La disparition de Paulette résolue par Google Street View: « Moi j’avais fait mon deuil, je la croyais dans la Meuse », explique son mari (vidéos)
Stupeur et état de choc dans la rue Reppe, en surplomb du parc économique d’Andenne, où Paulette Landrieux, disparue le 2 novembre 2020, a été retrouvée ensevelie par la nature.
Publié le 17-10-2022 à 18h36 - Mis à jour le 17-10-2022 à 20h10
Devant sa maison de pierres peinturlurée en rouge, le mari de Paulette, Marcel Taret, est secoué. Sa femme, née Landrieux, âgée de 83 ans, qui s’était éclipsée sans faire de bruit du domicile le 2 novembre 2020, vers 13 h, et dont il était sans nouvelles depuis, a été retrouvée vendredi. Morte, comme la famille le redoutait, mais surtout, contre toute attente, à quelques dizaines de mètres de la maison où cette famille de 4 enfants, originaire du Nord de la France, a vécu depuis 1963. La proximité du lieu de sa mort, au vu des efforts déployés à la ronde pour la retrouver, suscite de la stupeur. Et une impression
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Depuis, Marcel vivait seul avec ses questions, travaillé par des scénarios sur ce qui avait bien pu arriver de fâcheux à son épouse pour qu’elle se volatilise ainsi, sans laisser la moindre trace.
« Moi, j’avais fait mon deuil »
Ce lundi matin, il accuse encore le coup. Semble sonné. "Je pensais que mon deuil était fini, dit-il. Depuis tout ce temps, je m’étais fait à l’idée qu’elle était tombée dans la Meuse." C’était ce à quoi la famille pensait: l’avalement de leur maman et grand-maman par la Meuse, en contrebas, où elle serait tombée accidentellement du fait d’avoir perdu sa tête.

L’avoir retrouvée tient lieu d’élucidation. Mais si savoir réconforte et résoud une énigme, la découverte des restes de l’octogénaire rouvre aussi la plaie d’une longue et cruelle absence à laquelle la famille n’a pas eu d’autres choix que se résoudre.
L’habitation où Paulette a brûlé sa vie est la dernière de cette section de cette longue rue Reppe mise en cul-de-sac et éclatée en plusieurs bras. Pour l’atteindre, il faut gravir une petite route raide. Haut perchées, les maisons quatre façades qui bordent cette ligne de crête urbanisée sont toutes flanquées d’un jardin dont les pelouses dévalent jusqu’à un minuscule plateau, un fouillis végétal aux entrelacements sauvages qui surplombe la route. L’endroit est si abrupt que certaines propriétés ne sont pas clôturées. Les fonds de ces jardins baignent dans l’ombre.
Bucolique a priori, le trafic ferroviaire, filant au pied de la colline, et l’usine fumante, broyant le silence ambiant, renvoient à l’origine industrieuse de ce territoire chahuté.
Une aiguille dans une meule de foin
Rembobinons l’histoire de ce triste dénouement.
Ce 2 novembre, jour de célébration des Morts par les chrétiens, Paulette Landrieux, les cheveux mi-longs gris/blanc, vêtue d’un pantalon noir et d’une veste blanche fausse compagnie à son mari. Ce n’est pas la première fois qu’elle part dans ses chaussures marron sans savoir où elle va. "Elle souffrait de la maladie d’Alzheimer", indique le mari. Celle-ci, qui détruit les neurones du cerveau pour les remplacer par des taches blanches, Paulette Landrieux en est victime à un stade avancé. Sa mémoire est en lambeaux. Il lui arrive de frapper à la porte de ses voisins, confuse, mais toujours garnie de ses bijoux. Selon nos informations, la démence qui la frappe ne lui permet plus de reconnaître les siens, ou à peine. "Il lui arrivait de s’échapper la nuit. Avec les enfants, on avait décidé de la placer dans une maison de repos, elle ne voulait pas, mais ce n’était plus vivable pour moi", dit-il, éploré.

Ce jour-là, elle disparaît pour de bon. Sa disparition, compte tenu de cette dégénérescence cérébrale irréversible, est immédiatement perçue comme inquiétante. Un avis de recherche est diffusé dans la foulée.
"À l’époque, indique Étienne Gaublomme, porte-parole du parquet de Namur, de gros moyens sont engagés. Une cinquantaine de policiers ratisse la zone avec l’appui de chiens et d’un hélicop tère équipé de caméras thermiques". Mais, en dépit de ce puissant quadrillage en règle, truffes de chien en tête, tout le monde passe à côté du corps de l’octogénaire. "Comment ne l’ont-ils pas retrouvée ? C’est incompréhensible. Le problème, indique une amie de la famille, c’est que les forces se sont concentrées dans une zone précise, toujours vers là (elle désigne la droite, et un bois) au lieu d’aller par là, vers le jardin."
Une incroyable vue sur la rue
Sur ce promontoire boisé et pentu, les secours se sont heurtés à une difficulté de taille: "Personne n’a vu dans quelle direction est partie Paulette Landrieux. C’était comme retrouver une aiguille dans une meule de foin", indique le parquet de Namur, pour éclairer cette malchance. L’autre difficulté est liée au caractère inaccessible de cette modeste bande de terre où la dépouille a été extraite de sa gangue végétale et où personne n’a imaginé que la disparue ait pu s’y aventurer, y choir et mourir.
Récemment, un vent favorable souffle cette idée lumineuse à l’oreille d’un limier de la police des Arches: interroger le service de navigation virtuelle du moteur de recherche Google, Street View (littéralement, vue sur la rue). Et cette vue sur la rue Reppe (lire ci-contre) fait aussitôt tilter la police. La police n’en croit pas ses yeux. La Google car cartographiant Andenne a saisi par le plus grand des hasards la direction prise par Paulette Landrieux. Sortant de chez elle, elle est allée tout droit. A traversé la route pour se rendre dans la maison d’en face. Elle n’a pas sonné à la porte, a contourné la maison pour descendre le jardin pentu, non – clôturé. Sans un bruit, elle y est tombée, là où de jeunes jambes pourraient aussi s’étaler. Mais elle ne s’est pas relevée, et l’endroit où elle a roulé, in fine, s’est transformé en sépulture provisoire.
Paulette, un temps, avait été couturière au grand magasin de prêt-à-porter Fontaine Malaise, à Beez.
Gisante contre son gré en pleine nature, à la merci des intempéries et des animaux, elle sera inhumée ce mardi matin, entourée des siens.