans la caricature du super-héros sauveur.
Le phénomène du harcèlement concerne toute la société. «Toute femme a déjà été confrontée à du harcèlement et en rencontre régulièrement dans sa vie.» Dans la rue. Au boulot. Et maintenant sous le ciel des festivals d'été. les filles en ont vraiment marre.