Namur: embarquement immédiat pour la nouvelle gare multimodale (vidéo)
Grand moment ce mercredi matin : la mise en service de la gare multimodale de Namur. Embarquement immédiat au cœur de la première gare wallonne, agencée de façon tout à fait unique !
Publié le 01-03-2023 à 19h30 - Mis à jour le 02-03-2023 à 13h24
Ce mercredi, heureux étaient les navetteurs qui ont pu accéder à la dalle de la gare de Namur via le fameux pont haubané que l’on ne peut rater (et dont le montage, spectaculaire, avait eu lieu la nuit du 7 août 2019).
Laurent, le conducteur de bus avec qui nous avons embarqué, ne cachait pas sa joie. «Ça sera un plus car la gare était très engorgée aux heures de pointe, expose-t-il. Ce ne sera plus le cas puisque les bus suburbains (soit 28 lignes périphériques) iront au-dessus pour embarquer les voyageurs à destination d’Éghezée, de Huy, Jodoigne, etc.» Les lignes urbaines resteront quant à elles au niveau de la place de la Station (sauf le bus 65).
Terminus au quai 8, exclusivement réservé au débarquement. C’est sur cette dalle de 12000 m2, qui surplombe la gare ferroviaire, que circuleront désormais les véhicules jaunes. Au milieu, un bâtiment moderne de 3600 m2, baigné de lumière, permettra aux voyageurs de transiter pour emprunter le train et le bus mais aussi accéder aux autres moyens de transport en sortant de la gare (vélos, trottinettes, voitures partagées, etc). «Toutes les alternatives à la voiture individuelle sont rassemblées ici en un seul lieu», se réjouit Stéphanie Scailquin, l’échevine de la Mobilité. On l’aura compris, l’atout majeur de la nouvelle gare est l’intermodalité. «En à peu près une minute, vous passez des bus aux trains, d’un étage à l’autre, relève Stéphane Thiery, directeur de la communication du TEC. La simplicité d’utilisation était fondamentale pour l’attractivité des transports en commun.»
Travaux dès 2016
Ce jour marquait l’aboutissement d’un projet de longue haleine. La première fois que l’idée a germé remonte à 2008 (voir ci-contre). Après l’obtention du permis, les travaux ont débuté en 2016. L’inauguration était programmée fin 2020 mais le chantier a connu quelques atermoiements. «En 2019, l’entreprise générale avait eu un problème avec son fournisseur de structures métalliques en Espagne. Ce qui a provoqué un retard au niveau de la charpente métallique, indique Paulo Cardoso, chef de projet au TEC. Elle a été achevée par l’entreprise andennaise TMI. Puis il y a eu le Covid qui a encore eu des conséquences en 2021. On a dû composer aussi avec des délais plus longs pour obtenir certains matériaux.»
Aujourd’hui, la gare est opérationnelle à 90 %. Restent quelques détails comme la mise en service des ascenseurs ou des panneaux à destination des voyageurs indiquant les infos en temps réel (horaires des bus, numéros des quais, éventuels retards, etc). Ces derniers sont attendus pour avril.

40 millions au bas mot
Adieu donc l’ancienne gare sombre et sinistre avec ses 20 quais exigus près du square Léopold. Place à une gare à la pointe de la technologie, fonctionnelle, confortable et sécurisée «avec des caméras à 360 degrés un peu partout».
Ce n’est pas Corentin, 19 ans, qui dira le contraire. Lui, qui est passionné de trains et de bus, n’aurait loupé ce moment pour rien au monde. «Ayant connu l’ancienne gare, c’est pour moi l’événement qu’il ne fallait pas rater cette année à Namur, confie-t-il. C’est le Graal. Voir enfin les bus monter sur la gare, c’est quelque chose de spécial. C’est une belle infrastructure et les correspondances deviennent plus faciles. C’est un bond en avant pour la mobilité!»
Quant au coût de cette gare des bus flambant neuve, le ministre wallon de la Mobilité, Philippe Henry, évoque un investissement de base de plus de 40 millions € à charge de la Wallonie. «À cela, il faut ajouter des investissements supplémentaires pour la place de la Station, précise-t-il. Des discussions sont aussi en cours pour finaliser les dépenses en plus liées aux différents aléas que nous avons connus (disponibilité des matériaux, crise sanitaire…) comme ce fut le cas pour beaucoup de chantiers. Cela représente un investissement d’ampleur en Wallonie pour le transport en commun.» En espérant que celui-ci réponde aux attentes des usagers! La capitale wallonne continue ainsi de tracer sa route vers la mobilité du futur.
Un projet imaginé à trois dans un bureau à Liège
C’était il y a quinze ans, le 9 novembre 2008. L’ancien échevin Arnaud Gavroy a rencontré deux responsables de la SNCB et le projet est né…
Pour rappeler le contexte, la dalle de la gare était à l’époque «un trou à rats dont on ne faisait rien», situe Arnaud Gavroy, échevin écolo de l’Aménagement du territoire à l’époque (de 2006 à 2018). L’idée d’y implanter un centre commercial avait émergé mais elle avait déjà provoqué une levée de boucliers. «Cela aurait écrasé la gare et en plus, ce projet n’avait aucune connexité avec les commerces des rues de Fer et de l’Ange, ça aurait été une grosse erreur», estime-t-il.
C’est dans ce même contexte que la SNCB avait lancé un appel à projets visant à donner un avenir à cette fameuse dalle. «C’était beaucoup de projets immobiliers. Il n’y avait rien de transcendent», se remémore-t-il.
À ce moment-là, Arnaud Gavroy avait en tête d’ériger une nouvelle gare des bus, plus belle et plus spacieuse. C’est dans cette optique qu’il s’est rendu à Liège pour rencontrer Vincent Bourlard et Georges Dupont, respectivement directeur et directeur adjoint de ce qu’on appelait la SNCB Holding (qui a été scindée par la suite en SNCB et Infrabel).
C’était le 9 novembre 2008. Il s’en souvient comme si c’était hier. «Je pensais qu’on pourrait faire cette nouvelle gare à droite ou à gauche du bâtiment principal mais Vincent Bourlard m’a dit : “Que penseriez-vous de la dalle?” Il a fait alors descendre 5 ou 6 ingénieurs dans le bureau pour leur demander leur avis et en discuter», sourit-il.

Un projet «couillu»
Le projet a ensuite pris un sérieux tournant et une étude, financée à la fois par la Ville, la SNCB et la SRWT (ancien nom de l’Opérateur de transport de Wallonie qui rassemble les TEC), a été lancée. Chacune a mis 50 000 € sur la table pour examiner la faisabilité du projet. «Pendant un an, absolument tout a été analysé, ajoute-t-il. Je me rappelle m’être arrêté un jour sur le pont de Louvain, j’ai regardé vers la gare et je me suis dit qu’un tel projet, c’était quand même couillu ! Il permettait de récupérer de l’espace en centre-ville et en même temps, on allait en faire quelque chose de beau, c’était tout bénéfice pour Namur ! Je voulais aussi que le projet préserve la vue sur le quartier de Bomel et ne rompe pas le lien au niveau visuel. J’ai insisté là-dessus. J’ai parlé de tout cela à Jacques Étienne (ancien bourgmestre cdH) et au collège qui ont approuvé l’idée.»
Mayeur et échevin sont alors allés frapper à la porte du gouvernement wallon. «On arrivait à un moment clé parce que le financement de chantiers d’ampleur comme le métro de Charleroi, le tram de Liège, la gare de Mons, etc, avaient été discutés. On leur a demandé de ne pas oublier Namur, poursuit Arnaud Gavroy. Le projet était bien construit et coûtait moins cher que les autres. Philippe Henry (ministre de la Mobilité aussi à l’époque) a plaidé en notre faveur.» Les réunions de travail se sont enchaînées.
Urbanistiquement réussi
Quinze ans après, l’ancien échevin éprouve une certaine fierté. Il déplore toutefois que les trois initiateurs «qui se sont mouillés» dans ce difficile chantier n’aient pas été conviés à l’événement de ce mercredi. Ce regret est heureusement balayé par la concrétisation du projet. «Beaucoup de gens ont dit à l’époque que ça serait moche mais urbanistiquement, c’est très réussi. Il fallait y croire!» commente-t-il, soulignant l’importance d’avoir une vision à long terme et de travailler dans l’intérêt du plus grand nombre quand on fait de la politique. «C’est le point final d’une belle histoire», conclut-il.
Plus de 3 200 usagers des bus par jour
Deux ministres écolos de la mobilité, l’un à la Région, l’autre au Fédéral, étaient là pour cette première mise en service qui fera date.
«C’est une première que les bus et les trains soient intégrés tous les deux dans le même bâtiment», s’enthousiasme le ministre wallon de la Mobilité, Philippe Henry. Chaque jour, plus de 3 200 usagers des bus passent par la gare de Namur dont une grande partie afflue à l’heure de pointe. Quant aux navetteurs des trains, ils sont plus de 20000 au quotidien. «Ce qui en fait la gare la plus importante de Wallonie en termes de fréquentation, relève-t-il. L’interaction avec les autres modes de déplacement est donc fondamentale pour que les usagers aient envie de délaisser davantage la voiture.» Un avis partagé par son homologue du Fédéral, Georges Gilkinet. Pour lui, ce projet répond parfaitement aux enjeux liés à la fluidité du trafic, à la sécurité routière et au climat.

Si le chef de projet, Paulo Cardoso, concède que les matériaux utilisés pour ériger le nouveau bâtiment de la gare «ne sont pas très amis de l’environnement», puisqu’il s’agit de métal et de verre, il tient à préciser que cela a été compensé. «La surface de la toiture est d’environ 4 700 m2 dont un tiers est composé de panneaux photovoltaïques.»
Dans la continuité de cette nouvelle gare, la place de la Station sera complètement réaménagée. Les travaux commenceront le 15 mars pour durer environ un an. «Elle deviendra une sorte de parvis. Elle sera embellie et rénovée, indique l’échevine Stéphanie Scailquin. Il y aura un espace plus vaste pour les piétons et elle sera agrémentée d’un nouvel éclairage. Il était grand temps de la rendre plus attractive!» Avec la nouvelle gare, la place de la Station constitue une pièce supplémentaire au puzzle visant le renouveau du nord de la ville.
Les taxis écartés de la gare
L’intermodalité sera plus compliquée durant un an pour les taxis, privés de la place de la Station pour cause de travaux.
Pierre-Alexandre Sicurella dirige la société de taxis Burnonville, il regrette que l’intermodalité, acquise pour les bus et les trains, soit d’ici peu compromise pour son secteur, partenaire privé de cette mobilité. Pour l’instant, quand on sort de la gare, côté place de la Station, on tombe sur des taxis alignés autour d’une espèce de giratoire, où sont mélangées les voitures des différentes compagnies.
Un modus vivendi plus ou moins respecté veut qu’on charge des clients en fonction de sa place dans la file. Mais cette base, la principale des 40 taxis de Namur, va disparaître durant un an, s’inquiète M. Sicurella. Pour cause de grands travaux qui redessineront la place. Comme ses confrères, il a reçu un courriel des autorités communales le précisant, mardi soir. Constat amer : plutôt qu’une présence très visible, durant douze mois, des emplacements pour taxis seront répartis un peu partout : rue Godefroid, boulevard du Nord, boulevard de Chiny et, dit-il, «dans une zone kiss and ride dont on ne connaît pas encore l’emplacement». Grave? Très ennuyant en tout cas, estime Pierre-Alexandre Sicurella. Selon lui, non seulement la visibilité de ce mode de transport est compromise, mais en sus, la nouvelle organisation risque de provoquer un certain désordre, voire des tensions entre taximen.
Pourquoi? Lui gère 8 taxis. Il pourrait par exemple occuper pratiquement toutes les places du boulevard du Nord, dit-il, tout comme l’un des autres gros opérateurs, Hep Taxi. Tant pis pour les petits indépendants, ajoute-t-il. Et puis, conclut le patron des taxis Burnonville, cette dissémination des taxis ne sera pas très lisible pour la clientèle.