Grève dans les magasins Delhaize en Province de Namur: De Dinant à Falisolle en passant par Bouge, une grande tristesse
Deux collègues syndicalistes "delhaiziens", de Dinant et Falisolle, pour les mêmes constats, et la description d’ambiances identiques. Tristesse mais aussi déception. Et colère.
Publié le 15-03-2023 à 15h45 - Mis à jour le 15-03-2023 à 18h03
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Calme plat devant le Delhaize de Dinant, mercredi matin. À l’intérieur, une dizaine d’employés y travaillent mais pour du nettoyage et de la mise en ordre de rayons. C’est le "truc" qu’ont trouvé les délégations syndicales afin que les salaires soient maintenus. Les personnes au rôle sont présentes, donc elles sont payées, les autres viennent plic-ploc devant le magasin, pour marquer le coup, discuter avec des clients qui ne peuvent pas entrer, ou recevoir le soutien de politiques locaux. Comme ce fut le cas lors des jours précédents. On a vu le bourgmestre, des échevins se sont manifestés. Le député wallon couvinois Eddy Fontaine (PS) est lui aussi passé par là. Des membres de l’opposition dinantaise (la LDB, des libéraux) ont apporté du café et de la soupe. Tous les gestes comptent, dans une ambiance de tristesse mais aussi de colère, après le conseil d’entreprise extraordinaire de mardi, qui a tourné court.
La dénonciation d’un leurre
De bon matin ce mercredi, sur la place Cardinal Mercier, à Leffe-Dinant, c’est assez sinistre. Le "piquet" ne doit s’installer qu’à 10 heures, seul un délégué syndical du Setca est présent, sous l’enseigne au lion. C’est Jean-Pol Sedran, un Dinantais, mais dont la mission de représentant du personnel s’étend au ressort namurois, c’est-à-dire également aux Delhaize de Jambes, Bouge et Falisolle. Les actions se mènent en front commun, mais mercredi matin, il est tout seul, jusqu’au moment où une collègue syndicaliste de Falisolle, elle aussi du Setca, le rejoint. Elle explique qu’à Sambreville, l’ambiance est la même qu’à Dinant: "Mes collègues sont très solidaires. À Falisolle, on est environ 60. Depuis le conseil d’entreprise extraordinaire de mardi, des gens commencent seulement à réaliser. Il y a des pleurs."
Les deux syndicalistes discutent sur la place de Leffe. La sous-directrice du magasin vient les saluer. Après-midi, la direction va "expliquer" aux employés les 59 slides qu’ils ont reçus. Les mêmes qui ont été présentés aux permanents syndicaux la veille, au siège central de la société. "Présentés", c’est un grand mot, car ces derniers ont tourné les talons.
Gentiment, les deux délégués du personnel disent à la sous-directrice qu’il n’y a rien à expliquer: "Ces slides racontent qu’on va garder tous les avantages actuels." Avec des franchisés, selon le projet du groupe Delhaize ? Il s’agit d’un leurre et personne n’est dupe, se fâchent les deux délégués syndicaux. Leur réflexion: des franchisés vont reprendre les conventions existantes, car c’est la loi. Ça n’empêchera pas un détricotage progressif, expose Jean-Pol Sedran. Selon lui, le groupe Delhaize a évité un coûteux plan Renault et laissera faire le sale boulot aux futurs gérants franchisés. Rien n’empêchera des licenciements: "Ils pourraient même être financés par Delhaize, en amont, par exemple en laissant des bâtiments pour rien ou deux fois rien." Qui voudra des plus âgés, des travailleurs en "restriction médicale" ? De plus, ajoutent les syndicalistes basés à Dinant et à Falisolle, très peu de magasins ont le minimum de 50 travailleurs qui permet la présence d’une délégation syndicale. Les anciens délégués n’auront qu’à bien se tenir, au minimum, selon eux.
Crainte d’une glissade vers une dérégulation
S’il y a de la colère, il y a aussi beaucoup de déception, face à une forme de dérégulation qui semble devenir la règle dans beaucoup de secteurs. La déléguée syndicale de Falisolle n’a toujours pas avalé les propos du Premier ministre De Croo, qui a voulu "dédiaboliser" les franchises dans une interview. Commentaire acerbe de la dame: "Après avoir bu le champagne avec les patrons de Delhaize ?"
En pleine discussion sur la crise actuelle, arrive un jeune homme. Tout à l’heure, il amènera de la soupe au Delhaize de Dinant, pour réchauffer les cœurs. Ils sont lourds, il le sait: il est boucher et il a travaillé dans le magasin. "Je suis parti à temps." Mais il est solidaire, durant une journée de congé.
Les clients ? À Dinant, eux aussi sont tristes. Car le Delhaize est certes un supermarché, mais de proximité. Beaucoup de clients, des personnes âgées qui résident dans les environs, y viennent à pied. Tout comme des habitants de Bouvignes, qui traversent la Meuse par l’écluse. Il y a aussi des locataires des habitations sociales toutes proches.
Les soutiens, à Falisolle ? Ceux des clients sont là, dixit la déléguée Setca basée là-bas. Mais, ajoute-t-elle, on voit moins les politiques que lors d’une précédente crise, en 2014. "Ils étaient plus nombreux au carnaval de Tamines."
La dame ajoute que l’ambiance est d’autant plus plombée qu’on trouve parmi le personnel des couples, ou la mère et sa fille, sans compter des femmes seules avec enfants.
Heureusement, ricanent les deux syndicalistes croisés ce mercredi, le groupe Delhaize a fourni un numéro à appeler en cas de besoin d’aide psychologique.