Les 10 ans de Paysans-Artisans, en Province de Namur: "On a pris le vent quand il fallait"
La coopérative de producteurs et consommateurs souffle ses dix bougies. Paysans-Artisans, ce sont 8 magasins, 17 points de R’Aliment, 900 coopérateurs, 170 producteurs et 5000 familles qui y font leurs courses chaque semaine.
- Publié le 01-06-2023 à 17h45
- Mis à jour le 01-06-2023 à 19h11
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L’histoire commence par un ras-le-bol fédérateur. Marre de voir souffrir et disparaître les producteurs du coin et de constater qu’un produit n’est plus une histoire mais un prix. "Tout était en train de nous échapper ! Il fallait reprendre la maîtrise sur la production, la distribution et nos modes de consommation", relate Thérèse-Marie Bouchat, co-directrice et fondatrice avec Benoît Dave et une demi-douzaine d’autres personnes.
Ensemble, ils sont allés à la rencontre d’une vingtaine de producteurs durant l’hiver 2012-2013. "Produire et commercialiser, ce sont deux métiers différents. Démarrer les deux ensemble, c’était parfois compliqué pour ces producteurs. On s’est donc regroupés", poursuit-elle. Ils sont 107 coopérateurs (la vingtaine de producteurs et des citoyens désireux de faire bouger les lignes) lorsqu’ils lancent la coopérative le 30 mai 2013.
Aux antipodes des enseignes de la grande distribution dominées par l’agro-industrie, ils veulent défendre et promouvoir une agriculture paysanne et un artisanat de transformation de produits agricoles. Leurs objectifs: faire reculer l’alimentation industrielle aseptisée et formatée et favoriser une alimentation diversifiée, goûteuse, de qualité et accessible à tous.
La logistique à Floreffe
Au début, la petite équipe n’a pas un kopeck. Elle démarre par la vente sur internet et un point de R’Aliment à Buzet (Floreffe). "Ensuite, on a déménagé au séminaire de Floreffe, que l’on a occupé gracieusement jusqu’en 2016, le temps que l’on retape l‘ancien hall aux marchandises de la gare de Floreffe, se souvient Thérèse-Marie Bouchat. On l’a rénové grâce à une première campagne d’investissement citoyen."
Via une structure coopérative sœur baptisée Paysans-Artisans Invest, plusieurs projets sont ainsi financés avec l’apport de citoyens, de partenaires financiers comme W.Alter et des banques alternatives.
Ce nouveau centre logistique est un bond vers la professionnalisation du circuit court. En parallèle, les points de R’Aliment (qui distribuent les commandes) se multiplient à Spy, Saint-Gérard, Saint-Servais, etc. Paysans-Artisans se sent pousser des ailes et ouvre son premier magasin, rue des Carmes à Namur, en 2017. La gamme de produits évolue et d’autres magasins ouvrent, à Jambes en 2018 et Salzinnes en 2019.
Les magasins, créateurs de lien
Sur le site de son Q.G. à côté de la gare de Floreffe, Paysans-Artisans aménage en 2019 un deuxième bâtiment, grâce à un nouvel investissement citoyen. Des magasins ouvrent à Lustin et Saint-Gérard en 2020, année du Covid mais aussi année de folie puisque les commandes en ligne triplent !
En 2021, soucieuse de ne pas laisser le volume de production chuter après le Covid, la coopérative ouvre des magasins à Bouge, Saint-Marc et La Plante. Tous ces commerces de proximité sont autant de lieux pour s’approvisionner que pour échanger et reconnecter producteurs et consommateurs, au cœur des villages. "On n’avait pas prévu d’être présents dix années et on ne sait pas où on sera dans dix ans, confie Benoît Dave. Une dynamique collective s’est installée. On a pris le vent quand il fallait le prendre, on a saisi les opportunités."
Huit magasins et 17 points de R’Aliment plus tard, Paysans-Artisans compte 900 coopérateurs et commercialise les denrées de 170 producteurs (fruits, légumes, produits laitiers, pain, viande, épicerie et plein d’autres produits artisanaux). Chaque semaine, 5000 familles y font leurs emplettes.
La coopérative possède depuis peu un troisième bâtiment près de la gare de Floreffe. De nouveaux murs afin de poursuivre l’histoire. Elle envisage d’ouvrir bientôt deux autres magasins à Flawinne et… Floreffe, là où tout a commencé !
«Le bénévolat permet de payer plus correctement les producteurs»
Thérèse-Marie Bouchat et Benoît Dave nous en disent davantage sur la structure et toutes les personnes qui gravitent autour de la coopérative.
Comment Paysans-Artisans assure un prix juste aux producteurs?
C’est simple, ce sont eux qui le fixent. Sauf en maraîchage, où nous fixons les prix ensemble. On accepte de produire quand un minimum de rentabilité est assuré. Pour les autres filières (fruiticulteurs, boulangers, confiseurs, éleveurs, fromagers, etc), on identifie ensemble les productions déjà assurées, celles à développer et celles que l’on peut confier à des producteurs extras ou étrangers. Le prix est une question d’équilibre et issu d’un compromis. Ils perçoivent de toute façon plus que s’ils vendaient dans la grande distribution.
Qui sont ces producteurs extras ou étrangers dont vous parlez?
Les extras sont en général membres d’une autre des 44 coopératives de distribution en circuit court (de Wallonie et de Bruxelles) du Collectif 5C, souvent en bio, qui dépannent le temps que la filière se structure et assure la production. Les étrangers, ce sont les producteurs de Grèce, Italie, Espagne, France ou d’ailleurs qui proposent ce qu’on ne produit pas sur nos terres comme les agrumes, l’huile d’olive, les bananes, le café, les anchois… Ils travaillent en circuit court et partagent notre philosophie.
La coopérative collabore avec 350 à 400 bénévoles, pourquoi autant?
D’abord pour faire mouvement car c’est en faisant les choses ensemble qu’elles prennent tout leur sens. Ça permet d’avoir tous les âges et tous les profils. Le bénévolat représente 5 à 10 % du temps de prestation total. L’essentiel des bénévoles se trouve dans les points de R’Aliment et, dans une moindre mesure, dans nos magasins. Au fur et à mesure, les choses se sont professionnalisées. En ce sens, le bénévolat ne tue pas l’emploi, il en crée. Plusieurs bénévoles ont été engagés par la suite. Le bénévolat permet aussi de réduire nos marges et de payer plus correctement les producteurs.
Au final, Paysans-Artisans a donc également une finalité sociale?
On ne laisse pas les gens sur le carreau. Dans l’aventure, on embarque des personnes qui ne trouvent pas leur place dans la société : migrants, demandeurs d’asile, jeunes en service citoyen, personnes en insertion socio-professionnelle ou qui doivent exercer une peine alternative, personnes porteuses d’un handicap, stagiaires… On a de plus en plus de salariés, ils sont une soixantaine.
Que répondez-vous quand on vous dit que Paysans-Artisans, c’est plus cher?
Que c’est une autre qualité. Nos poulets, ce sont des poulets d’au moins 90 jours, pas de l’industriel de 42 jours par exemple. On n’est pas obligés de manger de la viande tous les jours mais on peut décider de privilégier la qualité. On a des modes de transformation plus artisanaux. Et puis, ça dépend de quoi on parle : nos fruits et légumes bio sont moins chers que le bio de la grande distribution. Il y a moyen de s’en sortir en achetant moins de produits transformés, en cuisinant plus et de saison.

La fête, pour mobiliser
Pour Paysans-Artisans, rien de plus mobilisateur que de faire la fête ensemble. Ce sera le cas ces 3 et 4 juin.
Paysans-Artisans propose dans ses magasins les ingrédients pour faire la fête : des bières, du vin, des jus en plus de quoi se sustenter. La coopérative organise régulièrement des animations et événements conviviaux qui permettent de mieux se connaître et de nouer des liens. Avec leur petit bar, les points de R’Aliment sont aussi l’occasion de prendre un verre en venant chercher sa commande.
Ce samedi 3 juin, Paysans-Artisans convie les voisins à un apéro en musique avec un bar et des foodtrucks. «C’est un peu pour se faire pardonner des dérangements dus aux travaux d’aménagement de nos bâtiments à Floreffe», plaisante Benoît Dave. Dès 20h30, tout le monde sera invité à se déhancher sur les concerts de Los Pepes et des musiciens de Guess What (ska, rock, funk, etc). La soirée se clôturera avec DJ Curver. Prix : 9 € sur son site web et 10 € sur place.
Une chorale et du rock agricole
Le 4 juin, plusieurs rendez-vous sont prévus. Dès 11h, le public est invité à rencontrer une centaine de producteurs de la coopérative et à déguster leurs produits. À midi, il pourra profiter d’un apéro en musique et découvrir en vidéo les aventures de Paysans-Artisans depuis 2013.
À 13h, un grand banquet sera préparé par les traiteurs de la coopérative. À 15h, la chorale de Paysans-Artisans baptisée Chœur d’Artichaut poussera la chansonnette entre autres jeux et animations. À 16h30, ce week-end festif se terminera avec le concert du groupe Compost Binde. «Ça mêle rock agricole, ska, reggae, blues, rock et folk. C’est complètement déjanté! Une partie de leurs chansons est en wallon. Ce sont des ambianceurs de première catégorie», assurent Thérèse-Marie Bouchat et Benoît Dave.