Toboggans, classes, cours de récré: les pesticides sont partout
Le professeur Schiffers, de la faculté de Gembloux, a posé ses capteurs de substances actives aux abords de sept écoles wallonnes, dont celle de Cortil-Wodon (Fernelmont). Avec des résultats interpellants.
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- Publié le 04-10-2018 à 00h00
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La barbe du professeur Bruno Schiffers est déjà bien connue à Fernelmont. Et plus précisément à l’école de Cortil-Wodon où il avait déjà effectué, en 2017, un relevé des substances actives, celles qui pourraient être diffusées dans l’air notamment via les pulvérisations, les traitements phytosanitaires des champs voisins…
Les résultats communiqués l'an dernier n'étaient déjà pas passés inaperçus. Ce chercheur de l'université de Liège (faculté de Gembloux) avait ainsi retrouvé les traces de 24 substances actives différentes. «Si on cumule tout, cela donne des quantités non négligeables», avait expliqué à l'époque le professeur. Et parmi ces substances, trois molécules étaient d'ailleurs interdites depuis belle lurette. On avait également relevé des traces de produits utilisés pour d'autres cultures, dans des champs situés à 400 ou 600 mètres de l'école. Voilà pour le côté volatile.
Il fallait donner une suite à cette première étude. C’est ce qu’ont estimé le professeur mais aussi la Commune de Fernelmont et la Région wallonne.
Entre avril et juin 2018, des capteurs ont été posés sur les sites de sept écoles à travers la Wallonie, dont à nouveau celle de Cortil-Wodon.
«On m'avait dit que les premiers résultats étaient exceptionnels, que ce serait un cas unique», témoigne Bruno Schiffers. Pourtant, ce relevé plus vaste et ambitieux confirme les résultats et tendances relevés en 2017.
Entre le début et la fin de la saison, grosso modo le printemps, période la plus intensive des pulvérisations, le nombre de substances actives relevées a bien souvent doublé. Sur un site scolaire, on retrouvera même 39 traces différentes.
«J'ai aussi effectué des relevés sur les jeux des enfants, comme les toboggans dans la cour de récréation, mais aussi à l'intérieur des classes», continue le professeur. Et là aussi, les tendances sont identiques. «Cela démontre aussi qu'un mur ou une haie ne sont pas des barrières suffisantes, explique Bruno Schiffers. L'air ambiant s'imprègne de ces substances.»
Cela prouve aussi que la simple mesure de prudence de l'agriculteur qui ne pulvérise pas «quand les enfants jouent dans la cour, n'est visiblement pas suffisante. On retrouve des traces de ces produits 24 heures après l'épandage, voire même plus.»
Parmi les molécules, le chercheur a même retrouvé du DDT, «une substance interdite depuis 1974», épingle-t-il.
En sortant ainsi du bois, le professeur ne veut pas crier au loup. Il veut avant tout poser la question, en amont, de l’utilisation de nombreux produits phytos, encore licites aujourd’hui. Sans qu’on en sache vraiment l’éventuel prix à payer, pour bien des années encore.
Honnêteté intellectuelle
En février 2017, Maxime Prévot, alors ministre de la Santé, espérait obtenir une première communication de l’étude commandée en juin 2017. On est encore assez loin du compte.
Mais il se dit également que cette étude, pour des raisons scientifiques assez évidentes, pourrait déboucher… sur rien ou pas grand-chose. Pas évident en effet de tirer des conclusions définitives et d’oser affirmer le lien entre pesticides et cancers « locaux », sur base d’un « échantillon » aussi réduit. C’est cynique, c’est froid mais c’est aussi une forme d’honnêteté intellectuelle.