Intime Festival : « Sans l’art, ce n’est simplement pas viable », estime Yann Moix
Yann Moix – Benoît Poelvoorde : un « brunch » littéraire, intelligent et incisif. Morceaux choisis autour d’une rencontre entre amis.
Publié le 21-08-2022 à 21h44 - Mis à jour le 21-08-2022 à 21h49
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À l’intime Festival, le choc des titans était prévu dimanche, à 11 heures. À 10h30, inutile de vouloir obtenir une place. Les derniers spectateurs tolérés ont décroché un rôle de figurant sur les descentes d’escaliers. Dix minutes avant l’horaire, le président d’honneur de l’Intime fait son entrée avec une valise. À l’intérieur: l’œuvre de son hôte, devenu ami depuis que l’écrivain, également réalisateur, a vu en l’acteur namurois Bernard Frédéric, le personnage principal de son film « Podium ». Un moment Intime qui n’a manqué ni de légèreté, ni de positions tranchées.
Moix la menace
Selon le patron de l’Intime lui-même, Moix fait peur. " Je pense que c’est un problème namuro-namurois. C’est le seul endroit de la planète où on me dit ça. Je suis très étonné et même un peu honoré. À Namur, les gens, les pigeons, les chiens, les chats ont peur de moi. Mais je le prends bien."
La littérature
" Si Salman Rushdie s’est fait égorger, c’est que la littérature dérange. S’il n’avait pas reçu de coups de couteau, c’est que la littérature n’est rien. Les écrivains, ce sont des gens qui disent ce que personne d’autre ne dit. Les journalistes apportent la matière première. Les réalisateurs montrent des choses. Dans la littérature, il y a une intelligence à côté qui vous montre du doigt un endroit où vous n’auriez jamais eu idée de regarder".
La gloire
L’homme qui a découvert Gide à 9 ans, avoue que le prix qu’il préfère (parmi les nombreux prix qu’il a reçu, à l’exception du Goncourt) est le prix Renaudot. " Avant ce prix, j’étais considéré comme un très mauvais écrivain. À partir du Renaudot, je suis devenu un très mauvais réalisateur. C’est le prix qui a été donné à Céline, Aragon. Et puis, c’est le prix des gens qui n’ont pas le Goncourt. Autant ce dernier a un petit côté Miss France, le Renaudot a une acception un peu plus littéraire."
La mort
"Vivre est beaucoup plus difficile que de mourir. Mittérand disait: “c’est pas de la mort dont j’ai peur, c’est de mourir”. En fait, la vie est beaucoup plus intimidante que la mort. La vie, on peut faire ce qu’on veut avec. C’est un espace infini et c’est de ça dont on a le trac. Pour éviter de penser, de tout ce qu’on a de disponibilité, on se réfugie mécaniquement comme si la vie allait tout de suite dans la case et on a peur de la mort. Peut-être que cela soulage de manière très perverse le trac que l’on a de l’existence."
L’écriture
"Moi, j’écris parce que je m’ennuie. Si je n’écrivais pas, je me serais tiré une balle dans la tête. Imaginez la vie sans l’art, sans pouvoir aller au cinéma, sans écouter un disque, sans voir un spectacle, sans voir un acteur. La même vie sans rien de tout cela, C’est pas viable. Pour moi, l’équivalent de cela, c’est ne pas pouvoir écrire".
Le monde
« Celui dans lequel, on vit. On est passé d’un monde d’athéisme (au XXe), non pas à un monde où l’Islamisme nous envahit mais dans un monde beaucoup plus compliqué d’autothéiste. C’est penser que le seul dieu sur la terre, c’est soi-même. Les gens font des selfies. La Venus de Milo, elle est au second plan. L’universalité, c’est penser qu’on est peut-être unique mais qu’autrui a la même importance que moi. Si vous oubliez ça, on entre dans l’ère de la barbarie. »