Vésale Pharma à Éghezée: 5 millions€ pour la recherche contre les infections
La société pharmaceutique commence un projet de recherche en phagothérapie, un enjeu de santé mondial.
Publié le 19-04-2019 à 00h00
«Récemment, on a utilisé les phages en dernier recours dans un cas de diabète sur une personne à qui on avait déjà dû couper les pieds, puis les jambes et chez qui l'infection persistait… Au bout de trois jours de traitement, elle était tirée d'affaire grâce aux phages.» Au travers de ce cas, explique Éric Poskin, responsable de la stratégie et de la communication chez Vésale Pharma, on comprend à la fois tout le potentiel médical des «phages», les enjeux de santé qu'ils représentent et la situation particulière du cadre de leur utilisation.
Tout cela débouche sur un projet de recherche au sein de la société basée à Éghezée et spécialisée dans les microbiotiques. Un projet à 5,4 millions€, dont 4,3 de subsides wallons, fraîchement obtenus.
Explications.
C’est quoi les phages et à quoi ça sert?
Il s'agit de virus, inoffensifs pour l'homme qui n'agissent que sur des bactéries, chaque bactérie ayant son bactériophage propre. Comme une serrure sa clé, en somme: «Le phage agit en injectant son ADN à une cellule de la bactérie ce qui la fait éclater et progage le virus très rapidement aux autres cellules bactérienne» détaille Éric Poskin. Ces «bons virus» permettent de lutter contre les infections graves qui ont résisté aux antibiotiques ou pour lesquelles les antibiotiques sont contre-indiqués. Le champ d'application est vaste, qu'il s'agisse des infections nosocomiales (NDLR: contractées en milieu médical), du diabète, des graves brûlures, des épidémies.
Un enjeu de santé mondial
On voit bien, du coup, le potentiel médical, et commercial, des phages. Ainsi, l’Organisation mondiale de la santé a fait des maladies nosocomiales un enjeu majeur. Elle prédit que d’ici 2050 elles tueront plus que le cancer ou les accidents cardio-vasculaires. Jusqu’à présent, l’usage des phages faisait pourtant l’objet d’un cadre légal très stict. En résumé, on ne pouvait les utiliser qu’en dernier recours. La ministre de la santé Maggie De Block vient de l’assouplir et de permettre une utilisation en milieu hospitalier en préparation magistrale pharmaceutique. Sur le plan de la recherche et du développement, il y a donc un momentum qui s’ouvre.
Les phages: comment les conserver et les assembler en cocktails?
Les phages étant des organismes vivants, toute la difficulté de leur utilisation à grande échelle est la conservation. L'enjeu du projet de recherche de Vésale Pharma est donc double: «Nous voulons mettre au point une formule sèche et stable qui conserve leurs propriétés et développer un phagogramme, c'est-à-dire un outil de diagnostic qui permette de déterminer quels phages utiliser dans quel cocktail en fonction de l'infection.»
5 millions, 42 mois, presque 50 emplois à terme
La Région wallonne, via son pôle de compétitivité Biowin vient d'octroyer 4,3 millions€ de subsides à la société hesbigonne qui complète le budget de la recherche, estimé à 5,4 millions, sur fonds propres. Elle sera menée en collaboration avec l'hôpital militaire Reine Astrid, l'université libre de Bruxelles, l'université de Liège et un autre partenaire industriel, Génalyse Partner (filiale de Quality Partner Group). Vésale travaille déjà depuis deux ans sur les phages et se fixe ici pour objectif d'aboutir à une commercialisation possible d'ici 42 mois: «L'aboutissement de ce projet apportera une avancée majeure et exceptionnelle qui contribuera à sauver des vies et il permettra aussi à terme la création de quelque 48 emplois dans sa phase d'industrialisation,» dit Jehan Liénart, patron de Vésale Pharma.