Franière : son inestimable vielle volée à Mons, refusée au Cash Converters et retrouvée lors d’une perquisition sur fond de… drogue (vidéo)
Elle l’a cru irrémédiablement perdue.À Mons, Laurence s’était vue dérober sa vielle à roue. La rareté de l’instrument fétiche lui a permis de disparaître puis d’être sauvé de manière stupéfiante.
Publié le 03-03-2023 à 20h27 - Mis à jour le 04-03-2023 à 07h43
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Il y a plus de 40 ans, Bernard Lavilliers chantait Les Aventures extraordinaires d’un billet de banque, passant de poche en poche et voyant le vaste monde. Celles de la vielle à roue de la Franiéroise Laurence Bouvin ne sont pas mal dans leur genre, non plus. Qui sait ce que cet instrument de musique ancestral, quelque part entre cornemuse et accordéon, aura bien pu vivre entre sa disparition lors d’un vol et sa découverte, fortuite, lors d’une perquisition, 11 jours plus tard.
Tout a commencé le jeudi 16 février. Laurence est en rendez-vous professionnel à Mons. Rue du Gouverneur Damoiseaux, elle gare sa voiture et la retrouve, plus tard, avec la vitre arrière explosée. Le contenu, si précieux, de son coffre a disparu. "Une flûte traversière, ma vielle à roue et un sac avec du matériel."
Manifestement, le voleur (en série, les véhicules voisins ont été visités) ne sait rien de ce qu’il a volé. Comme les vendeurs-acheteurs du Cash Converters, un peu plus loin, qui n’y entendront rien. "C’est là que j’ai filé directement, raconte Laurence, convaincue que le malfaiteur n’aurait d’autre solution que de revendre son larcin pour qu’il en vaille la peine. Je leur ai montré des photos… mais il était déjà trop tard." Le brigand était déjà passé et s’était “délesté” de la flûte… pour 15 €. "Elle en vaut bien plus." Quant à l’objet étrange que les employés du magasin avaient eu du mal à identifier, c’était raté. "Elle vaut entre 3 500 et 4 000 €, mais sa valeur sentimentale est inestimable ! J’en ai pleuré des jours, bien décidée à ne pas rester à rien faire. Je suis allée porter plainte à la police, mais, légalement, il faut un certain temps avant d’ouvrir un dossier. "
"J’ai retourné tout Mons"
Alors, en attendant, Laurence redouble d’efforts. Virtuels, avec un post sur les réseaux qui prend aux tripes et a été partagé plus de 4 000 fois, et sur le terrain, fouillant partout, dans les poubelles. "J’ai retourné tout Mons, collé des affiches dans toute la ville, que je connaissais très peu, les commerces, les bars. J’ai été reçue de manière exceptionnelle, on m’encourageait, on m’offrait un café. Puis, comme j’avais appris que la personne était un SDF, je suis partie à la rencontre de ces gens, dans la rue et les abris de jour et de nuit." Mais il faut se rendre à l’évidence, malgré la belle énergie contagieuse, "je n’ai pas reçu un coup de fil, même pour une mauvaise piste. "
Le policier était mélomane
Jusqu’à vendredi passé, jour de l’anniversaire de la vielliste ! "Une semaine s’est passée et un accordéoniste m’appelle. Il y a eu une perquisition dans un immeuble montois, pas dans le cadre de ‘mon affaire’– le dossier n’était pas encore ouvert – mais d’un trafic de stup’."
Mais un policier, mélomane, remarque cette jolie dame de bois et de cordes. Elle a été jetée là, vulgairement, en dépit de sa noblesse, sur un tas d’autres choses. Le limier envoie vite le cliché à un ami accordéoniste, qui a vu plusieurs fois passer sur son fil d’actualité des publications montrant un instrument similaire. Il possède six amis en commun avec Laurence , six chances que la bouteille à la mer soit trouvée par la bonne personne.
"C’était bien ma vielle. La PJ a pris contact avec moi, j’ai dû patienter quelques jours pour la récupérer. J’ai autant pleuré en la retrouvant qu’en la perdant. Quelle belle solidarité. Sur Vivacité, ils ont annoncé que c’était la bonne nouvelle du jour ! Puis, des gens, que je ne connaissais pas, allaient tous les jours faire des fouilles sur eBay. C’est fou comme un instrument peut toucher le cœur des gens. Mine de rien, malgré ce qu’on a pu dire, c’est utile et essentiel."
Un instrument de niche, le prolongement de son âme

La vielle à roue, c’est à ouïr ? " C’est un instrument à cordes frottées, millénaire, qui produit un son très harmonieux. En Belgique, il doit y avoir une trentaine de viellistes, principalement en Flandre. On la voit dans les événements fantasy et médiévaux", continue Laurence qui a adopté la sienne il y a 20 ans.
"Contrairement à ce que son nom pourrait évoquer, ce n’est pas breton mais plutôt bien implanté dans le centre de la France, La Châtre. Mon professeur était allemand et la vielle est très appréciée dans les pays de l’Est. J’ai acheté la mienne en seconde main, et bien tunée. C’est la 622e créée par le luthier et facteur Audren Kerbœuf. Chaque objet est une pièce unique, chaque tête est sculptée comme un visage, différent à chaque fois. Un homme, une femme. Sur la mienne, je pense que c’est un ange. En fonction des moments, j’y vois un homme ou une femme. "
Si dans sa fugue montoise, la vielle de Laurence a reçu un vilain coup, restaurable – si pas, ça laissera une trace de cette échappée –, "les musiciens de mon groupe m’ont confirmé qu’elle sonnait toujours aussi bien ".
Il faut dire qu’avec RavenscaR, groupe de folk-metal, Laurence prépare une sacrée échéance: le 8 avril, la demi-finale du Wacken Metal Battle à la Jeugdhuis de Schakel de Woluwe-Saint-Lambert. "Si nous allons au bout du concours, nous serons programmés au grand festival de metal de Wacken, en Allemagne."
Mais pour jouer, il fallait retrouver LA/une vielle. "Une amie m’a vite proposé de me prêter la sienne. Heureusement, il n’y en a pas eu besoin. " Dans un autre registre folk, musique de bal et Renaissance, le duo Bouvin-Deplasse tourne pas mal dans les fêtes médiévales, les braderies, les cafés-concerts.