Namur: des pionnières de l’informatique se dévoilent dans une expo
Souvent dans l’ombre, les femmes ont pourtant eu un rôle primordial dans le développement informatique. Le NAM-IP, le musée de l’informatique de Salzinnes, les honore dans une exposition.
Publié le 27-04-2023 à 17h02 - Mis à jour le 27-04-2023 à 18h06
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Elles s’appellent Ada Lovelace, Margaret Hamilton, Grace Hopper, Hedy Lamarr, Radia Pelman ou Susan Kare et sont à l’origine de découvertes innovantes voire révolutionnaires dans l’informatique.
"Le choix n’est pas exhaustif mais on a voulu s’intéresser à une dizaine de pionnières dans leur domaine (programmation, génie logiciel, intelligence artificielle, jeux vidéo, infographie, avènement d’Internet, etc.)", explique Gaëlle De Cupere, médiatrice culturelle et commissaire de l’expo baptisée Des femmes remarquables dans l’histoire de l’informatique.
Celle-ci débute aux XVIIIe et XIXe siècles, bien avant l’existence de l’ordinateur. "Au début, les femmes étaient des calculatrices humaines. Dans le domaine de l’astronomie, elles étaient chargées de collecter des données sur les astres à l’observatoire de l’Université d’Harvard par exemple", indique Gaëlle De Cupere.
L’exposition évoque aussi la mécanographie à cartes perforées. "C’étaient des grosses machines utilisées par les entreprises pour faire de la facturation et d’autres calculs. C’était vraiment l’ancêtre de l’ordinateur ! Il s’agissait d’encoder des données sur une carte perforée. Ce sont les femmes qui s’y collaient car ces métiers étaient considérés comme trop peu valorisants pour les hommes, poursuit notre interlocutrice. On disait aussi que les femmes avaient plus de dextérité et de patience. On les surnommait les perforatrices !"
Précurseure du Bluetooth
L’équipe qui a élaboré l’exposition est partie d’un constat: "Quand on reçoit des classes en option informatique, on les reconnaît de loin parce qu’il n’y a pas de filles ou très peu, sourit Gaëlle. On a voulu leur montrer qu’il y a pourtant bien des femmes dans l’informatique et qu’elles ont eu un rôle crucial."
Un pan de l’exposition est consacré aux femmes de la NASA, engagées pour calculer la trajectoire des vaisseaux spatiaux et contribuer au développement de programmes spécifiques de l’aérospatial. "Elles ont eu un très grand rôle dans l’envoi du premier homme sur la Lune, relève la médiatrice culturelle. Ça n’aurait pas réussi sans leur intervention !"
L’exposition se compose principalement de panneaux didactiques, de quelques objets et d’illustrations, dont des photos issues d’une des quatre collections du musée. L’équipe a travaillé environ un an pour la mettre en place.
"On s’est parfois arraché les cheveux pour trouver de la documentation parce que ces femmes ne sont pas fort connues et il n’y a pas énormément de références, relate Gaëlle De Cupere. Et quand elles ont reçu des récompenses, c’est souvent à titre posthume." Ce fut le cas notamment pour la Belge Lydia Hirschberg (1923-2018), pionnière de l’informatique linguistique, qui a demandé quelques investigations. "Elle a élaboré un dictionnaire automatisé en six langues pour la Commission européenne, révèle Gaëlle. On a dû contacter ses enfants pour acquérir des photos et des informations parce qu'on ne trouvait pas grand-chose."
L’exposition nous apprend également que l’actrice Hedy Lamarr (1914-2000), connue pour ses rôles de femme fatale dans de grands films, était aussi une inventrice hors pair. "Elle a mis au point un système permettant de sécuriser les signaux de guidage de torpilles, détaille Gaëlle. Il sera réutilisé plus tard pour sécuriser d’autres moyens de communication modernes dont le Bluetooth que l’on utilise aujourd’hui."
Qui a dit que les femmes et l’informatique étaient incompatibles ? Pour en apprendre plus et bousculer les stéréotypes, l’expo ouvre ce 29 avril jusqu’au 31 janvier 2024, du mardi au samedi de 10 à 17h.
NAM-IP: rue Henri Blès 192 A, à Namur. Prix: 8 €/adulte et 6 €/enfant, ado et senior.
"Elles ont leur place"
À côté de la partie plus théorique, l’exposition propose aussi des activités plus ludiques.
Le NAM-IP est né en 2016 de la fusion de quatre collections privées. Il expose 300 pièces sur 2000 m2. Depuis un an, le musée se veut plus interactif. «Les visiteurs aiment tester et préfèrent quand c’est ludique», explique Gaëlle De Cupere, médiatrice culturelle.
Lors de cette expo temporaire, des micro-ordinateurs permettront au public de se détendre avec les grands succès de Roberta Williams (née en 1953), qui a créé le premier jeu d’aventure graphique, Mystery House, pour Apple 2, en 1979. Elle a acquis sa notoriété avec la série de jeux King’s Quest.
Cela permettra notamment à la jeune génération de découvrir les innovations qui ont mené aux jeux vidéo et aux outils informatiques qu’ils manipulent aujourd’hui. Ils en apprendront aussi davantage sur Susan Kare (née en 1954), qui a conçu des icônes pour Macintosh et Windows 3 ou le jeu de cartes Solitaire.
Des bornes interactives diffuseront des témoignages de femmes travaillant dans l’informatique. Elles s’exprimeront sur leur parcours et la place actuelle qu’occupe la gent féminine dans ces métiers. «On créera aussi un atelier sur la mixité des genres dans ces fonctions et des événements plus familiaux. Notre programme événementiel n’est pas encore totalement arrêté, ajoute Gaëlle De Cupere. Actuellement, les femmes ne sont que 10 % dans l’informatique en Europe. On veut revaloriser ces professions et montrer aux jeunes filles que si elles veulent se lancer, elles ont tout à fait leur place. Contrairement à cette image encore fort ancrée, ce n’est pas un “monde d’hommes”!»