Les élus politiques namurois, une cible sur les réseaux sociaux : entretien avec Prévot, Luperto, Marcolini et Caverenne
Sur les réseaux sociaux, les élus locaux sont trop souvent la cible d’attaques personnelles, de calomnies et de diffamation. Entretien avec quatre politiques namurois : Maxime Prévot, Jean-Charles Luperto, Nadia Marcolini et Valérie Caverenne.
Publié le 29-12-2022 à 06h10 - Mis à jour le 04-01-2023 à 10h38
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"Cumulard", "profiteur", "connard", "il est temps de mettre vos têtes sur des piques", "parasites", "fossoyeur", "garce", des noms d’oiseau qui ne sont qu’un aperçu de la violence des propos que subissent des élus locaux sur les réseaux sociaux.
Il y a un an, l’ex-bourgmestre dinantais Axel Tixhon évoquait ce défouloir virtuel comme l’un des motifs de sa démission. Il y a trois semaines, le bourgmestre namurois Maxime Prévot était placé sous protection policière suite à des menaces de mort sur ces mêmes réseaux. Et ce serait une erreur de ne pas mentionner à quoi peuvent conduire des menaces, avec le décès toujours dans les mémoires du bourgmestre de Mouscon Alfred Gadenne, assassiné par un de ses concitoyens.
La Commune en première ligne
Nous avons contacté des politiques de différents partis présents dans une majorité communale en province de Namur. Et tous sont univoques, les réseaux sociaux ont dopé la véhémence et la fréquence des propos inciviques. L’agressivité par écrit est devenue une réalité presque quotidienne pour certains élus locaux. "L’administration communale est toujours le premier rempart vers lequel se tourne le citoyen, et ce même si les matières problématiques ne sont pas gérées au niveau local", confirme Jean-Charles Luperto (PS), bourgmestre de Sambreville. Un rempart qui doit désormais essuyer les insultes dans le débat virtuel, plus virulent. "Depuis l’avènement des réseaux sociaux, les propos sont de plus en plus agressifs, insultants et réguliers, observe Maxime Prévot (LE), bourgmestre de Namur. Avant, quand quelqu’un était contrarié, il poussait un coup de gueule. Mais peu prenaient le temps d’écrire une lettre, apposer un timbre et la poster. Aujourd’hui, c’est dans l’instant, à deux heures du matin ou de l’après-midi, qu’importe. Il n’y a plus de filtre et certains font voler en éclats la bienséance et la retenue."
Ne pas lire, se protéger
Nadia Marcolini (ECOLO), échevine de l’urbanisme à Assesse, consulte peu Facebook. Et ce, par souci de préservation, de protection. Les propos véhéments qui concernent ses attributions ou sa personne, quand il y en a, lui sont rapportés par ses collègues du collège communal. "Deux échevins du collège d’Assesse sont plus actifs en ligne et quand je vois dans quel état certains propos peuvent les mettre, cela me conforte de ne pas trop suivre les réseaux sociaux." Est-ce qu’elle loupe de l’information, capitale à la bonne conduite des dossiers assessois ? "Non, pas du tout. L’essentiel n’est pas sur les réseaux sociaux. Et si quelqu’un veut me rencontrer, je reste disponible."
Le propos injurieux existait avant Facebook
À Hamois, la bourgmestre Valérie Caverenne (MR) garde aussi une distance avec ces débats virtuels. Elle privilégie la bonne conduite de ses dossiers à une discussion interminable sur les réseaux. Comme Nadia Marcolini, par souci de préservation et de protection. "Mais c’est une attitude qui ne date pas d’hier", assure la bourgmestre.
Quand elle était encore échevine, avant l’émergence des réseaux sociaux, un projet qu’elle tenait à cœur a été vivement critiqué dans la presse. De manière injuste et partiale, selon la libérale condrusienne. Un politique plus chevronné lui avait conseillé de faire le gros dos. "Cela ne sert à rien de répondre, de partir dans un ping-pong avec le journaliste. Car le lendemain, c’est une autre information qui fera la Une de la presse et aura remplacé la précédente. J’adopte la même stratégie avec les commentaires sur les réseaux sociaux, quels qu’ils soient. "
Porter plainte ?
Jean-Charles Luperto, lui, ne répond pas à ces critiques. Il préfère faire abstraction, passer outre les insultes et menaces. "S’il y a une menace physique ou de la diffamation, des plaintes peuvent être déposées en fonction de la gravité et du caractère sérieux des menaces. Je bloque automatiquement les auteurs de messages insultants."
Maxime Prévot songe parfois à porter plainte suite à des propos calomnieux, voire menaçants. "Être insulté, c’est déjà quelque chose. Mentir pour te salir, c’est de la diffamation. Mais quand je songe à porter plainte, on me répond que cela risque d’être perçu comme le pot de fer contre le pot de terre." C’est une triste réalité du métier. Une plainte pour diffamation d’un bourgmestre face à un de ses concitoyens, même si elle est justifiée dans les faits, peut être mal perçue. "C’est le risque de faire pire que mieux en termes de visibilité."
C’est l’usage qu’il faut changer
Les politiques interrogés ne sont pas contre les réseaux sociaux. Ils y voient même un formidable moyen de communication entre la population et ses représentants. À partir du moment où ils sont un espace d’échanges et de critiques constructives. Pas un défouloir nauséabond, pollué par les insultes et menaces en tous genres.
Quelle stratégie adopter ?
Face aux réseaux sociaux, les politiques adoptent des stratégies diverses.
"Je ne poste que de l’information positive, constructive, jamais de sujets clivants, précise Richard Fournaux, député provincial. Cela attise moins les commentaires négatifs quand on ne s’exprime pas sur des sujets clivants." Face aux propos peu civiques, l’échevine Nadia Marcolini, les bourgmestres Valérie Caverenne et Jean-Charles Luperto font le gros dos. "Je poste des informations pratiques pour le citoyen, mais je ne me lance pas dans l’analyse de commentaires. Et je n’y réponds jamais", détaille la bourgmestre de Hamois. Suite à plusieurs cas de désinformation, il y a eu un échange avec l’administrateur de la page Facebook "Hamoisien, Hamoisienne". "Celui-ci s’est engagé à modérer certains commentaires et contextualiser en cas de fausses informations. Certains internautes ont tendance à croire que ce qu’il se dit sur Facebook, c’est la vérité absolue. Mais c’est souvent l’inverse", explique Valérie Caverenne.
Dans la mesure du possible, Maxime Prévot tente de répondre dans un langage policé mais ferme aux diverses insultes et menaces en tous genres de la part de concitoyens namurois. Que ce soit par mail ou par message privé sur les réseaux sociaux. "Le plus simple, quand on veut nous contacter, c’est d’envoyer un mail. Car les gens nous taguent sur les réseaux sociaux et puis nous reproche de ne pas l’avoir vu. Mais ce n’est tout simplement pas possible de tout suivre", explique le bourgmestre.