Portes ouvertes au palais de justice de Dinant : la transparence derrière la toge (vidéo)
Effervescence inhabituelle pour un samedi au palais de justice de Dinant. Et pour cause: l’édifice était ouvert au public. Faux procès et visite guidée ont suscité un large intérêt et même fait naître des vocations.
Publié le 12-03-2023 à 17h55 - Mis à jour le 12-03-2023 à 18h04
"Chacun a sa propre interprétation de la justice. C’est un terme qui peut sembler flou. On ne sait pas toujours ce qu’on y met derrière, estime l’avocate Amélie Lamarche, impliquée dans l’organisation de l’événement. Mais la justice est un service aux citoyens. C’est important qu’ils y aient accès et qu’elle leur soit ouverte le temps d’une journée. Car derrière la toge, l’institution judiciaire a un visage humain."
Transparence, accessibilité et information étaient donc les maîtres-mots. Pour comprendre tous les rouages, le public a pu assister à un procès fictif. Des places ont même dû être ajoutées tant le succès était au rendez-vous ! Dans ce faux procès en droit pénal devant le tribunal correctionnel, de vrais avocats ont endossé le rôle de plusieurs protagonistes: prévenu, victime, juge ou encore substitut du procureur du Roi. La greffière, elle, jouait son propre rôle.
Le cas d’école a été exposé par Me Frédéric Mespouille: un prévenu, propriétaire d’un logement, est poursuivi pour coups et blessures volontaires et port d’armes prohibées sur Marie-Laure, la petite amie de sa locataire.

Me François Fery est à fond dans son rôle "Je voulais juste demander à la locataire d’arrêter de faire la nouba car les voisins n’en pouvaient plus !". lance-t-il. D’après lui, Marie-Laure l’a très mal accueilli et lui a porté un coup à la tête. Il dit avoir agi en état de légitime défense. Marie-Laure (jouée par Me Tounkara) affirme de son côté avoir été rouée de coups gratuitement alors qu’elle était tranquillement dans son fauteuil.
Qui dit vrai ? Les conséquences pour cette victime sont en tout cas graves puisqu’elle a été retrouvée en vie mais "dans une mare de sang". Ce scénario ressemble malheureusement à des affaires traitées entre les murs du palais. Les avocats qui l’ont imaginé n’ont donc eu aucune difficulté. "On avait l’idée de base. On en a parlé un peu avant entre nous et on a brodé. Le but était que ça soit le plus réaliste possible et didactique", confie Me Violaine Velle. Pari réussi puisqu’elle et ses confrères jouaient si bien qu’on s’y serait cru !
Vulgariser le jargon
Lors de cette audience imaginaire, les magistrats ont fait quelques parenthèses pour expliquer au public des termes plus techniques comme la légitime défense, la suspension du prononcé simple et probatoire, la constitution de partie civile, les sanctions encourues (prison, peine de travail, amende…), etc. Au final, le faux prévenu s’en est sorti avec une suspension probatoire du prononcé, une amende de 6 000 € assortie d’un sursis pour la moitié et 2 000 € à verser à la victime à titre de dommage.

Lors de la séance de questions-réponses qui a suivi, le public a notamment appris qu’on pouvait interjeter appel, que le prévenu avait le droit de mentir ou de garder le silence, qu’il y a des affaires (comme les mœurs ou les appels du tribunal de police) qui nécessitent trois juges au lieu d’un, etc. Possibilité leur était également donnée de se renseigner sur les aides juridiques. "Beaucoup de personnes y ont droit mais ne le savent pas ", souligne Me Velle.
L’événement s’est poursuivi par une visite guidée par l’historien (et ex-bourgmestre) Axel Tixhon, qui a révélé tous les secrets de ces hauts lieux où siègent cours et tribunaux. La journée a ainsi rempli son objectif: combler le fossé entre la justice et les citoyens.
Des jeunes conquis et décidés à rendre justice
Séduite par l’initiative, Camille, 17 ans, n’a désormais plus aucune hésitation sur l’avenir professionnel qu’elle envisage. «Ce qui me plaît dans le métier d’avocate, c’est de rendre la justice et d’aider les gens, explique-t-elle. Par contre, j’ai un peu peur de devoir parler devant tout le monde. Mais avec le temps, je pense que je vais gagner en maturité et apprendre à m’exprimer face à une assemblée.»
Émilie, elle, est déjà dans le bain. «Je suis étudiante en 2e année à l’Université de Namur, dit-elle. C’est l’occasion de voir ce qu’on a étudié aux cours.» Un jeune Dinantais est quant à lui sous le charme de l’impressionnant édifice. «Je passe souvent devant le palais mais j’ignorais comment ça fonctionne à l’intérieur», dit-il. Son ami Hugo souhaitait pour sa part en savoir davantage sur le job de sa maman. «Elle est greffière au tribunal de la famille mais les audiences sont à huis clos. Je ne l’avais donc encore jamais vue dans sa fonction!»

Le greffier, binôme du juge
Aux côtés du ministère public et du juge, siège le greffier ou la greffière. Valérie Fournaux l’est depuis 2005 et jouait son propre rôle. L’occasion de mettre en avant sa fonction et de sortir de ses habitudes. «En tant normal, je suis au tribunal de la famille. Je m’occupe des successions, adoptions, annulations de mariages, refus de nationalité, etc., relate-t-elle. Je n’ai jamais été en correctionnelle. Je suis civiliste plutôt que pénaliste.»

Heureuse de travailler dans ce palais qu’elle aime particulièrement et passionnée par ce métier souvent méconnu, elle aimerait que la jeunesse prenne la relève car la profession manque de bras. Pour elle, le greffier et le juge constituent un binôme indissociable. «On doit fournir un dossier ficelé pour que tout soit juridiquement prêt à être pris en audience. On veille aussi à ce que toutes les personnes convoquées à un procès le soient correctement pour être bien là le jour-J, indique-t-elle. Par la suite, on établit le canevas d’un jugement et celui-ci doit toujours être signé tant par le juge que par le greffier.»
Aux personnes qui seraient intéressées, elle précise qu’il faut être titulaire d’un bachelier et passer les examens du Selor. Avis aux amateurs.