Une Beaurinoise s’est spécialisée dans la restauration des sièges de voiture
La Beaurinoise Mara Seny est artisane certifiée. Elle pratique un art qui est peu pratiqué : le travail du cuir pour habiller des objets.
Publié le 25-04-2022 à 18h16 - Mis à jour le 25-04-2022 à 18h20
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Son atelier est baptisé As de pique. Non, il ne s’agit pas d’une salle de jeu où les cartes règnent en maître. Ici, c’est l’aiguille qui pique pour réaliser des couvertures de cuir à des sièges de voiture, mais pas uniquement.
La couturière taille et coud le cuir pour habiller des objets. Ses clients sont souvent des propriétaires de voitures qui ont de l’âge. Ils font appel à ses services pour rendre une jeunesse au cuir des sièges. Avec ses doigts de fée, elle peut également réparer ou changer les cuirs qui ont été abîmés.
Sur sa carte de visite, il est indiqué qu’elle pratique la sellerie automobile. Par là, il faut comprendre qu’elle restaure les sièges et les garnitures de portière.
Lauréate de la Vitrine de l’artisan
Fière de son métier, Mara Seny participe à la Vitrine de l’artisan. Elle est d’ailleurs l’une des lauréats de l’édition 2022 de ce concours national pris en charge par le SPF Économie. Ce dernier s’adresse aux artisans certifiés. Il y a deux prix à la clé: le prix du jury (3500€) et le prix du public (2000€). Si la Beaurinoise décroche les lauriers, elle investira dans son atelier. Elle procèdera à des travaux.
Au-delà de la récompense, elle s’est inscrite pour défendre les artisans. "Pour moi, c’est important de remettre les artisans au centre de la vie sociale. Ils en ont été écartés", explique-t-elle. Avec les usines délocalisées, ils ont disparu. Des travailleurs ont perdu leur travail et leur savoir-faire n’a pas été remplacé.
Un millier d’artisans certifiés
La disparition des artisans n’est pas sans conséquence. Le marchand n’est plus nécessairement au courant de la qualité de sa marchandise. Il ne sait plus parler vraiment du chemin d’élaboration du produit. Si on n’a plus en face de soi les personnes qui fabriquent, on n’a plus la compréhension du produit en finesse. Le conseil n’est plus vraiment présent. "En Belgique, il y a environ1000 artisans certifiés. Ce n’est pas grand-chose. C’est dommage qu’il ne soit plus au centre des villes." En espérant que ça change un jour.
On le comprend, tout ce qui touche à l’artisan et à son art tient une belle place dans le cœur de la Famennoise. Dans son travail, Mara Seny doit atteindre un résultat bien précis. On n’avance pas à l’aveugle. "Quand je travaille à une restauration sur des cuirs originaux. Il n’est pas question de rater." confie-t-elle. Quand on sait qu’il faut près de 24 heures de travail pour la restauration des deux sièges avant, la concentration doit être toujours de mise.
Des voitures, mais pas que…
La Beaurinoise est amenée à entrer dans de belles voitures, mais elle œuvre également sur des bateaux. Elle en refait parfois l’intérieur. Tantôt il est question de faire de petits travaux; tantôt le chantier est plus long et demande de nombreuses heures de travail. Elle couvre également différents objets. Elle a déjà travaillé sur une longue banquette. "Je me rappelle précisément du nombre de boutons que j’ai dû mettre." Les personnes qui poussent les portes de son atelier ont un travail de rénovation à faire. L’artisane ne reçoit pas des personnes qui viennent par hasard. Seule exception: les journées du patrimoine.
Couture et couture
Travailler avec le cuir ou le tissu n’est pas la même chose. Il ne faut pas réfléchir de la même façon. Le tissu, il y a un fil de chaîne et de trame. Dans le cuir, il faut travailler avec l’élasticité. En regardant le cuir, il faut réfléchir au sens de tension.
D’autre part, il y a une étape de pique, celle où il faut être un as, qui est irréversible. Une fois que l’aiguille a percé la matière, on ne sait plus revenir en arrière. Les trous restent et ne peuvent être cachés en cas d’erreur.
Le travail du cuir est quasi le monopole de la restauration de véhicules anciens. Les sièges des voitures actuelles ne sont pas vraiment conçus pour être réparés. En cas de pépin, on change si la pièce existe encore. Au fil des demandes, Mara Seny a été amenée à entrer dans des voitures prestigieuses. "Mais la voiture, ce n’est pas ma passion…" explique-t-elle. Elle ne voit que les sièges.
De la solitude
En Belgique, il n’y a pas de formation en sellerie automobile. On peut trouver uniquement les informations auprès des gens qui les partagent. Et en cas de problème, on ne peut se tourner vers... personne.
Un hasard qui s’est imposé
Jeune fille, Mara Seny ne rêvait pas de faire ce métier. Elle y est arrivée progressivement, au fil de ses formations. Au départ, elle a suivi la filière graphiste. Sitôt celle-ci terminée, elle a embrayé sur une spécialisation en image de synthèse. Après ses études, elle a goûté aux reconstitutions historiques. Elle s'est plongée dans le Moyen Âge. Elle a ainsi appris à coudre et faire ses vêtements. Ceux-ci ont été créés à partir des enluminures. Elle fabrique d'après ce qu'elle voit sur les représentations.
Tout doucement, les ingrédients du métier se sont mis en place. À cela, il faut ajouter les beaux-arts durant plusieurs années.
L’étincelle est arrivée un jour où un garagiste lui a proposé de réparer un siège.