Festival du rire de Rochefort : Sofia Syko, l’une des seules flics qui a de l’humour
La loquace et spontanée comédienne verviétoise, découverte voilà 10 ans à Rochefort, montera sur les planches du Festival du rire avec son one-woman-show "Flic ou femme", ce vendredi soir. Elle parlera de ses 20 ans d’expérience dans la police. Un spectacle à la fois rigolo et touchant. Et il reste des places.
Publié le 04-05-2023 à 20h36 - Mis à jour le 04-05-2023 à 21h02
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C’est un véritable couteau suisse. Ancienne coiffeuse, Sofia Sykopoulos, de son vrai nom, a tout plaqué en 1999 pour devenir inspecteur de police. Au départ, cette profession, elle la mettait plutôt de côté sur scène. Mais " la curiosité des journalistes " a changé la donne. Elle a fini par assumer et par monter un spectacle.
Sofia Syko, vous êtes toujours dans la police aujourd’hui ?
Non, je n’y suis plus depuis 4 ans. J’ai pris mon envol… en plein Covid. On peut dire que j’ai choisi mon moment.
Un choix, pour vous consacrer à la scène et libérer votre parole ?
En fait, pas vraiment. J’ai toujours une certaine réserve sur les choses à dire et ne pas dire, une jonglerie dans mon cerveau. Si j’ai quitté la police, c’est parce que je suis tombée malade, j’ai fait un burn-out. J’ai eu beaucoup de pression dans tous les sens. Au départ, je faisais du théâtre, comme on fait une activité le soir. J’ai monté mon premier spectacle après 10 ans dans la police. Quand j’ai commencé à avoir un peu plus de notoriété, ça a commencé à en chiffonner certains. Au lieu de profiter du cocorico sympathique de mes spectacles, en 2012, j’ai eu les pires emmerdes dans la zone où je travaillais. Je sentais que je dérangeais. Ça a duré 7 ans. Dans le théâtre, il y a des coulisses, mais dans beaucoup de professions aussi. Finalement, en 2019, une phrase d’un supérieur a provoqué chez moi un black-out. Je suis partie. Il fallait que je me sauve, dans tous les sens du terme. J’y ai tout perdu, mes collègues, mes amis, et même mon couple. Heureusement que j’ai eu la scène et le public pour m’en sortir.
Vous parlez de cette mauvaise expérience dans le spectacle ?
Je survole, je ne crache pas dans la soupe pour n’égratigner personne. Je parle plutôt des inepties dans la police. Je ne veux pas donner de l’importance à des personnes qui n’en valent pas la peine. Et je suis bien consciente que la situation aurait probablement été différente dans une autre zone. Des mauvaises personnes, il y en a dans toutes les professions.
Revenir à Rochefort, ça représente quoi pour vous ?
Rochefort, je peux dire que c’est mon papa et ma maman. Ils m’ont soutenue dans des moments où j’étais au plus mal. Quand on regarde les archives de 2013, j’étais anorexique et dépitée. À l’époque, j’ai gagné 13 prix sur 13 festivals, en plein désarroi. J’étais en pleine séparation. Je pleurais dans les coulisses, puis je revenais sur scène avec mes trophées. À cela s’ajoutaient les conneries des considérations de la police qui trouvait que la scène, le soir, me fatiguait. Mais j’avais le droit d’avoir une activité sur le côté, comme quelqu’un qui va jouer au foot. C’était incroyable. Et tout ça dans une ambiance de misogynie…
C’était si marqué ?
Lorsque j’ai commencé la police, j’étais une des premières femmes dans la zone. Et j’étais colorée. On se serait cru chez Benetton, comme s’il fallait un quota. Pour se faire une place dans un groupe d’hommes, il faut perdre sa féminité, devenir le bon pote. La moindre bagarre, tu dois suivre. Les pires, ce ne sont pas les policiers mais leurs femmes à la maison. Elles n’avaient pas l’habitude que leurs hommes aient des collègues féminines. Ce n’était pas évident. Il fallait parvenir à allier l’amour du travail avec l’environnement.
Quel parallèle peut-on faire entre la police et le théâtre ?
La police, c’est un grand terrain d’impro. Quand on appelle au 101 pour un chat sur un arbre, on arrive et c’est un tigre. On doit improviser en fonction des situations pour, en urgence, calmer le jeu, détecter l’infraction. Il faut avoir de la répartie. C’est un peu la même chose dans le théâtre. Il y a d’ailleurs toujours un peu d’impro dans mes spectacles. Dans la police, on tombe aussi sur des choses tristes. Il faut pouvoir réagir.
Justement, peut-on rire de tout sur scène ?
Pour moi, non. J’ai laissé de côté tous les aspects tristes du métier. Il y a des interventions non racontables, pas drôles. Il y a des sujets sur lesquels on ne rigole pas, par mémoire et par respect pour les gens. Dans le spectacle, je mets en évidence le côté drôle du métier, la connerie aussi, les trucs atypiques.
Tout est vrai dans le spectacle ?
C’est mon histoire professionnelle, familiale, de femme, de mère, de sœur, de fille. Tout est du vécu. Je ne saurais pas en parler si ce n’était pas le cas. C’est très drôle, ça défoule. Il y a aussi beaucoup d’autodérision.
Aujourd’hui, vous avez la reconnaissance de vos pairs ?
Il y a un mois, j’ai reçu un courrier. On voulait me remettre la palme de l’ordre de la Couronne. Le document était signé par la hiérarchie, qui reconnaissait que j’avais été irréprochable. Pour moi, c’était une reconnaissance. J’ai aussi eu l’occasion de jouer devant des policiers qui m’ont fait une standing ovation. Des juges, des magistrats sont venus me voir et m’ont félicitée. Ça fait plaisir.
Quel est votre état d’esprit en revenant à Rochefort ?
Je suis hyper-heureuse, excitée, j’ai l’impression de rentrer à la maison. Rochefort, c’est unique, c’est magique, j’adore l’avant, le pendant et l’après. Je suis le bébé de Rochefort. Depuis 2012, j’y vais chaque année. Je connais tout le monde et tout le monde me connaît. J’ai une chouette relation avec le président, avec les bénévoles. D’ailleurs, il faut que j’amène de la tarte au riz. c’est une spécialité verviétoise. Certains m’ont même passé commande (rires).
Il reste des places pour le spectacle "Flic ou femme" de Sofia Syko ce vendredi soir à Rochefort.