Flawinne, rendez-vous des collectionneurs et passeurs de souvenirs
Collectionner, un passe-temps sans fin qui connaît un pic le dimanche, surtout l’hiver. Rencontres avec ces attachants passeurs de souvenirs à Flawinne.
Publié le 22-01-2023 à 20h37 - Mis à jour le 22-01-2023 à 20h38
:focal(544.5x417:554.5x407)/cloudfront-eu-central-1.images.arcpublishing.com/ipmgroup/MDHWXXBMZJBNRH2UKF7MOIAD6Q.jpg)
Quand la grisaille est mordante et les toits givrés, occuper son dimanche peut consister à rejoindre un cercle de collectionneurs aguerris. Nous avons poussé la porte de la salle du Cercle 1924, rue Fernand Cochard, à Flawinne. Tous les 4e dimanches du mois, les collectionneurs namurois se retrouvent en ce lieu suranné par sa vétusté, dont le décor évoque de grands et délicieux soirs ruraux. Que ne s’y est-on adonné à des plaisirs simples sur fond de fête au village. La scène occultée par un rideau de velours rouge témoigne de moments de théâtre savoureux, après les trois coups. Impression d’un retour dans les années 80.
"C’est un moment que nous attendons. C’est toujours les mêmes qui reviennent, alors on forme une grande famille", commente le chaleureux président du cercle, Jean-Marie Polet. Sur les tables, le temps qui a filé a déboulé en rangs serrés. Il s’est rapetissé en des boîtes à cigares et à biscuits Delacre. S’est aplati dans des fardes et des bacs que des gens se passionnent donc à rouvrir et à passer en revue régulièrement. Peu d’objets. Les collectionnables favoris restent les cartes postales, vieux papiers, timbres et pièces de monnaie.
Ces gens qui se constituent ce fragile patrimoine de papier ont tous un certain âge. Leur quête perpétuelle d’une pièce manquante, ou d’une trouvaille, leur donne un but salutaire qui les amène à se lever tôt, parce que c’est toujours le petit matin qui fait la journée. Entre les tables, rencontre fortuite avec un fouineur touche-à-tout. Lui, il recherche tout ce qui lui passe par la tête, selon son humeur. En ce 22 janvier, ce sont des cartes de père Noël et de Saint-Nicolas qui le mettent en route, par tous les temps. On devine que le virus de la collection grouille en son corps. "J’ai une grande maison, chaque année, je monte 50 000 marches d’escalier", raconte sans rire ce Falisollois, Guy Flemal.
Les chiffres des magots de nostalgie accumulés se lâchent. Clément Thonet, vendeur et collectionneur, s’est donné pour thème la plus belle localité du monde, où il vit et où il est peut-être né: Saint-Servais. "À la maison, j’ai passé 600 objets émaillés de St-Servais, ainsi que des médailles. Ma collection remplit deux pièces complètes et les murs sont pleins de cadres sans compter les livres", s’enflamme-t-il.
Un autre collectionneur recherche les cartes spécifiquement adressées aux soldats du 13e de ligne, un régiment hébergé à la caserne Marie-Henriette à Namur.
3 400 cartes de Dinant
Des cartes, on en trouve à tous les prix, selon leur rareté et l’originalité, de 2 à 300 €.
"La reine de la collection (en papier), c’est la carte postale. Le timbre, lui, s’effondre", confirme le président, Jean-Marie Polet. Pourquoi ? "Il y a un côté affectif. On cherche à revoir la maison de sa grand-mère à une époque où l’on n’était pas de ce monde. Des cartes de son patelin ou de sa région. Ici, vous verrez très peu de cartes de Flandre", certifie-t-il. Le président appelle un collectionneur de haut vol, Claude Bodson, qui a restreint son champ de recherche aux deux localités de son cœur: Libin, le village de son enfance, où son père Joseph fut résistant, et Jambes, où il vit avec son épouse. "Et j’en trouve toujours des nouvelles", assure ce presque octogénaire, ancien assistant technicien à la RTB, du temps de Luc Varenne. Persévérant, il a réussi à mettre la main sur un trésor de 450 anciennes illustrations de Libin, datées de la fin du XIXe siècle jusqu’aux années 40. La carte d’après-guerre, moderne et glacée, adoptant la couleur, n’a pas d’intérêt. "Autant de vues de Libin. cela s’explique par le fait qu’y vivait un photographe-imprimeur", narre-t-il.
"Le plaisir, il est dans la recherche, dans le manque. Une fois que vous trouvez une carte, vous la classez, et le plaisir disparaît. C’est fini", analyse Jean-Marie Polet, qui collectionne toutes les cartes de cette très touristique fille de Meuse, Dinant. "Rendez-vous compte, j’en ai plus de 3400, sans même compter Anseremme." Soudain il s’interrompt. S’excuse, car il a une tombola à tirer, une litanie de petits papiers bleus à crier. Sa voix de stentor résonne: "Le 517 !". Les lots sont variés, bouteilles de vin, livres etc. "Merci à tout le monde, passez un bon dimanche et on vous attend le mois prochain pour gagner." Le passé se replie. Les derniers s’attardent pour déguster un café ou se réchauffer d’une soupe. Une belle matinée à l’ancienne.