Mettet: pollution aux inertes ou pollution politique ?
Malaise, mercredi matin, à l’entame du procès de la pollution de la carrière du Fay, à Biesmerée. Six élus y sont poursuivis dont le mayeur. Sous couvert d’écologie, " c’est un dossier politique ", s’est étranglé l’échevin Joly.
Publié le 19-01-2023 à 06h00 - Mis à jour le 20-01-2023 à 17h20
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Sur leur banc, ces six élus et ex-élus de Mettet, des routards de la chose publique ayant tout connu de l’adversité de l’engagement politique, font bloc face au tribunal et à la présidente Manuela Cadelli. Il n’y a plus ni majorité ni minorité mais une petite équipe prête à défendre son honneur, et qui semble se demander quel crime elle a commis pour se retrouver là, sous les projecteurs infâmants de la justice. Présents, le bourgmestres Yves Delforge (un Engagé), les conseillers communaux MR Jules Sarto et Arnaud Maquille, l’ex-échevin PSC des Travaux Christian Dubucq, étiqueté cdH pendant seulement deux petites années avant de claquer la porte du collège, en 2004, dans une autre vie. Enfin, ce bourgmestre débonnaire qui pilota Mettet de 2006 à 2012, Eugène Remy (dit Michel). Le compte n’y est pas. En sa qualité d’avocat retraité rompu aux prétoires, Robert Joly trépigne au premier rang, et découvre le banc réservé aux inculpés. Forcément, il a connu mieux que cette grande première. Il distribue d’ultimes pièces, absentes du dossier répressif et aptes à les disculper.
À tous, il leur est reproché, depuis le début des années 2000 jusqu’en 2018, d’avoir autorisé les ouvriers communaux à déverser à la carrière (désaffectée) du Fay, à Biesmerée, des remblais issus de divers travaux de voiries, ainsi que des boues de curage, des matériaux amiantés etc. Majoritairement tous déchets inertes sans danger pour la santé humaine et l’environnement, mais illégalement enfouis, sans permis, une infraction appelant une sanction pénale. Une affaire de pollution qui a retenti en 2018, en pleine campagne électorale, et fourni à la liste Écolo en lice d’inespérés boulets rouges à tirer. Une pollution ? "On craignait une pollution, (la carrière étant tout un temps ouverte à des bennages étrangers), mais il n’y en a pas", assure Joly. On sent ce mandataire au long cours excédé. Après avoir mené sa propre contre-enquête, et passé en revue les décisions collégiales remontant à 20 ans, ce que les enquêteurs n’ont pas fait s’étonne-t-il, il ne met pas longtemps à dégainer un avis personnel choc sur ce mauvais procès: "Ce dossier, suite à une interpellation au parlement wallon par des gens rejetés (Ecolo, à Mettet) dans la minorité, a soudainement pris une tournure politique". Et d’asséner que le parquet de Namur, soit manipulé par Écolo soit par militance pro-Écolo, a étrangement confisqué le dossier alors que la Région avait décidé de négocier. Mettet s’en serait sorti avec une amende administrative et une injonction à remettre en état.
Un certain embarras se dessine sur le visage de la substitut Delphine Moreau, qui occupe le fauteuil du ministère public. Le bourgmestre Delforge reconnaît l’erreur de bonne foi: "C’est Robert Joly (qui n’était pas encore au collège) qui nous a informés que nous n’avions pas de permis pour déposer ces déchets à la carrière et qu’aucune décision de notre part autorisait cette pratique. On a commis l’erreur de ne pas vérifier", souligne-t-il.
Croquignolesque
Et le mayeur d’ajouter que, sitôt les faits dénoncés, les dépôts sauvages ont cessé immédiatement. Que, depuis, Mettet est même citée en exemple pour la gestion de ses déchets. Que le collège a obtenu un permis pour les stocker. Que deux forages, à 8 puis à 12 mètres, ont conclu à l’absence de pollution à la carrière. Qu’enfin, une étude menée par la firme Sietrem, agréée par la Région, a déjà esquissé un projet d’assainissement à la carrière.
L’ex-mayeur Eugène Remy, lui, tombe des nues. Il ne comprend pas pourquoi il est cité devant le tribunal et poursuivi personnellement au pénal: "Je n’ai reçu aucun document de la Région interdisant de faire ça. À aucun moment, on m’a dit avoir commis quelque chose que je ne devais pas faire."
Jules Sarto fut l’échevin des travaux de 1994 à 2000. De bonne foi lui aussi. "J’ignorais qu’il fallait un permis". Pas plus compliqué que ça.
Arnaud Maquille, le plus jeune des six, et ingénieur de métier, connaît bien la problématique de l’évacuation des déchets et de leur traitement, conditionnés à des permis. Son avis de prévenu se confond avec celui d‘un expert: "Nous n’avons ni titre ni droit sur cette carrière, on ne peut pas être tenus responsables comme personnes physiques […]. On vient d’une absence de législation (et de filières de valorisation de déchets) à une législation d’une complexité inouïe, et on en ajoute chaque année une couche", déplore-t-il. Pour lui, après que la législation a changé, en septembre 2018, la commune de Mettet a cherché partout à régulariser la situation, en toute transparence. "On ne peut dès lors pas lui reprocher de ne pas avoir voulu faire table rase du passé pour repartir sur de bonnes bases." Fugacement, l’instruction d’audience prend parfois des accents croquignolesques, lorsque s’expriment les retraités de la politique, dont la sincérité désarme. Aux explications desquels s’ajoutent çà et là des problèmes d’audition, de mémoire et de compréhension de ce qui se passe. La légèreté l’emporte sur une gravité incomprise. Pas exclu que la carrière accouche d’une petite souris.
Un assaut politique télécommandé
Les uppercuts les plus saignants, c’est donc Robert Joly qui les balance à la fin. Cet ex-chef de file du PS de Mettet raconte qu’il a perdu les élections en 2018, puis ses bisbilles avec son groupe (Rops) et la Fédération namuroise du PS, laquelle l’a finalement écarté et remplacé à Mettet. «Tout est télécommandé (par les ennemis du momentde la coalition sortie des urnes, incarnés en trois députés). Stéphane Hazée, le roi du bal, (Écolo) mène l’assaut en 2018, rejoint ensuite par Mme Tillieux (PS), et modérément par M. Mouyard, qui sait causer un préjudice à M. Maquille», s’enflamme Joly.
Il en veut pour preuve de la pollution politique que Stéphane Hazée, intervenant pour la seconde fois au parlement, en février 2022, s’est inquiété auprès de «sa» ministre, Céline Tellier (Écolo), de la bonne représentation de la Région à l’audience, en tant que partie civile. Et la réponse de la ministre fut «oui». Signe d’un espoir secret que la commune de Mettet soit condamnée à réparer et payer chèrement la réhabilitation du site. L’avocat des prévenus, MeJoël Bayer, a évoqué un parasitage de la procédure pénale. L’affaire reviendra devant le tribunal le 3 mai.