Chasse aux logements vides : Namur déjà bon élève intensifie sa lutte grâce à un plan wallon (vidéo)
Les logements vides sont un fléau pour les villes. Certaines, comme Namur, s’activent déjà pour les combattre. Cette lutte va s’intensifier grâce à un protocole wallon.
Publié le 15-03-2023 à 17h32 - Mis à jour le 15-03-2023 à 17h37
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En janvier dernier, nous rapportions dans nos colonnes que la taxe imposée à Namur aux propriétaires de logements inoccupés avait un effet dissuasif plutôt faible. Celle-ci est toujours d’actualité mais, depuis deux ans et demi, la Ville a mis en place des outils afin de repérer les logements potentiellement inhabités.
La capitale wallonne fait office de "commune à la pointe en la matière" (avec celle de Huy) car elle y a consacré des moyens avant même l’adoption du protocole développé par la Wallonie permettant aux gestionnaires des réseaux de distribution de communiquer aux pouvoirs locaux les consommations énergétiques de certains logements soupçonnés d’être inoccupés.
En vigueur depuis le 1er septembre 2022, celui-ci s’ajoute aux actions déjà entreprises. "Il s’agit de la première étape avant d’entamer des démarches administratives et/ou judiciaires", indique le ministre wallon du Logement et des Pouvoirs locaux, Christophe Collignon (PS), qui a effectué une visite de terrain à Namur mercredi.
"Avoir des bâtiments inoccupés alors qu’on est déjà en tension au niveau de la disponibilité des logements, c’est problématique. Et puis, ce sont des sources de nuisances pour le voisinage car ce sont des lieux où il y a potentiellement des tas d’immondices ou du squat possible, avec l’insécurité qui y est associée, estime Philippe Noël (Écolo), président du CPAS en charge du Logement. On a donc lancé un travail prospectif. Sur base d’observations de terrain, on fait remonter des informations pour essayer de les identifier. Cette démarche est complétée par ce que le ministre a mis en place: une détection sur base d’indicateurs de consommation électrique et d’eau (avec ORES et la SWDE). On reçoit de ces partenaires des bases de données que nous croisons avec toute une série d’informations pour affiner ce qu’on a déjà."
Un logement est considéré comme présumé inoccupé s’il présente une consommation en eau inférieure à 15 m d’eau par an ou à 100 kWh par an.
Travail de cartographie et de terrain
Les logements en errance concernent par exemple des activités commerciales et/ou artisanales, des secondes résidences, des kots ou des indivisions dont la procédure est en cours. La Ville dispose d’un système basé sur la géomatique et le croisement de données pour les repérer. "On travaille sur base des infos du registre national et, désormais, des infos issues des opérateurs énergétiques. Elles sont injectées dans cette cartographie, précise Nancy Marchand, cheffe du service Logement. On a ainsi plusieurs signaux de présomption d’inoccupation." Ajoutés à des renseignements tels qu’une boîte aux lettres vide, un manque d’entretien, un délabrement général, une absence de vie à l’intérieur, etc, ils permettent de déterminer si l’inoccupation est avérée et d’établir un constat, le cas échéant.
D’après Nancy Marchand, deux agents communaux travaillent à la lutte contre ces logements vides. "Namur s’est inscrite dans le processus de prise en gestion à l’amiable. C’est la première des actions que nous menons, explique-t-elle. Pour ce faire, on a un “facilitateur” qui accompagne les propriétaires dans leurs relations avec un opérateur reconnu comme l’Agence immobilière sociale ou les sociétés de logement public, qui prendront en charge la gestion du bien."
Ce processus, long, n’est pas à la portée de toutes les communes. "Il nécessite beaucoup de ressources en interne. Mais on a une administration conséquente et on peut donc y affecter des moyens spécifiques, signale Philippe Noël, qui considère que ce système est un cercle vertueux. Nancy Marchand confirme que la procédure est assez lourde: "Les constats sont envoyés par recommandé et puis il peut y avoir des auditions éventuelles ainsi que des passages et des décisions au sein du collège communal."

C’est désormais une infraction
"Dans notre société, le droit de propriété est sacro-saint. Les propriétaires ont souvent l’impression d’être agressés lorsqu’on vient chez eux. Ils estiment pouvoir faire ce qu’ils veulent, y compris rien, souligne Christophe Collignon. Sauf qu’on a besoin de logements. Le but de la démarche n’est pas d’embêter les propriétaires mais de créer les conditions d’un dialogue avec eux et d’enclencher les différentes procédures mises à leur disposition avec l’aide des différents partenaires locaux."
Les résultats des actions entreprises à Namur portent déjà leurs fruits. "Des logements ont été remis sur le marché locatif, des immeubles ont été vendus, des permis d’urbanisme ont été introduits, etc", relève Nancy Marchand.
Si la manière douce, avec un accord à l’amiable, ne fonctionne pas, il existe d’autres moyens plus contraignants. À la taxe déjà existante, s’ajoute l’amende. Les communes doivent choisir car les deux ne peuvent pas être cumulées mais c’est un outil supplémentaire à leur disposition et un signal fort puisque cela signifie qu’on punit une infraction. Pour 12 mois d’inoccupation ininterrompue, elle est comprise entre 500 et 12 500 € en fonction de la longueur de la façade et du nombre d’étages du logement. "L’action en cessation constitue l’arme ultime, le dernier recours. Cela consiste à condamner sous astreinte le/la propriétaire qui crée une nuisance via son logement vide", explique le ministre.
Namur fait partie de la quarantaine de communes wallonnes ayant adhéré au protocole. Plus de 60 autres ont introduit une demande pour les rejoindre.