Transport: à Éghezée, la famille Sacotte tient la route depuis 75 ans
Dans le secteur ultra-concurrentiel et souvent secoué du transport, la société Sacotte, entreprise familiale implantée à Dhuy, tient la route depuis 75 ans. Rencontre avec les trois générations qui font tourner la mécanique, du garage d’entretien jusqu’aux transports internationaux.
Publié le 30-11-2022 à 06h06 - Mis à jour le 30-11-2022 à 08h56
Le chemin parcouru est déjà long et pourtant l’aventure a failli tourner court aux premiers mètres, quasiment dans une sortie de route. "Mon père, Joseph, a été prisonnier de guerre", rappelle Francis Sacotte. "A son retour, il a décidé de se lancer dans le transport et a acheté son premier camion en 1947. C’était un Diamond, de l’armée américaine. Mais il n’avait plus roulé depuis un an et demi. Quasiment pour sa première livraison, il a éclaté deux pneus à Vedrin. Il se demandait comment les remplacer: il n’avait pas l’argent…"
Mais Joseph a persévéré à une époque où le métier de camionneur était incroyablement physique. Sans direction assistée, il fallait des gros bras. Charbon, betteraves et puis mazout… Joseph Sacotte s’est adapté au marché.
Francis, le fils, ne tardera pas à se placer lui aussi derrière le volant. "J’ai acheté mon premier camion en 1971. Il coûtait 950 000 francs." C’est dix fois plus cher aujourd’hui. "Et la radio, c’était du luxe. Le prix: 5 000 francs. Mais ça faisait son effet: le Dom Juan qui arrive avec son gros camion et la musique…" Éclats de rires, trois générations confondues.
Le tonnage était aussi nettement revu à la hausse. "Je savais que c’était une manière d’être plus rentable mais en me voyant arriver, mon père m’a dit: mais qu’est-ce que tu vas faire avec ça ?" Francis aura bien mené sa barque et au début des années nonante, la société familiale rachète un établissement de taille comparable basé à Flawinne. "On a doublé notre flotte, doublé notre personnel, nos investissements… Ce fut un tournant", souffle le patriarche.
En parallèle, Laurent, le fils, donne à l’entreprise une cylindrée supplémentaire en développant le garage. "On y fait les entretiens mais aussi les réparations ou des constructions spécifiques de remorques", détaillent en chœur Laurent et son fils Arnaud, quasiment toujours une clé en main.
Secteur sans frontières
La société a dû s’adapter dans un monde de plus en plus concurrentiel. "L’ouverture des frontières, ce fut une bonne chose avec la fin des douanes. Avant, si on arrivait à la frontière française après 18 heures, on devait passer la nuit sur place", rappelle Francis Sacotte. "Mais avec l’arrivée des néo-Européens, principalement ceux de l’Est, c’est devenu très difficile de rester concurrentiel sur le grand international", précise Laurent. "Avec les charges sociales qui ne sont pas du tout le même, il y a une différence de 30% dans les salaires." La facture énergétique devient aussi indigeste. "Pour le carburant, en mai, c’était 50 000 € par semaine. Aujourd’hui, c’est 70 000 €", détaille la famille Sacotte.
- "Si un client demande après 18 heures de lui déposer deux remorques, on va le faire. On a la souplesse que n’aura probablement pas une société qui a mille camions à Bratislava"
Mais la société s’est appuyée sur ses partenariats solides, notamment avec un géant de la chimie, elle se diversifie dans l’alimentaire, les matériaux de construction… "On a acquis aussi de la compétence pour les transports des produits spéciaux et dangereux", continue Laurent. Un secteur très pointu mais porteur. "Notre service après-vente permet de nous démarquer", souligne Laurent Sacotte. "Si un client demande après 18 heures de lui déposer deux remorques, on va le faire. On a la souplesse que n’aura probablement pas une société qui a mille camions à Bratislava." Pour arriver au centenaire de la société, la route ne sera assurément pas rectiligne. Mais comme ses prédécesseurs, la nouvelle génération trouvera la meilleure route pour arriver à bon port.