90 ans des apparitions de Beauraing (épisode 6, fin) | « Il faut se secouer sinon dans 10 ans, il n’y aura plus rien »
Ce 3 janvier marque le 90e anniversaire de la dernièredes 33 apparitions survenues à Beauraing en 1932-33. Que reste-t-il aujourd’hui de tout ça ? Rencontre et perspectives avec Christian Van den Steen, fils d’Andrée et neveu de Gilberte Degeimbre, deux des cinq " voyants ".
Publié le 02-01-2023 à 23h51 - Mis à jour le 03-01-2023 à 02h32
Il nous reçoit chez lui, à Javingue, dans sa " caverne d’Ali Baba ". Christian Van den Steen est historien et collectionneur. Des trésors, sa maison en regorge… même s’il ne les voit plus. Car au fil des années, et c’est un comble, l’homme qui est né 10 ans après les apparitions, a perdu la vue.
Toute sa vie, Christian Van Den Steen, bientôt 80 ans, s’est posé des questions sur les visions rapportées par sa maman, Andrée, et sa tante, Gilberte. "Cette histoire m’a travaillé nuit et jour. Je n’ai pas cherché la faille, mais j’y étais attentif. J’ai toujours pesé le pour et le contre. " Il a beaucoup questionné sa maman. "En vieillissant, j’ai eu envie de connaître de plus en plus de détails." Il n’a jamais trouvé, ressenti, une once d’élément pouvant corroborer d’éventuels doutes.
« Que l’évêché se réveille »
Aujourd’hui, Christian Van den Steen fait le bilan. Que reste-t-il de tout ça ? Des pèlerinages, du développement et de la fréquentation du site des sanctuaires qui autrefois attiraient des cars entiers de pèlerins. Son constat n’est pas terrible. "Les gens disent que c’est en train de mourir, et ils ont raison", lâche l’homme qui a hérité du caractère bien trempé de sa maman. "Il faut se secouer, tout révolutionner, sinon dans dix ans, il n’y aura plus rien." Il espère que ça va bouger, tant au niveau de l’aménagement du site, qu’au niveau des mentalités.
Musée digne de ce nom
Pour lui, il est temps de sortir du côté trop protocolaire de la religion. Il faut faire des sanctuaires un "pôle d’attraction touristique et spirituel mais pas nécessairement religieux". En clair, sortir du schéma classique des messes traditionnelles et autres rendez-vous qui sentent la naphtaline. "Il faut secouer le cocotier. Il faut par exemple arrêter avec ces 22 août poussiéreux où les curés viennent parce que l’évêque est là. Ils avancent un peu comme des momies, c’est sinistre, c’est trop mou. Il faut relever tout ça, il faut du dynamisme." Pour lui, il faut travailler sur la communication, avec des professionnels . "L’office du tourisme, c’est aussi là que les choses doivent se passer." Il n’y va pas par quatre chemins: "Il faut que l’évêché se réveille, que les curés des paroisses soient conscientisés, qu’ils organisent des pèlerinages avec de véritables animateurs." Il faut aussi s’adapter à l’époque actuelle. "Parfois, il suffit d’une musique douce qui donne envie de se poser sur un banc et de réfléchir à sa vie, sans pour autant mettre sa main dans l’eau bénite ."
Quant aux infrastructures, il est grand temps selon lui de proposer un musée digne de ce nom, au sein de la Maison de l’accueil des religieuses par exemple, comme il en aurait eu écho. "Il faut faire appel à des gens de métiers, hors du milieu religieux pour créer un musée attractif, avec une mise en valeur moderne, montrer le parloir et les salles d’interrogatoires. Tout est là, presque dans l’état d’origine. Il insiste:" Il faut aussi que l’aspect historique apparaisse de manière nette, qu’on expose des archives. "Il aimerait aussi qu’on exploite les salles de classe et qu’on y installe des vitrines avec des objets ayant appartenu aux enfants." J’ai confié au clergé des vêtements que ma maman et ma tante portaient au moment des apparitions. Je ne sais pas ce qu’ils en ont fait. "Il avance une autre idée: une statue à l’effigie des" voyants "." Cela leur redonnerait un rôle, les remettrait un peu au centre. "
Preuve de l’au-delà
À l’extérieur, il souhaite qu’on valorise le perron où les enfants ont "vu" la première fois. Il imagine bien au cœur du site, en vrac, une aire de jeux pour les enfants, l’affichage sur le béton de la basilique de grandes œuvres d’art contemporaines en graffiti. "S’il faut peindre la chapelle votive en jaune vif et que ça permet de faire venir les gens, c’est gagné. Il faut susciter la curiosité." Pour lui, "Beauraing mérite plus" "Si la vierge est vraiment venue, mais c’est l’événement du millénaire. Qu’est-ce qui prouve que Dieu existe ? Rien. Par contre, cette présence vivante et concrète à Beauraing en est la preuve. Moi qui suis au seuil de mon tombeau, ces apparitions sont pour moi la certitude que l’au-delà existe."
L’Office du Tourisme « très ouvert pour une collaboration »

Voilà six mois, Dimitri van Houche, coordinateur-gestionnaire de l’Office du Tourisme, a été contacté par les responsables des sanctuaires pour un projet de QR code au sein du site marial. Depuis, c’est le silence radio. "Je n’ai plus eu de nouvelles. On ne sait pas où ça en est." D’après lui, il y a un manque évident de collaboration entre le site voisin (l’Office du Tourisme se situe juste à côté du rectorat et du site des apparitions). "On a toujours été demandeurs de collaborer, mais ce n’est pas évident. Je me souviens, lors d’une réunion avec Pro Maria, on avait eu le malheur de prononcer le mot “tourisme religieux” ou “attraction touristique”, ça avait été très mal perçu". Il poursuit: "Le tourisme, ils voient ça comme un système lucratif et économique. Mais le tourisme à la base, ce n’est pas forcément de l’argent, c’est d’abord aller d’un point A à un point B. Parfois sans rien dépenser."
Il ne comprend par exemple pas pourquoi les sanctuaires ne font pas partie du circuit des églises ouvertes. "Au-delà des apparitions, il y a tout un aspect historique et architectural à raconter et à développer . Pour cela, il faut une réelle envie de leur part d’être un peu plus axé de manière intelligente sur le tourisme. Ça pourrait ramener du monde. Il faut aussi être un peu plus organisé, plus attractif, faire plus de promotion."
Dimitri van Houche constate la baisse énorme de fréquentation ces dernières années, surtout depuis la fermeture de l’hôtel de l’Aubépine alors tenu par la famille Ricail. "On sent la différence au niveau du passage des étrangers. Pourtant, la région est attractive. Les touristes rayonnent et Beauraing occupe une position centrale par rapport à Rochefort, Dinant, Han-sur-Lesse, etc. Beaucoup viennent ici pour se balader à pied ou à vélo. Ils cherchent des points d’intérêt. Il faut pouvoir capter ces promeneurs et les garder à Beauraing. On a tous à y gagner." Et de rappeler: "En dehors du fait de croire ou de ne pas croire aux apparitions, Beauraing est devenue ce qu’elle est grâce au développement des sanctuaires. Des hôtels, à l’époque, il y en avait partout. Il faudrait que les gestionnaires se repositionnent. Les sanctuaires, au-delà de l’aspect religieux, c’est aussi un site de curiosité."
Il se désole: "Ce qui est dommage, c’est qu’on n’est jamais consulté alors qu’on a les outils. Il faudrait avoir une personne relais entre le clergé et nous. On peut les aider. Après, on a le temps qu’on a, on développe beaucoup au niveau des circuits pédestres et VTT, mais on pourrait travailler en collaboration." Et de citer un exemple: "Lorsqu’ils ont relancé les chemins de pèlerinages, ils ont fait ça de leur côté. On avait déjà créé deux chemins balisés dans le parc et un jour on en a constaté un troisième… on n’a même pas été prévenu." Pour lui, "il suffirait de se réunir pour discuter, se partager les infos, pour avancer ensemble." Dimitri Van Houche insiste: "l’Office du Tourisme est très ouvert pour une collaboration."