Anhée : Haut-le-Wastia célèbre les 20 ans de son musée et le 83e anniversaire de mai 1940 (photos)
Le village de Haut-le-Wastia s’est souvenu dimanche des jours sanglants de mai 1940. C’était il y a 83 ans. Des reconstitutions spectaculaires et des discours en habit d’époque ont célébré les héros massacrés à l’entame de la guerre. En filigrane, un immense cri pour que la paix revienne en Ukraine. Initialement, cett journée historique aurait dû se dérouler en mai 2020.
Publié le 14-05-2023 à 21h16 - Mis à jour le 14-05-2023 à 22h11
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Inlassablement, se souvenir des héros qui sont tombés à Haut-le-Wastia. Commémorer ces premières heures sombres de mai 1940 et leur engrenage meurtrier faisant brutalement sombrer un monde en paix dans le malheur et la barbarie. L’armée allemande, après avoir violé le territoire belge le 10 mai 1940, déboule aux avant-postes de la Meuse deux jours plus tard, grisée par un sentiment de toute puissance.
Se souvenir, et transmettre la mémoire, quoique 83 ans se soient écoulés et qu’il n’y a plus personne pour porter témoignage de la résistance héroïque de la 5e compagnie du 129e régiment d’infanterie français. Cernés et harcelés par les blindés des envahisseurs, pris en tenaille par des tirs de mortier, les soldats engagés tombent par dizaines sous les balles. Haut-le-Wastia inaugure l’enfer.
Se souvenir comme y invite un musée depuis 20 ans, en silence et devant force documents et archives d’époque. Et, plus rarement, comme il y a 10 ans, se souvenir plus visuellement ce week-end de ce début d’apocalypse, avec des reconstitueurs minutieux très mobilisés ayant sorti des costumes et des véhicules conformes à la vérité historique.
Sur la place du village, ce dimanche, ils sont des centaines à s’être rassemblés pour dispenser une bruyante leçon d’histoire, celle d’un village prenant ses jambes à son cou, talonné par la fureur d’une armée allemande vengeresse.
Les moteurs de quelques jeeps et motos kaki arrachent les rues à leur torpeur printanière. On voit des dames épeurées partir avec un canard, un villageois tirant un âne, d’autres valises à la main. Le mayeur, le champêtre, le prêtre et le maître d’école. Tous décampent avec effroi.
Célébration du souvenir en deux temps. Par des mouvements de figurants en matinée, dont certains, originaires de Normandie, ont parcouru des centaines de km pour être présents. Ensuite par de fortes prises de parole l’après-midi, au terme d’un office religieux ayant supplié que la paix revienne en Ukraine et prié pour toutes les victimes des guerres dans le monde.
"Il y a 83 ans, face à un adversaire supérieur en nombre et en matériel, nos soldats, français et belges, ont fait leur devoir, parfois au-delà de ce qui leur était demandé", déclare Dominique Halloin, co-organisateur de la journée aux côtés d’une poignée de valeureux bénévoles.





















Toujours pas de vraie victoire
Comme indiqué sur la pierre commémorative, Haut-le-Wastia est un brillant fait d’armes. "Cependant, 260 soldats sont tombés, des centaines ont souffert. Pour cette raison, notre livre d’histoire ne devra jamais se refermer, nous sommes les passeurs de mémoire de ces soldats", souligne-t-il. Le camp de la démocratie a triomphé de la tyrannie. Mais le prix payé fut effroyable: 60 millions de morts. La guerre la plus meurtrière de l’histoire. "La vraie victoire aurait été qu’il n’y ait plus de guerre". Or…
Devant le monument aux héros, des paroles marquent les esprits. Bertrand Bellanger, président du Département de la Seine-Maritime, en Normandie, qui avait déjà inauguré le musée il y a 20 ans, complimente l’organisation: "S’il est facile d’initier une démarche du souvenir, il est beaucoup plus compliqué de la pérenniser. Et c’est ce à quoi on assiste ici. Et ce n’est pas un hasard si nous sommes si nombreux ce dimanche. De nombreuses familles se retrouvent dans un grand moment de mémoire franco-belge. C’est extraordinaire." Le président de Seinemaritime évoque des combats terribles condensés sur 4 journées. "Un grand moment dans lequel l’actualité est ôo combien présente complète-t-il, parce que la guerre fait rage aux portes de l’Europe." Une guerre tout aussi sale et meurtrière. Alors, hommage unanime à l’Europe: "Quelle autre plus belle journée que celle-ci pour mettre l’Europe en avant et en lumière."
Jadis ennemie honnie, aujourd’hui partenaire, l’Allemagne est représentée par un consul honoraire, Christian Behrendt, un constitutionnaliste belgo-allemand et professeur à l’Université de Liège. Sans détour, il rappelle que l’Allemagne a violé à deux reprises en moins d’un demi-siècle la neutralité de la Belgique telle que consacrée par le droit international depuis 1839.
Le père, le frère, l’enfant
Mais l’Allemagne, depuis longtemps maintenant, sert la paix dans une Europe unie. Elle s’est excusée et a formulé des regrets sincères pour avoir semé tant de malheurs dans le monde et commis un génocide industriel.
Que de chemins parcourus depuis 1945, que de réalisations communes: une monnaie, une défense, une politique économique, une même aspiration de paix.
Le temps a fait son œuvre, l’Europe a appris. "Nous vivons dans des contrées en paix depuis bientôt 80 ans, ce qui, au cœur d’un continent aussi porté jadis sur les confrontations militaires, constitue un accomplissement immense." Signe d’un espoir permis.
Les orateurs et l’assistance s’inclinent devant la mémoire des morts, toutes nationalités confondues. "Nous reconnaissons en chacun d’entre eux le père, le frère et l’enfant. C’est en reconnaissant la part d’humanité en chacun d’entre eux et d’entre nous que nous ferons œuvre de paix", lance-t-il. Dans l’atmosphère printanière retentit, en apothéose, ce cri de victoire sur l’histoire: "Vive l’Allemagne, vive l’Angleterre, vive la Belgique, vive la France et vive l’Europe."