Namur, toujours empreinte de l’œuvre de Félicien Rops 125 ans plus tard
Disparu il y a bientôt 125 ans, l’artiste namurois constitue à lui seul un pan de près d’un demi-siècle dans l’histoire de la peinture occidentale.
Publié le 16-01-2023 à 12h24 - Mis à jour le 16-01-2023 à 16h55
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Il s’agit d’un des artistes les plus emblématiques de la capitale wallonne. Rien que dans sa ville natale, son nom est associé à celui d’un musée, d’un institut technique et même d’une avenue du faubourg de La Plante. Preuves de l’attachement que voue Namur à Félicien Rops, son enfant terrible, dont l’œuvre a voyagé dans le monde entier.
Peintre, graveur, dessinateur aquafortiste, l’homme était un artiste complet… et parfois provocateur. Ne supportant pas d’être toléré dans une société intolérante, où le sexe était synonyme de scandale, il n’hésitait pas à s’adonner au libertinage et représenter la femme dans des positions quelque peu osées pour l’époque (NDLR: voir Pornocratès). Bien que souvent controversé, le répertoire de Rops, disparu il y a bientôt 125 ans, demeure incontestablement un des moments incontournables de l’histoire de l’art du XIXe siècle.
Naissance d’un prodige
Félicien Victor Joseph Rops, né le 7 juillet 1833 à Namur, est l’enfant unique du couple Nicolas Rops et Sophie Maubille, tous deux rentiers. D’abord domiciliée à la place du Marché au beurre, la famille déménage ensuite dans une luxueuse demeure de la rue Neuve (NDLR ; actuelle rue Pépin), où se déroule la majorité de son enfance. Vivant au sein d’une famille aisée, le jeune Félicien est même dispensé de l’école primaire puisqu’il dispose, à domicile, de professeurs particuliers pour faire son apprentissage. Et quand il ne s’efforce pas d’écouter les discours barbants de ses enseignants, le jeune garçon prend déjà un malin plaisir à griffonner des silhouettes dans ses cahiers et à s’initier à l’art de la caricature.
Cette tranche de vie confortable se voit toutefois marquée par le décès de son père lorsqu’il n’a que quinze ans. Pour remédier à l’absence de cette figure paternelle, Félicien est alors confié à son oncle, Alphonse Rops. Homme de chiffres et échevin de Namur, ce nouveau tuteur se montre peu sensible au talent du jeune homme et le dissuade d’être un artiste en raison de son nom de famille.
En parallèle à ses études à l’Athénée de Namur, le caricaturiste suit néanmoins, contre l’avis de son oncle, les cours dispensés par l’Anversois Ferdinand Marinus à l’Académie des Beaux-Arts. L’occasion pour l’élève d’affiner sa maîtrise de la perspective et le maniement tant du pinceau que des couleurs.
Débuts d’illustrateur
Par besoin d’acquérir sa liberté, il décide de quitter Namur en s’inscrivant en droit à l’Université Libre de Bruxelles (ULB). Ce passage dans la capitale belge lui permettra enfin d’exposer son savoir-faire auprès d’un public plus large. Dès juillet 1953, il devient l’illustrateur attitré du journal estudiantin Le Crocodile qui paraît chaque semaine. Trois ans plus tard, il fonde même avec quelques amis la revue satirique Uylenspiegel, dont il assure les dessins de manière récurrente. Destinée exclusivement à divertir, cette publication explore avec fantaisie et humour les fastes bruxellois et provinciaux qui rythmaient l’actualité locale. À la suite de son mariage, à 24 ans, avec Charlotte Polet de Faveaux, fille du vice-président du tribunal de Namur, Félicien finit par cesser sa collaboration avec le journal.
La mer, source d'inspiration
Devenu père de deux enfants, Paul et Juliette, décédée prématurément, l’illustrateur est dorénavant sollicité tant par ses préoccupations familiales que par sa carrière de peintre.
Parmi les œuvres peintes de Félicien Rops, l’eau et la mer occupent une place de choix. Thèmes de prédilection du Namurois, il leur consacre plusieurs tableaux notables : La Plage de Blankenberge, La Vieille digue de Knokke, Le Port d’Anvers, La Plafe de Heyst…
Cette attirance pour le large ne se résumera d’ailleurs pas à sa palette chromatique puisque le peintre fondera, en 1862, le cercle nautique «Sambre et Meuse»
Rencontre avec Charles Baudelaire
Le 24 avril 1864, Félicien Rops croise la route, à Namur, du poète Charles Baudelaire. Cette rencontre débouche sur une solide amitié entre les deux artistes. «Baudelaire est l’homme dont je désire le plus vivement faire la connaissance. Nous nous sommes rencontrés dans un amour étrange, l’amour de la forme cristallographique première et la passion du squelette», écrira Félicien. Une admiration réciproque pour l’auteur des Fleurs du mal puisqu’il jugeait son talent «grand comme la pyramide de Khéops.»

Illustrateur du recueil Les Épaves, rédigé par Charles Baudelaire, Félicien restera influencé tout au long de sa carrière par la pensée de son partenaire, malgré le caractère éphémère de leur amitié. Lors de leurs retrouvailles en mars 1866, le dessinateur assiste impuissant à une crise d’épilepsie subie par son camarade, sur les marches de l’église Saint-Loup. Premier signe d’un mal qui finira par l’emporter, un an plus tard.
Une carrière parisienne aux côtés d’illustres peintres
Grâce au réseau artistique et littéraire qu’il s’est établi à Bruxelles, Félicien Rops connaissait déjà une certaine réputation à Paris. Lorsqu’il s’y installe pour se forger un nom, le natif de Namur côtoie d’innombrables peintres illustres : Edgard Degas, Édouard Manet, Alfred Verwée, Auguste Rodin… Sans oublier des écrivains de renom tels que Charles De Coster ou encore Edmond de Goncourt qui souhaitent en faire l’illustrateur unique de leurs romans. En plus de ses gravures pour le monde de l’édition, il expérimente des modèles féminins, présentés souvent sous la forme de créatures déchues : Détritus humains, Buveuse d’absinthe… Reflets de la partie plus sulfureuse de son répertoire.

C’est également à Paris que Félicien rencontre deux sœurs couturières, Aurélie et Léontine Duluc, dont il tombe éperdument amoureux. Conseiller artistique de Léontine, mère de sa deuxième fille Claire, l’homme s’évadera même aux USA (New York, Chicago et Ottawa) pour présenter les dernières créations de la maison d’habillement gérée par sa maîtresse.
Miné par une maladie qui ronge son cœur et son foie, il rend son dernier soupir, le 23 août 1898, dans sa propriété d’Essonne (France), où il s’était refait un nouveau «Repos des artistes». Décrit par l’écrivain Joris-Karl Huysmans comme «le plus grand artiste satanique des temps modernes», Félicien Rops laisse derrière lui une œuvre vaste et diversifiée qui contribue au rayonnement de Namur bien au-delà de ses frontières.
Création du Musée Rops
Félicien Rops étant reconnu comme l’un des artistes les plus illustres de Namur, sa ville natale se devait de lui consacrer une institution à part entière! Après une première rétrospective de ses compositions, en 1937, issues de collections privées, son nom devint finalement celui d’un musée, au lendemain de la seconde guerre mondiale.

Initié par la Province de Namur, l’établissement fut inauguré en 1964 dans l’ancienne remise à voitures de l’Hôtel de Gaiffier d’Hestroy, situé rue de Fer 24. Déménagé ensuite à la rue Fumal, le Musée Rops rassemble tous les aspects de son répertoire en exposant un demi-siècle prolifique dans l’histoire de la peinture occidentale. L’emplacement accueille également, chaque année, plusieurs expositions temporaires.