Schaltin: il était juste d'honorer ces justes
Des enfants juifs et des réfractaires ont été cachés pendant la guerre, au château de Schaltin, cadre d’une rafle. La mémoire héroïque des protecteurs vient d’être ravivée.
Publié le 29-04-2023 à 10h05 - Mis à jour le 29-04-2023 à 10h35
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"Merci, merci, merci. Recevez toute la gratitude de notre famille". Derrière le micro, face à une assistance d’une centaine de personnes rassemblées devant le château de Schaltin, Pierre Yernaux est ému. Il vient de s’exprimer au nom des descendants des époux Louis et Marie Warnant (née Rauby), dont il est un petit-fils. Ils sont honorés, tous comme les propres parents de M. Yernaux, dont le nom est également cité sur la plaque commémorative qu’il a dévoilée avec sa sœur Anne-Marie. Elle se trouve sur la façade du château de Valensart. Car il y a deux châteaux côte à côte. Un féodal et celui-ci. Qui fut le cadre à la fois de la grandeur humaine dans le chaos, mais aussi de la noirceur totale de certaines âmes.

Le 2 août 1944, les gestapistes débarquent
Les époux Warnant ont acheté la propriété en 1935. La famille vivait principalement dans sa partie féodale. En 1943, la Jeunesse Ouvrière Chrétienne loue le château (moderne, toute la propriété sera rachetée en 1954). En relation avec les autorités juives, on y vient en aide à des gosses qui souffrent du rationnement. Mais on y cache aussi des enfants juifs, ainsi que des réfractaires au travail obligatoire. Voilà comment Louis Warnant, son épouse Marie Rauby, mais aussi leur fille Mariette et leur beau-fils François Yernaux, ont pris de gros risques, en tant que propriétaires d’un lieu de refuge. C’est d’autant plus vrai que la Gestapo a débarqué au château le 2 août 1944, sans doute à la suite d’une dénonciation. Quatre jeunes et trois adultes ont été raflés, dans les hurlements des gestapistes.
Avant le dévoilement de la plaque commémorative, pour se replonger plus concrètement dans la sombre histoire, des élèves de l’école primaire Claire d’Assise de Schaltin ont lu des extraits du livre d’un témoin, Marcel Liebman, qui fut un enfant juif caché ici.
La jeunesse était bien représentée lors cette cérémonie, clôturée par une Brabançonne chantée par les élèves de l’école communale. Avec la particularité que se trouvait sur place la famille de justes qui ont risqué leur peau, sans compter une autre réalité actuelle: une guerre de retour en Europe, à un bon millier de kilomètres de Schaltin, de nouveau avec des horreurs et de graves exactions. Malheureusement, l’histoire repasse les plats. On se sent d’autant plus concerné.

Oubli réparé
Pierre Yernaux, un habitant d’Erpent, était le porte-parole de toute sa famille, bien représentée (avec la présence de la jeune génération, en l’occurrence l’un des arrière-petits-fils). Pour lui, on le lira par ailleurs, un oubli est réparé. Enfin. Quand, en 2019, on avait fait une grande reconstitution des événements survenus à Schaltin, on avait omis de raviver la mémoire des époux Warnant, la plaque commémorative n’a été dévoilée que ce vendredi, avec un sacré décalage. Mais la famille n’en veut à personne, les circonstances étaient spéciales. Dixit Jacques de Cartier d’Yves, président de la Maison de la mémoire, "On venait de perdre Luc Jadot, c’est lui qui avait toutes les infos et les contacts avec la famille". Luc Jadot, c’est feu l’ancien bourgmestre de Hamois, qui était féru d’histoire et de patrimoine. Après la reconstitution de 2019 incomplète, il y a eu le Covid. Voilà comment la mémoire n’est raccommodée que maintenant. Jacques de Cartier d’Yves ayant endossé le rôle de maître de cérémonie, qu’il maîtrise parfaitement.

Message du grand rabbin
C’est très bien, estiment Pierre Yernaux et sa famille, leurs aïeux sont enfin reconnus comme les justes qu’ils sont. Par contre, Justes parmi les nations, ce n’est pas le cas, M. Yernaux explique que la famille n’en a jamais fait la demande à l’État d’Israël, et qu’il n’y a pas eu de contact dans l’autre sens.
Là n’est pas l’important, ce qui l’est, c’est ce qui vient de se passer à Schaltin. Où a été lu un message transmis par Albert Guigui, grand rabbin de la synagogue de Bruxelles: "Notre peuple sera éternellement reconnaissant à tous ces justes des nations qui, au péril de leur vie, ont sauvé des juifs des griffes des nazis. Toute ma reconnaissance à la famille Warnant-Rauby". Cette fois, tout est dit.

