Cessation(s) d’activité(s) à Dinant: « Je suis amer »
Najib Barouni, après 33 ans, ferme définitivement son enseigne de la rue Grande. Tandis que son association " Dinant Commerce Centre-Ville " n’existe plus que sur papier. Tristesse, mêlée d’amertume.
Publié le 04-01-2023 à 16h52 - Mis à jour le 04-01-2023 à 16h53
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C’est une figure bien connue du commerce dinantais, celui du centre-ville. Il faudra bientôt parler au passé: Najib Barouni liquide le stock de son magasin de décoration de la rue Grande, après 33 ans d’activité. Il prend sa retraite non sans amertume, mais il faut surtout parler de tristesse. Celle de voir dans quel état de sinistrose se trouve le cœur commercial de la cité mosane, dès que l’on s’éloigne de la Meuse. Autour et alentours de son enseigne, d’autres viennent de s’éteindre définitivement (comme Di) ou alors, c’est imminent. Une bagagerie, deux magasins de chaussures: on ferme.
Le processus de désertification continue. Au fil des ans, des rez-de-chaussée commerciaux ont définitivement perdu cette vocation. D’autres sont dans un stand-by qui dure. Sur certaines vitrines, on a collé des illustrations pour tenter de gommer le marasme. Il reste certes des îlots de renouvellement, mais globalement, ce n’est pas brillant. Doux euphémisme.
L’emmerdeur avait-il raison ?
Ambiance de fin de monde pour la fin de carrière de celui qui fut aussi un militant de la survie commerciale du centre-ville. Dans cette optique, il avait créé un "syndicat" baptisé DDCV (Dinant Commerce Centre-Ville), plutôt remuant. Au point que lui, son président, fut à une époque considéré comme l’emmerdeur de service, celui qui voyait tout en noir.
Le problème, dit aujourd’hui le bientôt retraité, c’est qu’il avait raison. Son reproche aux autorités communales, toutes, au fil du temps: ne pas avoir suffisamment écouté "le terrain". Et sans doute trop des experts de tout poil.
Najib Barouni s’est battu, il s’était même lancé sur une liste aux communales, siégeant un moment comme conseiller de l’action sociale. Mais on retiendra surtout de lui des coups de gueule qui ressemblaient à des S.0.S. pour le commerce. Quand les interminables travaux de construction de la Croisette ont miné l’activité commerciale. Ou lorsqu’il interpellait les édiles sur les délocalisations vers les zonings du plateau. Ou plutôt, du temps où il n’y en avait qu’un, celui du Tienne de l’Europe et de ses alentours. Aujourd’hui, voilà que ce dernier s’est considérablement vidé. Au profit d’un autre tout proche.
Pendant ce temps, le centre-ville souffrait. Le parking y est payant, souligne Najib Barouni, le périmètre tarifé sera même considérablement élargi. Sa réflexion aux politiques: "Vous perdez la boule".
« Tout ce qui se crée, c’est de la bouffe »
On lui dit que le commerce dans les centres-villes souffre partout de la même manière ? Najib Barouni répond: "Non, ce n’est pas le cas à Beauraing, et c’est moins le cas à Ciney". Oui, mais la Croisette attire du monde et des commerçants s’y retrouvent. "Tout ce qui se crée, c’est de la bouffe". Son analyse: c’est la variété de l’offre qui fait vivre un réseau commercial. Son appauvrissement menant à une spirale négative.
Najib Barouni est toujours président de "son" syndicat, qui a compté jusqu’à 80 membres. "Mais je vais démissionner, DDCV n’existe plus que sur papier". Selon lui, la dynamique est brisée: "Des clients qui n’étaient plus passés par Dinant depuis 5 ou 6 ans m’ont demandé: mais qu’est-ce qu’il se passe ?". Tout est dans tout, estime notre interlocuteur: "La Poste, Belgacom sont aussi partis sur le plateau. À un moment j’ai dit aux politiques que tant qu’à faire, ils pourraient aussi y délocaliser l’hôtel de ville".
« C’est trop tard »
Il exagère, M. Barouni ? On le lui a souvent reproché. Durant la période des fêtes, il y a quand même eu des animations, comme des marchés de Noël. Ah oui ? "J’ai pris une photo dans la rue Grande, deux jours avant Noël, à 14 heures, il n’y avait personne ! Il y a dix ans, au même endroit et au même moment, c’était noir de monde"
Comment relever la barre ? "Quand il n’y a plus suffisamment de commerçants, c’est trop tard. Pour se relever, si on se relève, il faudra des années".
Voilà, après 33 ans d’activité, Najib Barouni va baisser le volet. "Avec 520 m2, on a la plus grande surface. C’est triste".