Dinant-Givet: le retour des trains, on a du mal à y croire (photos)
Belges et Français se sont mis d’accord pour une énième étude sur la réouverture de la ligne Dinant-Givet. Question: les signataires ont-ils chaussé leurs bottes pour un état des lieux sur place? Car ce serait sinon un chantier impossible, de sacrés travaux!
Publié le 03-01-2022 à 15h27
C’était le 9 décembre. Les rédactions recevaient un communiqué commun du ministre fédéral de la Mobilité, Georges Gilkinet (Écolo), et du ministre délégué chargé des Transports de la République française, Jean-Baptiste Djebbbari. Les deux venaient de signer un engagement pour "la relance de deux lignes de trains transfrontaliers". Entre Valenciennes et Mons pour le transport de marchandises, entre Givet et Dinant, rien que pour les voyageurs.
Parmi les commentaires du ministre Gilkinet: "Le rail connecte les pays, les régions, leurs habitants ou leurs entreprises. Faire sauter les frontières ferroviaires, c'est rapprocher les peuples. La réouverture de la ligne Dinant-Givet pourrait avoir un effet très positif sur la mobilité de transfrontaliers belges et français et sur le déploiement de régions qui ont bien besoin. Les études que nos entreprises ferroviaires réaliseront ensemble permettront d'évaluer le potentiel économique et la faisabilité technique du retour du train entre ces régions frontalières. Notre collaboration ouvre en tout cas le champ des possibles pour la réouverture de lignes de train, une perspective totalement enthousiasmante". Son alter ego français, il y a quelques jours, n'en était pas moins enthousiaste.
Elle est où, cette ligne?
La ligne en question, la 154, n’est plus exploitée depuis 1989. Nous nous y sommes promenés pour nous faire une idée du défi technique et financier que sa réouverture sous-entendrait. Nous y avons plutôt crapahuté, car c’est la forêt vierge. En fait, concrètement, cette ligne n’existe plus. Le chantier pour la réhabiliter serait titanesque. État des lieux non scientifique, mais simplement en ouvrants les yeux.
1. Passages à niveau disparus Quand les trains circulaient, il y avait évidemment des passages à niveau, qu'il faudrait recréer. À Waulsort, Hermeton-sur-Meuse ou encore Heer. Il n'en reste rien.
2. Ouvrages d'art à refaire En plusieurs endroits, entre Dinant et la frontière française, existaient des passages sous voie. Ils sont toujours là, mais pour la plupart, la voie qui se trouvait au-dessus d'eux a disparu. Ce ne sont donc plus des passages sous-voie, mais des trous dans ce qui reste de la ligne. Il faudrait reconstruire des infrastructures évidemment suffisamment solides pour supporter des convois ferroviaires (pour un RAVeL, du bien plus léger suffirait).
3. Pas électrifiée Si dans la vallée de la Meuse, à partir de Dinant et en aval, le chemin de fer a été électrifié, entre Dinant et Givet, ce ne fut pas le cas, puisqu'il n'y avait plus de circulation de trains. Pour rouvrir le tronçon frontalier, en plus du reste, on y place des caténaires en métal? Ils ne sont déjà pas très beaux entre Dinant et Namur, on imagine ce que ça ferait du côté de Freyr, de son rocher, de son château.
4. Rochers menaçants Les falaises calcaires n’ont plus été peignées depuis des années. Or, c’est l’administration wallonne qui le dit (elle étudie la possibilité d’un RAVeL), "un facteur important a été sous-estimé jusqu’à présent dans les études. Il s’agit de la sécurisation des rochers dont certains sont déjà tombés sur l’ancienne voie". C’est le ministre wallon Philippe Henry (Écolo) qui l’a signalé récemment, lors d’un débat parlementaire. Quid également de la sécurité du tunnel de Moniat, creusé dans la roche… et en défaut d’entretien depuis très longtemps?
5. La forêt vierge Tout au long de la portion entre Dinant et la frontière française (Heer-sur-Meuse), à part par exemple dans la traversée d'Hastière, évidemment, la nature a repris ses droits. Une véritable forêt a poussé sur la ligne Dinant-Givet. Elle est parfois difficilement pénétrable. Les billes de chemin de fer en bois ont soit complètement disparu, ou se trouvent dans un état de pourrissement avancé. Le ballast a lui aussi complètement disparu sous la broussaille. Il faut parfois chercher pour trouver les rails dans cette forêt vierge.
6. En conclusion Les constats ci-dessus ne sont pas ceux d'un ingénieur des ponts, chaussées et infrastructures ferroviaires, loin de là. Mais les défis à relever semblent énormes pour que des trains recirculent un jour. À Hastière, la commune la plus concernée par ce tronçon, on le lira par ailleurs, on ne voit pas bien l'intérêt de cette réouverture. Ni même de l'étude préliminaire. Dans l'entité mosane frontalière, c'est un RAVeL que l'on souhaite. L'un n'empêche pas l'autre, ne retarde pas l'autre? On en doute, là-bas.