Pesticides: après l’étude, place aux actes
Après l’exposé des résultats de l’étude concernant les pesticides, les riverains exigent que le gouvernement prenne des mesures. Une étude sur les impacts des pesticides sur la santé est au programme.
Publié le 30-03-2019 à 06h00
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Ils le savaient déjà, ils en ont désormais la certitude. Les habitants de la commune de Fernelmont sont exposés aux pulvérisations de produits phytopharmaceutiques. Et ils ne sont, évidemment, pas les seuls en Wallonie. Cette étude intitulée «Propulpp» visait à évaluer la dangerosité de certains pesticides en les analysant et en les confrontant à un modèle européen (EFSA) réalisé sur… des animaux.
Dans notre édition de mercredi, nous exposions l'ensemble des résultats. L'étude a été réalisée dans des écoles, dont celle de Cortil-Wodon, et chez plusieurs riverains. En bref, les scientifiques ont retrouvé un cocktail de produits (une centaine par site et essentiellement d'origine agricole). Ils en ont conclu que, pour certaines substances, «un effet sur la santé ne peut être exclu» lorsqu'elles sont utilisées à une distance inférieure à 10 mètres en bordure de milieux de vie (NDLR: écoles, habitations, hôpitaux…) et que leur «pic» de pollution se produit durant les deux premières heures de la pulvérisation. Mais quel(s) risque(s)? Cancer ou autres? C'est une bonne question. «Ça demandera une nouvelle étude mais je n'en ferai pas partie, j'ai pris ma retraite, plaisantait le professeur Bruno Schiffers. On ne connaît pas leur impact sur la santé, ni l'interaction entre les particules de ces cocktails. Il faudrait, par exemple, effectuer des prises de sang. »
Une recommandation… en obligation?
Évidemment, avec cette réponse et après 3 heures de débat, le public n'était pas plus rassuré en fin qu'en début de soirée, à la salle du village de Cortil-Wodon, jeudi soir. L'utilité de ces différents pesticides «à risque» ciblés par l'étude doit être analysée par le gouvernement wallon. «Certaines substances comme l'epoxiconazole pourrait être enlevées de la liste des produits autorisés», expliquait une représentante de l'ISSeP (Institut Scientifique de Service Public).
Les scientifiques, comme les riverains, demandent au Gouvernement wallon de passer aux actes. «C'est pour cette raison que nous recommandons aux agriculteurs de ne pas pulvériser à moins de 10 mètres des lieux de vie, dont les habitations. Nous espérons qu'elle deviendra obligatoire. Les barrières et buses anti-dérive ont également prouvé leur efficacité.»
«Financièrement injouable»
Un agriculteur a évidemment souhaité réagir dans la salle. «J'ai eu peur de prendre le micro car nous sommes vus comme les méchants dans l'histoire, racontait-il. Mais vous rendez-vous compte que vous demandez à chaque agriculteur de laisser tomber une bonne partie de son champ? Financièrement, ce n'est pas jouable. Je ne parviendrai pas à tenir le coup. Et puis, on ne va pas mettre des barrières tout autour de nos champs! » Un élément pertinent qui n'a, malheureusement, pas été relevé par les scientifiques.
Enfin, les chiffres présentés à Cortil-Wodon ne sont pas différents de ceux constatés à d'autres endroits. Cependant, comme le soulignait à nouveau le professeur Bruno Schiffers, «Nous avons mesuré d'importantes concentrations de substances 24h ou même 48h après la pulvérisation. Cela reste donc inquiétant.»
Un riverain a enchaîné avec une question à propos des conséquences d'une exposition sur le long terme. «Et pour une vie entière?» Les scientifiques, qui ont réalisé cette étude durant un an, ne pouvaient évidemment y répondre. Ils tentaient d'être rassurant. «L'homme n'y est pas exposé toute l'année puisque les pesticides ne sont pas utilisés en hiver.» Pour l'assemblée, ce n'était pas satisfaisant.
Au final, grâce à cette étude, les scientifiques ont amené une première partie de la réponse aux habitants inquiets. Il existe donc un risque pour la santé. Mais lequel? Plusieurs projets en Wallonie vont permettre de mesurer leur impact sur la santé. Dans le cadre du Biomonitoring Wallon, de nombreux pesticides vont être analysés dans des matrices biologiques de la population wallonne. Le premier acte d’une longue série, sans doute.