Cour d’assises de Namur: un seul coup de couteau, par peur, sans intention homicide selon la défense
L’avocate de l’accusé Bernard Marchal parle d’une dramatique bagarre entre les deux frères. Pas d’un meurtre.
Publié le 16-06-2022 à 17h56 - Mis à jour le 16-06-2022 à 17h58
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Pour Me Fery, avocate de l’accusé, il y a bien eu une bagarre entre Bernard Marchal et son frère Jean-Luc. Il a commis son geste fatal par peur et surtout, il n’y a eu aucun acharnement de sa part car il n’a infligé qu’un seul coup de couteau. L’avocate et son confrère de la défense, Me Maudoux, défendent la thèse des coups et blessures volontaires ayant entraîné la mort sans intention de la donner, pas le meurtre.
"Coup de folie, coup de sang… Pourquoi ce fait s’est-il produit? Aujourd’hui, tout le monde s’interroge et Bernard Marchal aussi. La seule certitude est qu’il ne voulait pas tuer" , a-t-elle ainsi commencé sa plaidoirie.
Pour elle et Me Maudoux, l’alcool n’excuse rien mais il peut contextualiser les faits. Se basant sur les analyses toxicologiques, elle rappelle que le taux d’alcool de l’accusé était particulièrement élevé le jour des faits. Il était imbibé et confus. « Au final, peu importe la dose. Vu son alcoolisme chronique, il a une tolérance plus élevée que la normale. Certains sujets tolèrent mieux la consommation d’alcool, surtout quand ils sont habitués, mais ils ne sont toutefois plus aptes à appréhender les choses comme une personne qui n’aurait rien bu, insiste-t-elle. Monsieur Marchal a deux visages: quand il a bu et quand il n’a pas bu. Quand on boit, on a moins de recul, moins de capacités d’analyses et on s’emporte davantage. »
MeMaudoux rappelle qu’avant la vente du tracteur à un collectionneur, Bernard et Jean-Luc Marchal et leurs compagnes respectives, Christelle C. et Murielle D., avaient consommé de l’alcool. "Il y avait des canettes de 50 cl de bière. Tout le monde avait bu" , assure-t-il.
Sac introuvable: Jean-Luc va au front
MeFery regrette que les avocats des parties civiles l’aient balayée d’un revers de la main mais pour elle et Me Maudoux, la thèse du sac à main reste la plus plausible. Jean-Luc, énervé, est monté à l’étage pour questionner son frère. « L’incident survient autour de ce sac à main perdu appartenant à Murielle D. (la compagne de Jean-Luc) que l’on va aller chercher de manière tonitruante en haut car on fait grief à Christelle C. (compagne de Bernard) de l’avoir volé » , épingle-t-il. Et Me Fery d’ajouter: « Ça ne dédouane pas Bernard Marchal mais si Jean-Luc ne montait pas ce jour-là, on n’en serait pas là aujourd’hui. »
C’est lorsque Jean-Luc s’avance vers Bernard que ça dégénère, selon la défense. « Cela peut paraître étonnant, mais à ce moment-là, Bernard Marchal panique, affirme Me Fery. Il y a plusieurs explications: les cris et la nervosité inhabituels de Jean-Luc, mais aussi la chute de Bernard un mois avant qui fait qu’il ne se sent pas au maximum de ses capacités puisqu’il a un bras ballant, plégique, quasiment paralysé. Dans un état irrationnel, alcoolisé, Bernard entend son frère monter et craint de ne pas savoir lui faire face. »
Toujours selon la défense, Bernard Marchal prend alors dans la panique un couteau sale sur l’évier et va à la rencontre de son frère. MeFery défend la thèse de l’altercation. Une estafilade et des lésions de contact le prouvent. "Tout va vite et tout est dynamique , dit-elle. Après le coup de couteau, Jean-Luc descend les escaliers, s’effondre, et meurt presque dans la minute."
Une fuite délirante
MeFery estime que l’intention homicide relève de l’appréciation des jurés. Elle ajoute que dans cette affaire, il y a un unique coup de couteau. "Ça vous témoigne une chose: il n’y a aucun acharnement dans le chef de Bernard Marchal. Alors que l’acharnement sert d’habitude à établir l’intention homicide" , indique-t-elle, qualifiant le couteau ayant servi à tuer (d’une lame de 10,7 cm) de "petit couteau".
Quant à la fameuse « scène du steak » (Bernard Marchal qui fuit après le crime, ère en voiture et s’arrête au Café de la gare de Profondeville pour manger un pavé de bœuf avec Christelle S., NDLR), qui a choqué tout le monde, Me Fery estime que c’est la réaction de quelqu’un qui est hagard lors d’une scène apocalyptique. « Sa fuite est délirante. Il est démuni. Il se rend compte de la bêtise qu’il vient de commettre et ne sait pas quoi faire. » J.Do.