EN IMAGES | Le Namurois Vincent Zabus sous le chapeau de Magritte
Le 15 août, le monde artistique pensera à Magritte. Il y a 50 ans, le peintre disparaissait. Vincent Zabus le fait revivre, plus que jamais.
Publié le 09-08-2017 à 18h04
Faut-il vraiment faire une biographie de Magritte quand son œuvre parle pour lui? Certainement pas. Déjouant les plans du biopic, le Davois Vincent Zabus a tiré profit d’une septantaine d’œuvres de René pour en faire une bande dessinée «hommage» et universelle à quatre mains avec l’Italo-Australien Thomas Campi. Interview.
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Bonjour Vincent, comment avez-vous atterri dans le ciel de Magritte?
L’idée n’est pas de moi mais de mon éditrice. Bien sûr, la proposition me plaisait, mais pour la concrétiser, il me fallait une clé visuelle, plus forte que la simple bio.
Et vous l’avez trouvée?
Après réflexion, je suis tombé sur le fameux chapeau-melon. Un élément qui retiendrait notre héros prisonnier de l’univers de Magritte, qui mélangerait son œuvre et sa vie. Il fallait trouver les idées et concepts qui soient les plus propres au Neuvième Art: écraser l’image avec les mots, par exemple. Magritte n’avait aucune approche analytique. Il avait son caractère et il ne voulait pas expliquer ses œuvres. Pourquoi l’aurais-je fait? Magritte, c’est un mystère irréductible qui nous échappe.
C’est là que le dessinateur entre en jeu.
Thomas Campi m’a naturellement rejoint sur ce projet, notre quatrième ensemble. Magritte est son peintre favori et j’ai pensé l’album en fonction du dessin, sans encrage pour le coup.
Pour moi, ce fut une partie de ping-pong; pour Thomas, cela revenait plus à une partie de jazz. Je pense en atmosphère tandis que Thomas réfléchit en couleurs et en lumière.
On joue aussi de l’accent wallon prononcé de Magritte, on a essayé de le rendre en BD.
Vous connaissiez Magritte?
Oui, quand j’étais prof, j’en parlais à mes élèves. Une vision académique, scolaire. J’avais certaines images en tête, bien sûr… Mais c’est une véritable plongée dans l’univers de Magritte qui s’offrait à moi, avec cette BD, une mise en abyme. Je ne devais être ni didactique, ni explicatif. Le contrat passé avec le lecteur était de lui donner le minimum d’infos. Je devais laisser venir et utiliser les contraintes de l’œuvre en BD, du surréalisme. Je devais mettre de côté ma volonté et rester vivant jusqu’au bout, savoir où et quand j’utiliserais les œuvres. Notamment du point de vue du langage. En prenant les expressions au pied de la lettre, par exemple.
Tout en sachant s’arrêter, non?
Oui et non. Ce processus allait plus loin que la mouture finale du scénario, il y a encore eu des changements en cours de route. Comme au théâtre, tout a bougé jusqu’au bout, jusqu’au rideau. La trame était là mais des scènes ont changé de place.
Cet album, c’est aussi l’histoire d’une métamorphose?
Oui, notre héros porte très mal son nom «Singullier». Cet homme est d’une banalité! Et pourtant, son aventure va lui faire perdre un «l» et l’amener à devenir «Singulier».
Comment êtes-vous arrivé dans la BD? Votre passion, c’est plutôt le théâtre, non?
Non, j’ai toujours voulu faire de la BD, c’était mon objectif. Mais pour y arriver, il me fallait un plan d’attaque et j’ai pris le premier stage que j’ai vu, à Namur en Mai. Le Magic Land Théâtre a bien voulu m’engager et je suis devenu pro au théâtre avant de l’être en BD où ce fut plus… difficile. Ma première histoire courte, le rédacteur en chef de Spirou, me l’a prise par pitié.
Un jour, j’ai voulu arrêter les frais, me consacrer uniquement au théâtre. Et c’est à ce moment-là que les premiers projets ont pris vie.
Le fait d’être passé par le théâtre a-t-il changé votre manière d’envisager la bande dessinée?
Sur scène, on se rend vite compte quand c’est mal écrit. J’ai puisé dans l’instinctif, le ludique, l’enfantin aussi. Et c’est sans doute pour ça que ça a marché en premier au théâtre.
Les bénéfices du vélo…
De son domicile au QG des Zygomars à Flawinne, il n'est pas rare que Vincent Zabus prenne son vélo, de quoi s'aérer et de piquer des idées au vent du halage. C'est de cette manière qu'est arrivé le fil rouge de son évocation de Magritte. Une idée de génie tout de suite consignée dans le précieux carnet de l'homme de théâtre et scénariste. Heureusement, il n'a pas dû s'arrêter dans une montée.
Quant à l'écriture de ses scénarios, par contre, Vincent troque le vélo contre les bulles de son bain bien chaud. Enfin, au début…
Spirou dans les cartons
Côté projets, Zabus en a en pagaille. «Je me suis écrit un solo, pour le jeune public et avec des marionnettes.» Une première a eu lieu au Festival «Découvrez-vous» de Bois-de-Villers. Un joli succès.
En matière de BD, l'auteur touche-à-tout n'est pas en reste. «Il y a toujours un one-shot Spirou pour lequel je retrouve Renaud Collin (NDLR. l'auteur des Minions et du Monde selon François). L'album est sur les rails. Spirou se retrouvera dans le climat de l'expo 58. Bref, l'agenda de celui qui écrit en hiver (pour mieux se consacrer au théâtre et aux arts de rue en été) est bien rempli.
«Magritte, ceci n’est pas une biographie», Le Lombard, 64p.