90 ans des apparitions de Beauraing (épisode 5) | « La venue du pape devait être réservée à 2 000 prêtres et religieuses » (vidéos)
Conséquence directe des apparitions de la Vierge aux cinq enfants: le pèlerinage du pape Jean-Paul II, le 18 mai 1985, à Beauraing. Une venue " inattendue " qu’il a fallu encadrer. Une visite prévue au départ en petit comité, pour les ecclésiastiques. Mais quatre laïcs " rebelles " en ont décidé autrement…
Publié le 26-12-2022 à 23h31 - Mis à jour le 27-12-2022 à 16h25
En 1985, Claude Van Genneken est à l’aube de ses 40 ans. Il fait partie, avec trois autres laïcs, du conseil pastoral de Pro Maria. Bénévole, il est chargé des processions et des pèlerinages aux sanctuaires.
Lors d’une réunion, la venue du pape en Belgique est abordée. "On se disait: heureusement , il ne vient pas à Beauraing. Nous étions soulagés , cela nous évitait une organisation qui nous semblait impossible", confie Claude Van Genneken. Le lendemain matin, il part travailler. "À la radio, dans la voiture, j’entends que le pape a décidé, en plus des autres lieux, de se rendre à Banneux et Beauraing." C’est la panique. "Une fois au bureau, je me suis empressé de téléphoner à Louis Wénin, qui faisait partie du conseil pastoral avec moi, pour voir ce qu’on allait faire."

Peu de temps après la surprenante annonce, ils sont informés que l’abbé Albert Chenot, alors recteur des sanctuaires, prévoit de réserver la venue du pape aux prêtres, religieux et religieuses, avec maximum 2 000 personnes au jardin des apparitions.
« On n’était pas d’accord »
Les quatre laïcs du comité pastoral, Louis Wénin, Camille Poncelet, Marcel Lebrun et Claude Van Genneken, s’offusquent. " On n’était pas d’accord. Pour nous, ce n’était pas concevable que tout se passe en cercle restreint."
Les quatre "rebelles" imaginent la mise en place d’une organisation "pirate". Ils n’en informent pas le clergé. "On a commencé à aller voir les fermiers qui possédaient des terrains aux entrées de Beauraing pour créer des parkings et mettre en place des navettes. On a aussi cherché une pâture proche du lieu des apparitions pour organiser une grande cérémonie. Restait à trouver un endroit adapté où le pape allait pouvoir atterrir en hélicoptère avant de rejoindre, en Papamobile, les sanctuaires."
45 000 personnes
Lors de la visite du Comité national, chargé de l’organisation de la venue du souverain pontife, les quatre laïcs jouent leur va-tout. "On a dit qu’on ne souhaitait pas les accompagner pour faire le tour du site. On a attendu. Lorsqu’ils sont revenus, tout était arrangé. Louis Wénin s’est alors avancé. Il a dit qu’on n’était pas d’accord. On a vu les visages changer… Il a signalé qu’on avait étudié un autre projet qui permettrait à des dizaines de milliers de personnes d’assister à la venue du pape. On a refait le tour avec eux." C’est le tournant de l’événement.

Le Comité national se montre "émerveillé" par la proposition parallèle, qui sera adoptée. "Monseigneur Mathen, l’évêque de l’époque, était séduit. Le recteur, lui, était contrarié d’être mis devant le fait accompli. Mais on savait que si on en parlait avant, notre proposition risquait d’être balayée." C’est comme ça que 40 000 à 45 000 personnes ont assisté à la venue du pape à Beauraing, le 18 mai 1985.
Aujourd’hui, Claude Van Genneken est le dernier des quatre organisateurs "pirates" à pouvoir témoigner. Cette mise en place parallèle, ils ne s’en sont jamais vantés. "On n’en a pas parlé. Il faut dire qu’on avait peur des incidents. Et on ne voulait pas choquer davantage le recteur." Il confie: "Tous les quatre, nous avons été remerciés, nous avons reçu un petit cadeau par l’entremise de Monseigneur Mathen qui a reçu de Rome un cadeau pour chacun des grands responsables. On était finalement fiers d’accueillir le pape et qu’un maximum de monde puisse profiter de l’événement. Ce qui était inespéré."
Mains coupées, huile sur la statue et crainte d’attentat

La préparation de la visite du pape à Beauraing n’a pas été de tout repos. Quelques semaines avant son passage, les mains de la statue de la Vierge ont été cassées. "Il a fallu les refaire en urgence, confie l’abbé Jacques Gilon, responsable des autorités civiles le jour J. L’avant-veille, de l’huile de vidange a été jetée sur la Vierge. Elle était toute noire. Ça a été un sacré travail pour la remettre en état." Des graffitis, des "No pope " mais aussi un "Pape, rendez-nous nos sous", ont été recensés dans Beauraing. "Ily avait des gens à qui cette visite ne plaisait pas . Les gendarmes ont surveillé le jardin des apparitions la nuit pour éviter d’autres actes de vandalisme."
La venue du pape a nécessité des aménagements, notamment pour accéder à la pâture où allait se dérouler la grand-messe. Ce qui provoquera des tensions au conseil communal entre les tendances politiques. Par la suite, certains anticléricaux, qui au départ ne souhaitaient pas "être vus" aux côtés du pape, finiront, face à l’ampleur de la venue de cette véritable "rock star", par trôner et accueillir fièrement le souverain pontife à sa descente d’hélicoptère devant les caméras et autres photographes.

Le jour J, la gendarmerie avait installé son QG dans l’école des Sœurs (INDSC). Les tireurs d’élite étaient partout le long du chemin de fer. "Dès que le pape est arrivé dans la prairie, ils ont disparu de la vue, se rappelle ce témoin. Les maisons qui donnaient sur la pâture où le pape devait atterrir avaient aussi été contrôlées avant sa venue. On avait peur d’un attentat." À la fin de l’office, la sécurité a été quelque peu dépassée. "La foule s’est précipitée pour approcher le pape, se rappelle Claude Van Genneken. Il a été déporté vers un des rares piquets de clôture qui n’avait pas été démonté en bord de route. Il a fallu faire une chaîne humaine pour éviter l’accident. Heureusement, Notre-Dame était là pour le protéger (rires)."