Namur: la Ligue pour la protection des oiseaux a un nouveau perchoir en Wallonie
La Ligue Royale Belge pour la Protection des Oiseaux s’implante en Wallonie avec l’ouverture d’une boutique nature sur les hauteurs de Wierde (Namur), le long de la N4.
Publié le 16-01-2023 à 19h32 - Mis à jour le 16-01-2023 à 23h25
Un marché de niche. Difficile d’être plus à propos à l’évocation de la boutique nature ouverte en décembre dernier par la Ligue pour la protection des oiseaux à Wierde (Namur). Elle regroupe l’ensemble des articles liés à l’observation, l’étude et l’accueil des oiseaux et autres petits habitants de la nature: nichoirs connectés ou basiques, pour rapaces ou passereaux, mangeoires, littérature sur nos voisins ailés et des jumelles et optiques en escadrille. "Le magasin est inspiré de deux boutiques que j’ai découvertes il y a une dizaine d’années en Hollande et en Angleterre, axées sur l’amélioration de la biodiversité chez le particulier", se réjouit Jean-François Buslain, directeur de la Ligue.
L’association, jeune centenaire, s’implante donc de manière durable au Sud du pays. Et cette migration ne répond pas à la seule opportunité commerciale. La boutique est surmontée de bureaux, faisant de Wierde un nouveau centre opérationnel de la Ligue. "C’est une évolution logique. Nous sommes basés à Bruxelles pour des raisons historiques. Pourtant, 75% de nos 5000 membres sont en Wallonie et la presque totalité de nos 250 hectares de réserves naturelles y est située" précise le directeur.
L’Élysette à vol d’oiseau
Namur était la seule option wallonne sur la table, car la Ligue voulait se rapprocher géographiquement du gouvernement wallon, en charge de la politique sur l’environnement et la chasse. "Faire du lobbying sur la politique wallonne au départ de Bruxelles nous a toujours desservis. Ce ne sera plus le cas."
La Ligue structure ses actions autour d’un pôle de sensibilisation et de militance, financé en partie par ses activités commerciales. "Les revenus de la Ligue sont dans l’ordre les legs, les dons, les cotisations et puis nos boutiques nature de Bruxelles, Wierde et l’e-commerce. Pour être indépendant financièrement, nous aimerions que la part des revenus commerciaux augmente".
Stop Dérives Chasse
La Ligue pour la protection des oiseaux est à l’origine du collectif Stop Dérives Chasse, créé en 2019. Ce mouvement, composé de 80 associations, milite pour une réforme de la loi sur la chasse en Wallonie. Et ce, pour la protection de la faune sauvage, la biodiversité et l’arrêt de certaines pratiques controversées comme le lâcher et le nourrissage intensif du gibier.
Le plaidoyer de la Ligue déborde de la seule protection des oiseaux de nos contrées. Elle a en effet élargi ses activités depuis belle lurette à d’autres domaines que la seule lutte contre la tenderie, objet initial de sa création en 1922. "Notre nom est devenu trop réducteur et ne témoigne plus de l’ensemble de nos missions. Nous devons réfléchir à le conserver ou pas. Protéger les oiseaux aujourd’hui, c’est d’abord défendre l’ensemble de la biodiversité et de la faune sauvage."
L’art de voler ensemble
À la manière des étourneaux, les associations de protection de la nature doivent créer des synergies pour plus d’efficacité.
Les associations de protection de la nature ont un écueil commun: l’esprit de clocher. Pour être efficace, les nombreux acteurs sont obligés de s’allier, s’entraider, cocréer. C’est du moins ce que défend le directeur de la Ligue de protection des oiseaux, Jean-François Buslain. L'association loue en effet les bureaux et salle polyvalente au-dessus de la boutique nature à Namur avec le gestionnaire de réserves naturelles, Ardennes et Gaume, et le Cercle des Naturalistes de Belgique. L’entraide, opportuniste, est financière et opérationnelle. "La Ligue a 250 hectares de réserves naturelles à gérer. Ce n’est pas notre spécialité, contrairement à Ardennes et Gaume. Donc, pourquoi ne pas leur confier la gestion de ces réserves ? C’est du gagnant-gagnant." Aussi, la Ligue ne donne pas de formation en ornithologie. Un paradoxe pour une association axée initialement sur la faune avicole. Par contre, le Cercle des Naturalistes de Belgique est compétent en la matière et recherche des élèves. "Nous allons proposer à nos 5000 membres cette formation en ornithologie donnée par le CNB. Ce sont des synergies à développer."
Des contacts sont aussi en cours avec le CREAVES de Temploux, Centre de Revalidation des Espèces Animales Vivant à l’État Sauvage. Celui-ci a accueilli 2 500 animaux durant l’année 2022, tandis que l’hôpital pour la faune sauvage de la Ligue à Bruxelles a reçu quelque 3 500 individus, "dont un singe", sourit Jean-François Buslain, anecdotique. Derrière cette prise de contact entre ces deux acteurs de la santé animale nichent des opportunités, à saisir au vol.
Vers plus d’aires protégées
La Ligue pour la protection des oiseaux est active dans le consortium wallon chargé de dénicher de nouvelles aires protégées.
La Wallonie compte un seul maigre pourcent d’aires naturelles préservées avec un statut de protection fort. Un chiffre insuffisant selon l’Union européenne qui entend protéger 10% de son territoire à l’horizon 2030.
Pour rattraper ce retard, la Wallonie bénéficie de fonds européens. Ceux-ci lui ont permis de rassembler un consortium autour des neuf associations agréées pour la création et la gestion de réserves naturelles. En 2022, ce consortium a reçu 4.6 millions d’euros qui lui ont permis de transformer 142 hectares en aires protégées. Un subside qui continuera au moins jusqu’en 2026. "Toute une équipe a été engagée autour de cet unique objectif. D’ici 2026, nous aurons transformé 486 hectares au total", détaille Jean-François Buslain, directeur de la Ligue.
Les associations sont invitées à participer financièrement à l’achat de nouvelles aires protégées. Si elles interviennent à hauteur de 20% du montant total, elles sont propriétaires et gestionnaires. Sinon, c’est la Région wallonne.
En 2022, la majorité des zones transformées en aires protégées étaient déjà inscrites Natura 2 000. "Le jeu est aussi de dire au propriétaire qu’il a tout intérêt à nous revendre une zone dont il ne pourra de toute façon pas faire grand-chose." 58% des 142 hectares réaffectés concernent de nouvelles aires. Le reste, ce sont des extensions de réserves existantes. "Pour l’instant, toutes les propriétaires à qui nous avons racheté des terrains sont des particuliers."