Au bout du virage: le deuil d’une famille
Deux personnes nées en 2000 et 1990 sont poursuivies pour entrave méchante à la circulation. Entrave qui a entraîné la mort d’une octogénaire.
Publié le 03-06-2022 à 06h00
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D’un côté, les enfants de la victime et leur papa. De l’autre: deux amis. Leurs vies vont se croiser tragiquement le dimanche 22 septembre 2019, peu après 11 heures.
Alors que le plus jeune suit son ami sur la route qui mène à Loyers, il perd le contrôle de son véhicule dans un virage et percute de plein fouet une Peugeot. À son bord, un couple d’agriculteurs qui vient de quitter son domicile. L’épouse Blondine, qui est passagère, décède avant l’arrivée des secours. Son mari est grièvement blessé. Tout comme le conducteur fautif.
Les deux prévenus sont prêts à reconnaître qu’ils avaient bu. Le plus âgé avait même consommé de la cocaïne la veille. C’est lui qui est d’ailleurs le plus imbibé avec 2,11 gr d’alcool par litre de sang. L’auteur de l’accident mortel en est à 0,73 gr. Au moment de reprendre la route, celui-ci ne se sent pas en état de conduire. Son ami tente de le rassurer et le précède sur la route qui mène à Loyers.
Tous deux réfutent s’être engagés dans une course-poursuite qui va s’avérer être fatale. Leurs véhicules, deux Twingo, affichent près de 30 ans au compteur et ont un moteur de 50 chevaux.
Et pourtant, tant du côté de la partie civile que du parquet, quelques éléments objectifs disent le contraire. À commencer par 3 cyclistes qui croisent la route des deux véhicules. " Ils nous ont frôlés comme pour jouer. La 2e avait l’air de courser l’autre. " Les verbalisants parlent de course. Les vitesses enregistrées se situent entre 70 et 85, à l’entrée du village.
Pas un accident
C’est là que le choc se produit. " J’ai entendu un boum, se souvient le plus âgé. J’ai vu l’accident dans mon rétroviseur. Je suis sorti pour porter secours (Ndlr: à son ami)." Même si la requalification des faits en coups et blessures involontaires ayant entraîné la mort est envisageable, le substitut Gaublomme estime qu’il ne s’agit pas d’un accident. " C’est un comportement volontaire qui est adopté et on accepte les conséquences de cette conduite dangereuse ."
Le plus âgé a déjà écopé d’une suspension probatoire pour une durée de 3 ans pour alcoolémie. Son jeune ami n’a pas d’antécédent. Le parquet demande, pour le conducteur à l’origine du crash mortel, 5 ans sans s’opposer à un sursis probatoire de 5 ans. Trois ans et le même sursis sont requis pour le prévenu né en 1990.
Du côté de la défense du jeune conducteur (alors âgé de 19 ans), on ne peut que compatir à la douleur de cette famille qui a perdu une épouse, une mère. "Mon client a toujours affirmé qu’il aurait dû être à la place de la victime. " Et même si les mots peuvent heurter, il s’agit (pour la défense) d’un accident de circulation ayant entraîné la mort. L’avocat sollicite l’acquittement pour l’entrave et demande une suspension probatoire du prononcé pour son client. Même demande pour le conducteur plus âgé.
Chez le mari de la victime, la douleur est toujours bien présente. Il pleure cette personne qui l’a accompagné au quotidien pendant 55 ans. "J’ai tout perdu" , dit-il.
Jugement le 30 juin.