Dinant : racketté par son amant, le curé vide les caisses
Le curé opérait dans le secteur Notre-Dame de Foy. Il a puisé dans les comptes de paroisses, ou encore de l’aumônerie du CHD. Des fidèles y sont aussi allés de leur poche.
Publié le 08-12-2016 à 18h59
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Les faits se passent en 2011-2012. L’abbé Pierre M. est l’un des prêtres du secteur Notre-Dame de Foy (Dinant), organisé en une ASBL chapeautant plusieurs paroisses. À l’époque, Yvan Tasiaux préside l’association sans but lucratif. Ce jeudi, il se trouve au palais de justice de Dinant, pour réclamer au curé le remboursement de sommes détournées. À ses côtés, se trouve Patrick Perpète, qui lui a succédé à la présidence.
Nous sommes au tribunal correctionnel. M. Tasiaux explique à la juge comment il a été mis au courant de «problèmes». Plus de 8 000 euros avaient disparu du compte bancaire de la fabrique d'église de Furfooz. À Sorinnes, 11 000€ s'étaient envolés. «Alors on a tout vérifié». Car ce n'était pas tout. La caisse des messes demandées avait été amputée de 10 900€. Yvan Tasiaux continue son histoire: «J'ai demandé à ceux qui m'avaient prévenu, pourquoi ils ne portaient pas plainte. Mais ils n'ont pas osé. Puis il y a eu deux pages dans la presse (NDLR, dans nos colonnes), le doyen est intervenu».
Parallèlement, l’évêché de Namur entrait en contact avec le parquet, relate Mme Samain, substitut. Car un quidam lui avait dénoncé des faits qu’il aurait subis au presbytère du fameux curé, le 6 novembre 2011, à Celles. Abdelkader T. affirmant qu’on l’avait contraint, sous la menace, à signer une reconnaissance de dettes de 146 000€. Qui? Le curé et le beau-frère de ce dernier.
Un paroissien lui a filé 10 000€
Tout le monde se retrouve sur le banc des prévenus. L’abbé, aujourd’hui retraité et qui a quitté la région dinantaise, répond d’extorsion. De la reconnaissance de dettes. Il nie. Tout comme son beau-frère. L’autre l’avait signée, il a essayé de la récupérer, ils l’ont foutu dehors. Voilà, c’est tout.
Deuxième reproche au curé: des détournements en série. Il l'avoue, il a puisé dans divers comptes de paroisses, ainsi que dans la caisse de l'aumônerie du centre hospitalier de Dinant. Il a aussi «tapé» des paroissiens, et pas pour de petites sommes. La liste en compte huit. Les chiffres vont de 50 à… 10 000€. La juge l'interroge: à quoi ont servi ces montants? Il les a remis à Abdelkader T. Pourquoi, et pourquoi autant? Les mots du curé ont du mal à sortir. La magistrate insiste: «Vous étiez harcelé?». Du bout des lèvres, le prêtre le consent enfin: «Il y avait du chantage. Il m'avait menacé de mettre sur Facebook une cassette vidéo (sic) où nous avions des relations amoureuses». Conclusion de la juge: «Vous étiez racketté!».
L'avocate de l'ecclésiastique retraité, Me Brunetta, tourne moins autour du pot que son client pour décrire la situation, telle qu'elle la plaide: «On a une relation homosexuelle consentie entre les deux, depuis 1993». La thèse de la défense, qui semble aussi celle du parquet désormais: il s'agissait d'acheter le silence de l'amant, une «âme damnée» depuis bien longtemps, bien avant le passage du curé en région dinantaise (lire par ailleurs).
«On va dire que c’était du chantage»
Le prénommé Abdelkader est lui aussi poursuivi, pour des extorsions au préjudice du prêtre. La juge lui met la pression: «Était-ce du chantage?» Il dit une fois oui, puis il nie, avant de le reconnaître: «On va dire que c'était du chantage». Mais il n'en démord pas, il jure que le curé et le beau-frère de ce dernier, l'ont contraint à signer une reconnaissance de dettes, à coups de matraque et au taser. Il raconte qu'il s'est fait soigner? Aucune trace au dossier. Le parquet ne le croit pas. Sa représentante réclame la plus lourde peine pour celui qui lui apparaît comme un racketteur: 30 mois de prison. Le réquisitoire à l'encontre du prêtre est un brin plus clément: 18 mois. Car il a tout de même abusé de la confiance de paroisses et de paroissiens. Jugement le 26 janvier.