Un an de guerre en Ukraine |Selahattin: "La guerre, je la connais depuis neuf ans"
Depuis un mois, le monastère d’Ermeton-sur-Biert accueille des réfugiés ukrainiens. Rencontre avec quatre d’entre eux, arrivés sur le sol belge au début de l’hiver: Selahattin, Alla, Tamara et Halyna.
Publié le 27-02-2023 à 11h45 - Mis à jour le 27-02-2023 à 11h53
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De la province de Namur, ils auront eu l’occasion d’en découvrir deux écrins: les horizons boisés du domaine provincial de Chevetogne et la quiétude du village monastique d’Ermeton-sur-Biert. De l’autre côté du splendide bâti religieux, une communauté de quelques réfugiés ukrainiens s’acclimate à une nouvelle vie, aux lendemains flous. Aucun ne parle anglais, encore moins français. Ils sont accompagnés dans toutes leurs démarches par deux traductrices, Olga et Irina. Elles leur permettent d’apprivoiser, un jour après l’autre, la vie de réfugiés en Belgique.
Alla, Kiev
Les Ukrainiens qui débarquent ces derniers mois sur le sol belge arrivent dans des conditions plus précaires que leurs prédécesseurs. Les classes plus privilégiées ont quitté le pays à l’aube de la guerre, au printemps 2022, grâce à des contacts à l’étranger, des facilités linguistiques ou des moyens financiers et de locomotion suffisants. "En plus, aujourd’hui, il faut payer pour quitter l’Ukraine, ce qui n’était pas le cas au début du conflit, susurre Alla, qui a dû emprunter de l’argent à des proches. Voyager au sein du pays est risqué et difficile. J’ai trouvé des passeurs sur internet pour me mener à la frontière." Alla est originaire de la banlieue de Kiev. Son quartier a été soumis à l’occupant russe au printemps dernier. "Je me suis réfugiée dans le centre de Kiev, en sécurité", raconte cette quinquagénaire, désireuse de taire le nom de son hôte. Après la libération par les militaires ukrainiens, elle a regagné son domicile. Pour ne pas y retrouver sa vie d’avant. "Beaucoup de gens sont partis, il n’y avait plus personne. Plus de gaz, plus d’électricité. Avec l’hiver qui approchait, ce n’est pas une vie. Je suis partie à la fin de l’été."
Tamara, Dniepro
Tamara a quitté l’Ukraine sur une jambe. Elle souffre de douleurs orthopédiques aux genoux. "Ce sont mes enfants qui m’ont dit de partir de Dniepropetrovsk, raconte cette mère de famille, on vivait au milieu des décombres, dans des conditions difficiles. Je suis partie vers la Pologne, peu avant le début de l’hiver." Seule, comme la plupart des réfugiés en transit au gîte d’Ermeton-sur-Biert.
Halyna, Odessa
C’est le manque de moyens qui a poussé Halyna hors d’Ukraine. La guerre a appauvri les populations, tué l’emploi. En Ukraine, le revenu d’intégration sociale n’existe pas. "J’habitais Odessa, que j’ai quittée dès le début de la guerre. J’ai vécu quelques mois chez une cousine à Kirovograd. Mais en septembre, les Russes ont aussi bombardé cette ville. Je suis donc partie, car je n’avais plus de lieu où me protéger des bombes." Pour ces réfugiés, l’avenir se lit à court terme. À l’instar d’Halyna, pour qui la seule perspective future est… la réception d’une carte de bus.
Selahattin, Donetsk
Selahattin a fait le deuil de sa vie ukrainienne. "La guerre, je la connais depuis neuf ans, je ne peux plus la supporter", raconte cet ancien habitant de Donetsk, meurtrie depuis 2014 et la guerre de Crimée. Par la voie des images, il décrit sa ville, où il habitait, et ce qu’est devenue Donetsk. Sur son téléphone, il garde ces souvenirs terribles de rues jonchées de cadavres et d’obus, pas loin de l’immeuble où il a passé de si douces années. "J’avais une belle vie en Ukraine. J’employais une trentaine de personnes dans ma société de transport. Mais qu’est ce que je peux encore espérer ? C’est fini. Je suis en Belgique pour faire du business maintenant, c’est mon nouveau pays."