Assises de Namur: Luc Nem condamné à 25 ans de réclusion pour le meurtre de Marielle Tournay (vidéo)
Luc Nem, reconnu coupable du meurtre de Marielle Tournay le 28 novembre 2019 à Assesse, a été condamné à 25 ans de réclusion criminelle.
Publié le 03-12-2021 à 15h44
Luc Nem avait été reconnu coupable jeudi du meurtre de sa compagne. Il ne niait pas les faits mais affirmait depuis le début avoir un trou noir l’empêchant de se souvenir de l’acte criminel qu’il avait commis.
Ce vendredi, la cour d’assises de Namur s’est retirée plus de quatre heures avec les douze jurés, avant de condamner le meurtrier à 25 ans de réclusion criminelle.
Dans leur arrêt, les jurés retiennent l’extrême gravité des coups reçus par Marielle et la mort violente qui en a découlé, ce qui traduit le mépris total de Luc Nem pour la vie humaine. Ils retiennent aussi le fait qu’il a arraché Marielle Tournay à sa famille et particulièrement à sa fille, qui n’avait que 14 ans lors des faits.
Ils retiennent également le lourd contexte de violences et d’emprise dans lequel Marielle Tournay a vécu ainsi que l’alcoolisme chronique de Luc Nem pour lequel il ne s’est pas remis en question.
Les jurés ont suivi la peine de 25 ans de réclusion qui avait été requise par l’avocate générale, Virginie Kerkhofs, ce vendredi matin. La peine théorique pour un meurtre pouvait aller jusqu’à 30 ans de prison. Les jurés ne retiennent donc que peu de circonstances atténuantes.
L’avocate générale souhaitait que la peine constitue un signal fort pour les auteurs de violences conjugales. Pour elle, même si une peine ne rendra pas Marielle Tournay à ses proches, elle doit leur donner à eux ainsi qu’à la société le sentiment que justice a été rendue. Elle avait demandé aux jurés qu’ils ne se laissent pas influencer par les belles promesses de Luc Nem.
Le conseil de Luc Nem, Me Jean Sine, avait quant à lui plaidé une peine de 15 ans de prison estimant que c'était une sanction plus juste. Il avait insisté sur le fait que son client, âgé de 40 ans, avait encore un avenir. "Je veux croire qu'on puisse changer", avait-il déclaré. Cette demande n'a pas été suivie.
"Une peine, c'est aussi ce qu'on en fait"
Pour conclure cette cour d'assises, son président, Hugues Marchal, s'est adressé à Luc Nem : « C'est une peine sévère mais une peine, c'est aussi ce qu'on en fait. Si vous décidez de passer celle-ci à ne pas vous remettre en question, vous sortirez de prison sans avoir évolué, a-t-il déclaré. Mais si vous utilisez le temps qui va se présenter devant vous pour résoudre vos problèmes, vous prendre en main, essayer de devenir meilleur et peut-être même essayer de commencer des études ou de travailler en prison, un autre horizon s'ouvrira à vous lorsque vous en sortirez. La cour et le jury vous exhortent à aller dans cette voie de réhabilitation et pas dans une voie où vous vous recroquevillez sur vous-même comme vous l'avez fait jusqu'à présent. »
D'après Me Sine, Luc Nem va entreprendre des études et justement mettre à profit cette longue période d'incarcération « Il a 40 ans, il sortira un jour », indique son avocat, qui a de l'espoir pour son client. Il pense même que Luc Nem a déjà changé ou est en tout cas sur la bonne voie pour y arriver.
« Pour faire réfléchir ces hommes qui maltraitent leurs femmes »
C’est une semaine éprouvante qui s’est achevée pour la famille de Marielle dont plusieurs membres ont suivi tout le procès parmi lesquels ses sœurs, sa mère, sa fille, son ex-mari… Pour Germaine Haidon, la mère de Marielle, c’était important que Luc Nem soit puni et que les jurés ne s’apitoient pas sur son sort malheureux qu’il tentait de mettre en avant. « Je suis contente de ce qui a été rendu, confie-t-elle. On a reconnu les souffrances endurées par ma fille et ça soulage un peu. » Que ce soit pour Marielle ou toutes les autres qui ont vécu de telles violences, c’est un jugement exemplaire, estiment Sophie, sa sœur aînée, et sa maman. « Ça permettra peut-être de faire réfléchir ces hommes qui maltraitent leur femme ».
Parler, la clé de la liberté
« L’emprise de ces femmes commence dès le début de la relation, souvent sans qu’elles ne s’en rendent compte. C’est important d’informer et de sensibiliser pour faire prendre conscience aux femmes qu’elles peuvent être prises au piège et que celui-ci peut se refermer très vite si on ne dit rien », relève Sophie Tournay. C’était le cas de Marielle qui veillait à passer sous silence les violences tant verbales que physiques qu’elle subissait au quotidien. « Je ne compte pas le nombre de fois où je lui ai dit que ça finirait mal ! regrette sa maman. Mais elle retournait toujours près de Luc parce qu’elle disait qu’elle l’aimait. Quant aux traces de coups, on ne les voyait pas. J’habite en Espagne et quand j’appelais Marielle via internet, elle n’activait jamais sa caméra. Elle ne voyait pas non plus sa sœur tant qu’elle avait des bleus visibles. Si on l’avait vu, on aurait bien sûr fait quelque chose. »
Des faits que l’on dissimule
Quand des proches ont tenté d'extirper Marielle des griffes de Luc Nem, elle minimisait les faits ou ne voulait rien entendre. La police lui avait suggéré de se faire aider via le Service d'accueil des victimes. « Notre lettre est restée sans réponse, indique une des assistantes de justice du service. Peut-être parce qu'elle avait honte d'en parler ou parce que Luc Nem interceptait le courrier. On n'en sait rien. Les raisons peuvent être multiples. »
« Ce n'est pas drôle de dire qu'on est battu. C'est pénible de devoir confier cela à des policiers, des gens, des juges… On essaie maintenant d'exhorter les victimes à se plaindre via des campagnes de sensibilisation, commente Me Preumont. Il y a sans doute encore beaucoup de femmes qui ne parlent pas, ou pas tout de suite. Mais je crois qu'on fait des efforts pour améliorer cette situation.»
Luc Nem a isolé Marielle pour mieux la contrôler. Elle était vulnérable et il en a profité. « C'est un engrenage terrible devant lequel on se sent impuissant, ajoute Sophie. Quand on se retrouve dans cette situation, on ne sait pas toujours par où commencer, vers qui aller chercher de l'aide. Et puis on appelle la police mais elle ne peut rien faire s'il n'y a pas de plainte, c'est un cercle vicieux. On ne peut pas décider pour la personne, ni l'obliger à quelque chose, il faut qu'elle veuille elle-même s'en sortir. »
Parler est donc le maître mot, ne pas craindre de déposer plainte et savoir que des aides existent. « De l'aide extérieure, insiste la maman. Car en général ces victimes savent qu'elles vont faire souffrir leur famille en décrivant leur calvaire. Plusieurs services sont là pour les orienter et les aider à trouver un abri loin de leur bourreau. »
Un message que la famille tenait à faire passer. Les proches de Marielle vont désormais pouvoir reprendre leur vie là où il l'avait laissée avant le procès, sans oublier Marielle bien sûr, et avec l'espoir que cette affaire délie les langues et que leur combat ne soit pas vain.
« Luc Nem a subi le poids de ses erreurs persistantes »
Me Sine, l’avocat de Luc Nem, s’attendait à une telle peine. « Elle est sévère, mais conditionnée à un contexte qui est extrêmement défavorable à mon client. Un contexte que je peux entendre, mais qui est un état d’esprit où l’on considère qu’il faut arriver à une tolérance zéro pour les auteurs de violences conjugales, estime-t-il. Je respecte toutefois la décision de justice qui a été rendue. Mon client la respecte également, même s’il espérait peut-être une peine moindre. »
Plus d’attention pour ces faits
Pour Me Preumont, avocat des parties civiles, ce verdict montre l'importance qu'un jury populaire accorde à ce type de faits. « Ça n'a pas toujours été le cas. On a connu dans le passé des décisions qui étaient moins lourdes et des qualifications différentes comme des coups ayant entraîné la mort sans intention de la donner. » Et l'avocat de prendre l'exemple célèbre du chanteur Bertrand Cantat lorsqu'il a tué l'actrice Marie Trintignant. « Dans cette affaire, on n'a pas retenu l'intention homicide. Il a été condamné pour les coups et a écopé de huit ans de prison. Maintenant, je pense qu'il y a une attention différente et soutenue par rapport à ce type de faits. »
L'avocat note aussi que le caractère répétitif des faits, dans lesquels Luc Nem s'est empêtré, a joué. « Il a été incarcéré trois fois avant le meurtre pour des coups à la même victime. Il y a eu à chaque fois des mains tendues : des libérations sous conditions, un sursis probatoire avec des conditions aussi… Il n'a jamais rien respecté ! Cela a pesé lourd. Il a fallu l'arrêter par des moyens beaucoup plus contraignants. Quelqu'un qui aurait commis des violences pour la première fois n'aurait peut-être pas eu une peine aussi élevée. »
Pour l'avocat, Luc Nem n'a jamais fait que s'enfoncer. « À un moment de sa vie, il a une situation professionnelle, des revenus corrects, une compagne stable, bref ça va plutôt bien, et il ne va jamais se ressaisir. Il a subi le poids de ses erreurs persistantes. »
Me Gillet rappelle aussi la personnalité de Luc Nem, qui le rend peu enclin à se remettre en question : « Il y a très peu d'introspection dans son chef. Elle n'est pas nulle, mais l'espoir de la cour d'assises est justement que la prison longue durée lui permette de réfléchir, outre le fait de le mettre hors d'état de nuire ».