Affaire Jean-Charles Luperto : le bourgmestre de Sambreville condamné définitivement et sans recours… depuis 10 mois
Bourgmestre de Sambreville et député wallon PS, Jean-Charles Luperto avait introduit un recours à la Cour européenne des droits de l’homme suite à sa condamnation pour outrages publics au mœurs. Recours rejeté, il y a 10 mois déjà.
Publié le 19-10-2022 à 14h55 - Mis à jour le 19-10-2022 à 21h20
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Le «dossier Luperto» est clôturé depuis… décembre 2021, quand la Cour européenne des droits de l’homme a rejeté son recours contre sa condamnation à six mois de prison avec sursis pour outrages aux mœurs. L’information n’avait pas circulé et n’a refait surface que ce mercredi. Explications…
La dernière carte à L’Europe, perdue en décembre 2021
Sur le plan du droit belge, ladite condamnation était définitive depuis le 29 septembre 2020, date de l’arrêt de la cour d’appel de Liège.
Le bourgmestre de Sambreville et ses avocats s’étaient pourvus en cassation. Ils avaient été déboutés en avril 2021. Ils avaient alors joué une dernière carte, saisissant la Cour européenne des droits de l’homme. Avec pour argument qu’il n’aurait pas eu droit à un procès équitable du fait qu’il avait été jugé directement en cour d’appel (lire par ailleurs). Il avait ainsi été privé, de son point de vue, d’un degré d’instance. Et donc lésé dans ses droits par rapport à un citoyen lambda.
Nous avons appris ce mercredi que ce recours a été rejeté… il y a plus de 10 mois déjà : «La requête à laquelle vous faites mention (Luperto c. Belgique) a été déclarée irrecevable en décembre 2021. Comme il s’agit d’une décision de juge unique, elle n’est pas publiée dans la base de données de la Cour. La partie requérante a été informée de la décision par écrit.» C’est ce que nous a répondu par mail le service presse de la cour européenne, que nous interrogions.
«Une procédure inéquitable»
Nous avons contacté l’intéressé et ses avocats. Voici la réponse reçue très rapidement par SMS de MeUyttendaele, s’exprimant pour son client : «La requête déposée par Jean-Charles Luperto devant la Cour européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales n’a pas, comme il le craignait, été prise en considération par cette dernière. Il faut rappeler que, en 2021, la Cour a été saisie près de 45 000 requêtes et que trois quarts de celles-ci n’ont pas été instruites contradictoirement par la Cour, et cela à la suite de décisions prises par des juges statuant seuls. Par la voix de son conseil, Marc Uyttendaele, Jean-Charles Luperto maintient solennellement ne jamais avoir commis les faits qui lui ont été reprochés et avoir fait l’objet d’une procédure inéquitable. Il estime cependant que le temps est venu de tourner définitivement la page et de renoncer aux procédures juridictionnelles qu’il aurait pu encore mettre en œuvre, notamment engager la responsabilité de l’État pour les fautes multiples commises à son encontre. Ni lui-même, ni son avocat ne s’exprimeront encore sur cette affaire.» Fin du message.
10 mois sans communication
Voilà donc 10 mois qui se sont écoulés, sans communication ni de Luperto, ni de son parti, où l’affaire avait tout de même créé quelques remous, c’est peu de l’écrire. Interrogé sur ce point, Me Uyttendaele répond : «Jusqu’à nouvel ordre, il n’y a dans le chef d’un justiciable aucune obligation de rendre compte à la presse en temps réel de l’évolution d’un dossier….Usé par le lynchage dont il a été l’objet tant par certaines autorités judiciaires et policières que par les médias, mon client a finalement décidé d’en rester là et de tourner la page.» Sur le plan politique, on peut se demander si elle l’est définitivement.
Pour rappel, au PS, une condamnation en Justice pour un mandataire est passible d’exclusion. Jusque-là, jusqu’au plus haut niveau du parti et son président, Paul Magnette, on temporisait. On disait attendre l’issue finale de toutes les procédures. Et maintenant?
À la fédération namuroise du PS, son président Fabian Martin, ne se positionne pas. Et pour cause : «Je ne suis pas au courant de cette décision de justice. Ni au courant d’une éventuelle prise de position des instances fédérales du parti, dont c’est du ressort.» Curieux, à tout le moins…
Samuel Sinte
Édito: une question de morale politique« No comment » au PS, où le malaise est palpable
Quelle sera la réaction du PS suite à ce jugement qui ne peut désormais plus faire l’objet de recours ? Avec cette condamnation ferme et définitive pour outrages aux mœurs, les instances nationales du PS vont-elles demander à Jean-Charles Luperto de faire de lui-même un pas de côté ou vont-elles décider d’une exclusion pour des comportements considérés en inadéquation avec les valeurs du parti ?
Face à ces questions, nous avons tenté d’obtenir, en vain, une réaction du PS et de Paul Magnette, son président. Mais au boulevard de l’Empereur, le malaise est palpable. Nos demandes sont restées systématiquement en suspens et nous apprenions, en début de soirée, que, finalement, le PS ne communiquerait pas officiellement ce mercredi sur cette question.
Interrogé sur RTL-TVI en mai 2021 suite à la condamnation pénale, Paul Magnette s’est montré conciliant. "Je constate que personne n’a demandé sa démission, ni à Sambreville où les citoyens l’ont réélu après le procès, ni au parlement, ni nulle part", avait-il alors noté rappelant aussi l’intention de Jean-Charles Luperto d’aller devant la Cour européenne des Droits de l’Homme.
Ce jeudi, certains mandataires affirment qu’ils ignoraient que le député-bourgmestre avait été débouté. Les instances nationales du PS ignoraient-elles la situation du député-bourgmestre de Sambreville ? Ce jeudi, le PS devra inévitablement clarifier sa position.
G.BARK.
Par le passé, le PS n’a pas hésité à exclure des mandataires fautifs
Stéphane Moreau et André Gilles
En avril 2017, après l’éclatement de l’Affaire Publifin, Stéphane Moreau a démissionné du PS. Deux jours après cette annonce, les instances du parti prononçaient son "exclusion définitive". Un mois plus tôt, c’était André Gilles, l’ex-président du conseil d’administration de Publifin, qui était, lui aussi, exclu.
Emir Kir
En janvier 2020, le bourgmestre de Saint-Josse était exclu du PS après la réception d’une délégation de six maires turcs, dont deux étaient membres du MHP, un parti d’extrême droite proche des "loups gris". Siégeant à la Chambre comme indépendant, il a voté, à l’instar de ses ex-camarades socialistes, la confiance au gouvernement De Croo. C’est que la période d’exclusion de trois ans touche à sa fin dans six mois.
Benoît Hons
La commission de vigilance de la section liégeoise du PS a décidé, en janvier 2020, d’exclure Benoît Hons, échevin à Neupré. Motif: des propos injurieux envers les gens du voyage proférés sur Facebook.
Alain Mathot
En mars 2022, l’ex député-bourgmestre de Seraing a dû quitter le PS suite à sa condamnation pour des faits de corruption commis dans le cadre de la construction de l’incinérateur de déchets de Herstal. Alain Mathot n’a pas été exclu. Il avait envoyé une lettre de démission…
Claude Despiegeleer
La commission de vigilance du PS a décidé en 2016 d’exclure Claude Despiegeleer pour ses condamnations en 2009 et 2010 dans les affaires de la "Carolorégienne". Des faits qui constituaient au minimum une violation flagrante de l’article 2 de la Charte du militant, qui prévoit que les membres du PS adoptent, en toutes circonstances, un comportement intègre et probe…
G.BARK.