Auvelais : cette maison était la planque des terroristes islamistes
Auvelais surgit de manière sporadique dans les débats en cours au procès des attentats de Paris. Les terroristes ont séjourné dans une modeste maison de la rue Radache entre octobre et novembre 2015.
Publié le 13-04-2022 à 17h17 - Mis à jour le 14-04-2022 à 11h10
/cloudfront-eu-central-1.images.arcpublishing.com/ipmgroup/OE7OKQG43BFYVEDCH6R4UWGWNA.jpg)
La petite maison de briques n’a guère changé entre octobre 2015 et aujourd’hui. Excepté ses occupants, qui ne sont plus des islamistes radicaux en cours de préparation d’un attentat, mais un couple de locataires ordinaires. "Le passé de cette maison, on ne s’en soucie pas trop , souligne le locataire actuel, c ela ne nous a pas empêchés d’y habiter ces quatre dernières années. On n’est pas vraiment sensible à l’histoire de ses murs, quelle qu’elle soit. "Pourtant, si ces murs pouvaient parler, ils nous éclaireraient sur la préparation des attentats du 13 novembre 2015 à Paris. Ce logement a servi de planque aux terroristes pour planifier leurs macabres desseins. Une planque de courte durée, rapidement éventée, contrairement aux autres. En effet, c’est plus complexe de passer inaperçu dans un paisible quartier résidentiel d’Auvelais que dans une tour d’immeuble de Schaerbeek ou Charleroi.
Devant la cour d’assises de Paris, les enquêteurs belges sont revenus sur le rôle de cette planque louée entre le 7 octobre et le 26 novembre 2015 par Najim Laachraoui, décédé le 22 mars 2016 dans l’attentat à Zaventem. Laachraoui "présentait bien, style informaticien" aux dires du propriétaire de la rue Radache. Il avait donné 6400 € en liquide afin de couvrir deux mois de loyer et l’achat d’une partie du mobilier. Lors d’une visite préalable, le 30 septembre, Laachraoui s’était arrêté sur le taux d’humidité dans la cave.Une attention pas anodine, car la poudre explosive TATP, "la mère de Satan" comme la surnomment les djihadistes, requiert des endroits secs.
Des locataires peu discrets
Au cours de l’occupation, les terroristes ont attiré l’attention du voisinage. Une voisine a rapporté au propriétaire que ses locataires se comportaient comme " des musulmans purs et durs" . Ils ont aussi déchargé de nombreux matelas, pour loger la triste bande, et occulté les fenêtres avec des rideaux. Dans la cave, la lumière était tout le temps allumée, trop souvent. C’était louche.
Un cousin du propriétaire et voisin de la planque d’Auvelais a même discuté avec Najim Laachraoui, le 21 octobre.Celui-ci lui a raconté qu’il travaillait dans l’import-export de marchandises dans les provinces de Hainaut et Namur.
Ces attitudes ont éveillé l’inquiétude du propriétaire qui a contacté la police. Une perquisition est menée le 26 novembre, soit 13 jours après les attentats de Paris. Cette opération policière a davantage marqué le voisinage que l’occupation clandestine. À l’image de cette voisine, qui a conservé toutes les archives de ce jeudi de perquisition. "La police avait demandé aux voisins proches de la planque de tirer les rideaux et ne pas rester aux fenêtres, voire de se réfugier à la cave le temps de la perquisition." La rue est restée bloquée plusieurs heures, pour laisser travailler les agents cagoulés des unités spéciales de la police fédérale.
Une volée d’ADN
Lors de son audition par la Cour d’assises de Paris, un enquêteur est revenu sur cette descente de police. "On n’avait pas la certitude que la maison était vide. La visite s’est faite avec les forces de l’unité spéciale. " Un chien renifleur d’explosifs était aussi de la partie. " Aucun produit explosif n’a été retrouvé sur place ."
On y retrouvera surtout des traces ADN: celles de Laachraoui, le loueur. Celles d’Osama Krayem ainsi que Sofien Ayari,tous deux dans le box des accusés du procès de Paris et de celui, à venir, de Bruxelles. Sur une brosse à dents rose, on retrouvera aussi l’ADN d’Omar Darif, considéré comme le principal artificier des attentats.Il avait quitté la Belgique la veille des attaques et aurait été tué en Syrie lors d’un raid aérien en juillet 2017. La police distinguera aussi sur une taie d’oreiller l’ADN de Mohammed Belkaïd, décédé lors d’une perquisition musclée à Forest, au cours de laquelle Salah Abdeslam et Ayari sont parvenus à prendre la fuite par les toits.L’enquête a aussi permis d’établir la présence de Mohamed Bakkali ainsi que Ibrahim El Bakraoui (décédé lors des attentats du 22 mars). Soit, du beau monde est passé dans le quartier.
Cette petite maison de briques a donc une histoire, malgré elle. Et au grand dam de son propriétaire. Celui-ci a déménagé vers Bruxelles avant ce triste épisode. Il a quitté la rue Radache suite à la fermeture de l’usine auvelaisienne de Saint-Gobain, où il était employé. "Maintenant, cela va mieux. Mais il y a quatre ans, quand nous venions d’emménager, les gens s’arrêtaient pour scruter la maison. Et des photographes et cameraman venaient de temps en temps prendre des images" conclut le locataire.