Il y a 20 ans, la Belgique terminait 2e à l’Eurovision avec le groupe Urban Trad: "Un grand souvenir" (vidéos)
En 2003, avec le titre "Sanomi", Urban Trad créait la surprise à Riga (Lettonie) en finissant deuxième du concours Eurovision de la chanson, à 2 points de la Turquie. À quelques jours de la première demi-finale, qui aura lieu mardi à Liverpool (Royaume-Unis), retour sur cette expérience hors du temps avec l’accordéoniste de Finnevaux (Houyet) Didier Laloy.
Publié le 05-05-2023 à 17h49 - Mis à jour le 05-05-2023 à 18h45
Un rendez-vous est fixé au studio Koko Records, à Sprimont, où Didier Laloy est en plein mixage de l’album du groupe 100 Voltas. Un projet qu’il a en commun avec la chanteuse Veronica Codesal… de feu le groupe Urban Trad. "En fait, on ne s’est jamais quitté, on a toujours fait des projets ensemble", souffle l’accordéoniste houyetois. Il revient sur cette incroyable épopée.
Didier Laloy, quel souvenir gardez-vous de cette époque ?
Un grand souvenir. D’autant que ma première fille venait de naître. C’était la plus jeune accréditée à l’Eurovision (rires). Je me souviens qu’à l’époque, nous étions 8 dans le groupe, mais on ne pouvait être qu’à 6 sur scène. C’était frustrant. Universal a dû choisir qui allait partir. Il fallait que ça bouge sur scène. Ils n’ont pas pris la guitare et la batterie, pour garder la basse, le violon, l’accordéon et la cornemuse.
Quelle a été votre réaction lorsqu’on vous a annoncé que vous alliez participer à l’Eurovision ?
On croyait à une blague, on était sceptiques. On venait des musiques traditionnelles, on jouait dans des centres culturels, des petites salles. Avec l’équipe et Yves (Barbieux, le compositeur) on a accepté de relever le défi et on est parti là-bas.
Le groupe était atypique pour l’atmosphère Eurovision…
On venait des musiques du monde. À l’époque, c’était le renouveau des musiques traditionnelles. On est arrivé à l’hôtel, où pratiquement tous les groupes logeaient, en pull et t-shirt. On s’est retrouvé au milieu d’extraterrestres. C’était latex, strass et paillettes. C’était la troisième dimension.
La soirée Eurovision, c’était comment ?
Il y avait des caméras dans tous les sens, la scène était gigantesque, avec un immense écran. On jouait devant 10 000 personnes. Les changements de plateaux étaient très rapides. C’était impressionnant pour nous qui venions de petites scènes. En fait, on a vécu deux fois l’Eurovision, car ils enregistrent la veille, dans les conditions du direct, au cas où un incident se déroule le jour J, pour pouvoir switcher sur l’autre prestation (NDLR: les organisateurs craignaient notamment que les filles du groupe russe t.A.T.u., qui étaient les grandes favorites, s’embrassent sur la bouche sur scène).
Comment avez-vous appréhendé la soirée Eurovision ?
Comme un jeu d’abord. On ne croit pas du tout qu’on va gagner. Pour nous, cette chanson n’était pas faite pour ça. Personne d’ailleurs n’y croyait. La RTBF n’avait même pas prévu d’envoyer une équipe pour nous suivre. Mais au fur et à mesure des résultats, on arrive en tête, on est premier, deuxième, puis premier jusqu’à bout. Lors du dernier vote, on passe derrière les Turcs. Et on finit derrière eux, pour deux points.
C’était la déception ?
Je suis joueur, donc c’était super-râlant. J’aurais bien voulu gagner. Par contre, c’était un soulagement pour la RTBF, car celui qui gagne doit organiser l’année suivante. Après, gagner, ça aurait peut-être changé des choses. Sans doute que chaque musicien n’aurait pas pu défendre sa propre carrière derrière.
Passer à l’eurovision peut ruiner une carrière ?
On a tous eu peur quand on nous l’a proposé. Car l’Eurovision a un côté ringard, kitch. À l’époque, je jouais avec Steve Houben. Ça aurait pu démolir ma carrière, mais pas du tout. Finalement, le concours a été un tremplin pour le groupe qui a eu une super-vie et pour les musiciens. Plein d’autres groupes ont pu exister grâce à la participation de musiciens d’Urban Trad. Le public suivait.
L’Eurovision, c’est du direct ?
Le chant est en live, ce qui était impressionnant pour les chanteuses. Par contre, les instruments sont en play-back. Ça se voit fort d’ailleurs que je fais du play-back. Il fallait que ça bouge, et bien je bouge à fond (rires). Et le pire, si j’écoute bien la bande, c’est qu’il n’y a pas d’accordéon…
Comment est-ce possible ?
À l’époque, on avait enregistré plein de titres. Au mixage, on garde plus ou moins les instruments. Certains peuvent disparaître. L’accordéon, pour moi, n’est pas sur la bande. On l’a rajouté par la suite, vu le succès. C’est formidable. Moi, ça m’amuse.
Vous avez bluffé tout le monde
Oui (rires). Depuis je suis considéré comme un grand musicien… alors qu’à l’époque c’était du play-back, du vent (rires).
Quel a été l’accueil ensuite ?
On a été accueilli à Zaventem comme des footballeurs qui reviennent de la Coupe du monde. Il y avait des journalistes partout, on a rencontré le premier ministre, le roi. Wilfried Brits, le manager, gérait tout comme si on était des superstars. On est allés dans des limousines. On parlait de nous partout. En Flandre, on faisait plein d’émissions populaires. En Wallonie, par contre, le soufflé est retombé très vite. Ça a fait la carrière du groupe. On a joué dans des festivals qu’on faisait avant mais avec une autre aura. C’était une expérience unique dans ma carrière, même si j’ai eu la chance de jouer avec des gens connus. Mais une telle médiatisation, ça a été la seule fois.
Vous habitiez Wanlin (Houyet) à l’époque…
Avec ma compagne, on venait de quitter Bruxelles juste avant l’Eurovision. Dans un journal, on a parlé de moi comme "l’enfant du pays" (rires). On a été intégré grâce à l’Eurovision. Tout le monde nous disait bonjour.
Vous continuez à vous voir avec les membres du groupe ?
J’ai eu plein de familles et Urban Trad en était une. Dedans, il y avait Véro, entre autres, avec laquelle je travaille toujours beaucoup et avec qui je tourne beaucoup en Espagne (lire par ailleurs).
Si on vous propose de repartir pour l’Eurovision…
Je signe tout de suite. Pour faire plaisir à mes enfants (rires) et pour moi, pour me rouvrir à d’autres univers.
