Province de Namur : la deuxième vie des collectifs d’aide aux migrants en transit
En 2018, des centaines d’Érythréens traversaient la province de Namur vers Calais et l’Angleterre. Des collectifs d’aide aux migrants se sont formés aux quatre coins de la province. Maintenant que les Érythréens ne passent plus, que deviennent ces associations citoyennes ?
/cloudfront-eu-central-1.images.arcpublishing.com/ipmgroup/6XL3K3DJYBBE7CWUKU4I56YFO4.jpg)
Publié le 17-04-2023 à 11h11 - Mis à jour le 27-04-2023 à 19h33
:focal(545x372:555x362)/cloudfront-eu-central-1.images.arcpublishing.com/ipmgroup/FLAY45WBKJFZPMN46V2ERVMC7Q.jpg)
L’annonce début avril de la fermeture de la maison d’accueil pour migrants en transit La Ruche à Gembloux entraîne les collectifs jumeaux à se questionner sur le bien-fondé de la poursuite de leurs activités.
Il y a un an, l’Angleterre a annoncé en grande pompe un accord avec le Rwanda pour expulser "ses" migrants vers l’Afrique centrale. Depuis, le nombre de voyageurs clandestins qui longent les autoroutes namuroises en direction de la Manche s’est étiolé. "Et ceux qui voulaient aller en Angleterre ont changé d’avis, ont introduit une demande d’asile en Belgique et se sont sédentarisés. Ils n’ont plus seulement besoin d’un gîte et d’un repas chaud, mais aussi d’une aide juridique. Des besoins complexes pour un simple collectif citoyen" résume Laurence Nazé, membre de La Ruche.
À l’origine, des thermos
Les collectifs namurois ont commencé par des thermos de café, déposés à proximité des gares ou des aires d’autoroutes de Spy, Aische-en-Refail et Wanlin. Ces haltes qui bordent l’E42 et l’E411 étaient prises d’assaut dès 2018 par de jeunes migrants dépenaillés, pour la plupart Érythréens. Ils prenaient des risques inconsidérés pour se faufiler, à la faveur de l’obscurité, sous les bâches des camions en direction de l’Angleterre.
Au fil des mois, les thermos sont devenus de la soupe populaire, aide médicale urgente, centre d’accueil de jour et de nuit, récolte de dons, lobbying politique, etc. "À Spy, nous avons accueilli jusqu’à une centaine de migrants à la fois durant l’année 2019", se souvient Philippe Carlier, membre du collectif S-13 (Spy).
L’heure du recyclage
En près de cinq ans, quatre collectifs namurois (Spy, La Bruyère, Gembloux et Rochefort) ont soutenu des centaines de jeunes migrants en transit durant leur périple. Et ce, dans des bâtiments communaux, à domicile ou des salles associatives afin d’offrir des conditions d’hygiène minimales à ces voyageurs sans ticket. Aujourd’hui, la carte des routes de l’immigration s’est modifiée. Les autoroutes namuroises n’en font plus partie. C’est dû, comme expliqué, à l’annonce d’un accord entre l’Angleterre et le Rwanda mais aussi à des contrôles de plus en plus stricts des camions à Calais en direction de l’Angleterre. Comment se recycler, après cinq ans d’intense solidarité ? Les réponses divergent.
Du côté de Gembloux, La Ruche a stoppé ses activités. Tout comme à Spy où l’hébergement collectif s’est éteint dans le silence. Seule l’action isolée de bénévoles maintient l’esprit du collectif en vie. À Rochefort, les membres sont en réflexion. Fermer le lieu d’accueil ou continuer à héberger des demandeurs d’asile ? Que faire des migrants encore présents ? À La Bruyère, les citoyens solidaires ont pris le pli de continuer à faire pression sur le monde politique et accompagner les demandeurs d’asile dans leurs démarches juridiques. Et de se tenir prêt, si besoin. "Personne ne peut prédire quelles seront les routes de la migration demain", précise Philippe Carlier. Quant à la route vers la solidarité, ces centaines de bénévoles des quatre coins de la province l’ont déjà foulée. Et sont prêts à recommencer.
La Bruyère accueille encore des demandeurs d’asile à Rhisnes
La Ruche accueillait des migrants en transit dans une maison du centre de Gembloux. Elle a décidé de mettre un terme à ses activités, quatre ans jour pour jour après son ouverture.
Comme à Gembloux et Lavaux-Sainte-Anne, les bénévoles de La Bruyère bénéficient depuis 2019 d’un local communal pour accueillir les migrants en transit dans des conditions d’hygiène respectables.
Aujourd’hui, les migrants basés à Rhisnes sont tous des candidats au statut de réfugiés qui n’ont pas reçu de places dans les centres d’accueil de Fedasil. Le collectif assure toujours leur accueil, ainsi qu’un cadre de vie le plus correct possible. "Mais nous avons aussi une deuxième tâche: l’accompagnement juridique de ces demandeurs d’asile en collaboration avec des cabinets d’avocats spécialisés dans le droit des étrangers. Nous mettons par exemple Fedasil en demeure pour loger ces gens comme l’agence fédérale est censée le faire. Il faut malheureusement passer par un tribunal pour faire respecter les droits des demandeurs d’asile", raconte Jojo Burnotte, membre du collectif La Bruyère commune hospitalière.
Les bénévoles bruyérois assurent aussi un lobbying politique auprès des instances communales, régionales et fédérales, en collaboration avec d’autres collectifs namurois et bruxellois. "On se pose la question si c’est volontaire de la part du Fédéral de ne pas organiser l’accueil des migrants. La politique d’accueil repose sur les épaules de communes pauvres et peu habitées politiquement, notamment dans la région bruxelloise. Il faudrait réfléchir à des systèmes de coordination et d’entraide qui font peser davantage le poids de la politique d’accueil sur les épaules de communes plus riches."
Le collectif bruyérois est composé d’un noyau dur d’une quinzaine de personnes. Certains membres sont axés sur le pôle juridique, tandis que d’autres assurent l’accueil pratique des migrants de la maison communale de Rhisnes. Chacun vient avec ses forces depuis bientôt cinq ans, au profit du collectif et de ses protégés. Une recette qui semble fonctionner.