Rue Fumal, l’hommage du "street art" à Félicien Rops
Où mieux réaliser une œuvre murale inspirée par Félicien Rops que dans la rue où ce dernier a "son" musée ?
- Publié le 21-04-2023 à 18h04
- Mis à jour le 21-04-2023 à 18h27
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Des pots de peinture acryliques proprement posés sur les pavés. Des pinceaux qui les mélangent à des pigments. Une nacelle sur laquelle deux artistes bruxellois, Jérôme Meynen et Antoine Detaille, du HELL’O Collective, montent les étendre dans des formes géométriques tracées sur les murs, à plusieurs échelles de hauteur.
Il est 11 h, ce vendredi, et la monumentale fresque, de 8 mètres sur 12, advient au coin de cette rue si étroite qu’y résonnent des cris d’hirondelles. Le soleil jouant à cache-cache avec les hautes façades n’en éclaire encore qu’une partie. Les deux artistes saturent les aplats dans l’ombre. Parce que, indique le service de la Culture de Namur, "ce qui caractérise les réalisations de HELL’O Collective, c’est la couleur, très présente, intense, souvent pastel."
La Ville de Namur est la commanditaire de cette fresque, telle une perle multicolore de plus à faire glisser sur le fil d’un parcours de street art (l’art de la rue) à l’intérieur du piétonnier. Sa localisation rue Fumal, à quelques volets et sonnettes du musée, ne doit rien au hasard. Il s’agit de mettre à l’honneur ce géant de la gravure.
Humbles, Antoine et Jérôme n’ont pas la prétention de revisiter l’œuvre fantastiquement disruptive, comme on la qualifierait aujourd’hui, de ce peintre qui scandalisa son époque. "La fresque reflète moins des clins d’œil que des références à l’œuvre et à tout ce qui nous a touchés lors de notre visite du musée", expliquent-ils.
Effectivement, la filiation avec les illustrations, les gravures et cent légers croquis signés de ce célèbre adepte des jupons relevés ne sautent pas aux yeux. C’est l’esthétisme qui prime sur la symbolique. Le public peut y voir ce qu’il a envie d’y voir et en tirer la conclusion qu’il veut. Libre à lui d’y déceler une signification, une once d’érotisme ou un soupçon de fantasme.
Félicien Rops, lunaire dans ce pudibond 19e siècle à sa façon de monter en égérie des femmes belles (et rebelles) en cuisses et aux idées très larges pour leur temps, est plutôt représenté dans un autre registre. Il exhibe "la mort de manière chimérique et graphique, avec détachement et légèreté", y perçoit la Ville de Namur.

Une œuvre noire à la sauce joyeuse
Au départ, HELL’O Collective voulait peindre un cabinet de curiosités garni de pépites de l’univers ropsien. "Au final, on s’est approprié quelques éléments de différentes peintures et gravures pour les recomposer dans une nature morte", souligne Antoine.
Jérôme complète, debout sur la nacelle: "On a vraiment créé un pont entre les choses qui nous intéressaient chez lui et notre univers singulier." En fait, tranchent-ils, le rapport de la fresque à l’œuvre de Rops n’est qu’anecdotique: "C’est un prétexte, on ne pouvait pas et on ne voulait pas s’approprier l’univers de Félicien Rops. Le nôtre est joyeux, optimiste, positif. Rops, c’est tout le contraire. Son univers est beau mais pas très positif", estiment les deux Bruxellois. D’où l’intérêt de combiner les deux.
Les personnages hauts en couleur d’ HELL’O Collective n’ont rien à voir avec les créatures de Félicien Rops. Ils sont hybridés, mélange d’humain, d’animal et de végétal.
Les trois personnages figurés sur la droite évoquent les femmes qui ont traversé la vie de Rops. En tout cas, la Dame au pantin ayant saigné un petit diable d’homme, œuvre emblématique du musée, y est codée, de même que l’incandescente femme aux yeux bandés tenant en laisse un cochon et se laissant conduire au gré de l’animal.
La fresque reflète aussi la passion de Rops pour la botanique. Ce n’est pas qu’elle soit spécialement verte mais la composition est agrémentée de vases et de plantes surréalistes. Hommage au Rops symboliste, au Rops botaniste mais aussi au diabolique. En référence à l’œuvre de Charles Baudelaire, "Les Épaves", les artistes font accoucher un squelette d’une plante.
Deux Bruxellois
Depuis une 10d’années, HELL’O Collective sillonne l’Europe avec ses créatures hybrides réalisées à 4 mains. Créé à Bruxelles par trois artistes en 2008, le collectif est devenu un duo en 2014. Formés en peinture, les deux Bruxellois, Jérôme Meynen et Antoine Detaille, ont été influencés par divers éléments et courants de l’art (motifs ethniques, abstraction géométrique).
Expo en plein air
Pourquoi investir dans le Street art? «Pour égayer la ville et renforcer son attractivité en transformant l’espace public en lieu d’exposition permanent.» souligne le service de la culture de Namur. Mais aussi rendre l’art accessible au plus grand nombre. La Ville de Namur a déjà fait appel à une vingtaine d’artistes et collectifs Street Art namurois, belges et internationaux.
La demi-lune, au centre de la composition, rappelle l’endroit à Corbeil-Essonnes, près de Paris, où l’artiste a fini sa vie.
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