Namur: ludiques ou bibliques, ces objets qui rappellent la maison aux exilés ukrainiens
Chaque jeudi, « L’Avenir » va à la rencontre des réfugiés ukrainiens de la province de Namur en leur posant une question : « Qu’est-ce que vous avez emporté de plus précieux dans votre fuite ? »
- Publié le 28-04-2022 à 06h00
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Lorsqu’on arrive dans l’appartement qu’Iryna et sa fille Yullia viennent d’intégrer, c’est un petit garçon super-souriant, espiègle et plein de vie, qui vient nous accueillir à la porte.Aux antipodes des préoccupations des adultes, le petit Ilia ne sait pas que c’est à cause de l’offensive russe qui venait de commencer que sa maman Yullia et sa grand-mère ont dû quitter la capitale ukrainienne à la hâte le soir du 24février.
Il ne sait pas non plus que son papa est allé combattre ni quand il pourra le prendre dans ses bras. Comment raconter l’inexplicable à un enfant de deux et demi?Pour lui, "papa est au travail" et il est parti "en vacances" avec sa mère et sa grand-mère.
Il y a maintenant deux mois que le duo mère-fille s’est empressé d’empaqueter le nécessaire pour s’enfuir de l’appartement que la famille occupait à Kiev et échapper aux tirs de roquettes qui se rapprochaient dangereusement. Elles ont attendu la nuit pour embarquer dans la voiture d’un ami, espérant que les bombardements seraient moins intenses et que la première vague de l’exode massif serait déjà passée pour faire la route plus rapidement. Dans un petit village entre Kiev et Lviv (ouest), elles ont fait une halte auprès de membres de la famille puis ont pris le train vers Lviv.
Debout durant tout le trajet et avec le petit Ilia dans les bras tant le convoi était bondé, le voyage fut harassant. Leur périple les a menés jusqu’en Pologne, d’abord à Varsovie puis, au bout de six jours, à Gdansk (nord) où elles ont pu compter sur l’ami polonais d’une connaissance ukrainienne. Elles sont restées quatre semaines dans une bourgade proche de cette ville portuaire avant de reprendre la route pour être accueillie en Belgique. "Un ami est allé les chercher, explique Vladimir, un Belgo-Ukrainien dont nous avions relayé les initiatives solidaires. Iryna est une petite cousine.Elle, sa fille et Ilia sont restés un peu chez nous, à Bouge, avant que je ne leur trouve cet appartement à Vedrin."
Un rêve avant le cauchemar
L’endroit est moderne, cosy et calme.Idéal pour se poser, avoir un peu de répit et permettre à Ilia de retrouver ses jouets, ses dessins animés et une certaine stabilité dans un cocon familial, même si tout le monde n’est pas réuni. "On n’a pris que très peu d’affaires pour nous car le principal était pour Ilia, que ça soit ses vêtements ou ses jouets, relatent-elles. L’important pour lui était certainement d’avoir son jouet fétiche: un camion toupie miniature multicolore qu’il n’aurait fallu oublier pour rien au monde! Il y est très attaché." Ça peut paraître anecdotique mais dans ces moments où il faut tout quitter la peur au ventre, on se rattache à ce qui nous rassure.
Quelques mois avant la guerre, Yullia a rêvé de sa grand-mère décédée. Cette dernière lui disait de ne pas oublier d’emporter un petit triptyque d’icônes religieuses.Un rêve prémonitoire? Toujours est-il que le songe en question prenait un sens tout particulier et que l’objet sacré a également été glissé dans les valises, avec l’espoir qu’il puisse avoir une vertu protectrice.
La peinture, pour s’évader
Même si elles ont retrouvé en Belgique des personnes bienveillantes et un peu de sérénité, les deux femmes ont toujours l’impression de vivre un vrai cauchemar duquel elles vont se réveiller. Une guerre au 21e siècle dans un pays d’Europe, elles ne voulaient pas y croire. En quittant Kiev, elles se disaient que c’était seulement pour trois jours, pensant (et espérant) que les Russes attaquaient certains bâtiments "juste pour faire peur" et qu’ils n’iraient pas plus loin. L’offensive s’est malheureusement étendue à plusieurs villes. Elles ont le sentiment d’avoir été chassées de chez elles et ne peuvent s’empêcher d’éprouver une profonde injustice d’avoir été ainsi déracinées et contraintes de quitter leur famille.
La suite, elles l’imaginent dans leur Ukraine natale et elles attendent patiemment la fin de la guerre.Rester en Belgique? C’est une question qu’elles ne se posent pas pour le moment, ce serait trop radical.Même si le conflit perdure depuis maintenant 64jours, elles veulent rester confiantes et souhaitent retrouver vite leurs proches restés au pays. En attendant, c’est aussi via sa fibre artistique que Yullia s’occupe.Pour qu’elle se sente un peu plus chez elle, son mari lui a envoyé un tableau qu’elle a elle-même peint. Elle vient aussi d’acquérir du matériel pour continuer à exprimer sa passion. Un moyen de s’évader dans l’attente des retrouvailles.