Saint-Gérard : de rouge d’or et de fusions
Grzegorz Gurgul ouvre ce week-end son atelier de fusion du verre. Qu’il coule à l’ancienne, à la façon des artisans verriers du Moyen-Âge.
Publié le 17-11-2012 à 07h00
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Dans cet atelier noyé dans la pénombre, où trône un four ressemblant à une maisonnette pour grandes poupées, on ne voit qu’eux: deux pleines lunes roses, étranges, faisant effet. Elles sont signées de cet artisan trentenaire d’origine polonaise, Grzegorz Gurgul. Lui, il ne souffle pas le verre, ne le cueille pas avec une canne. Son truc à lui, c’est de le porter à fusion, le couler et en tirer des dalles épaisses et des disques à haute valeur décorative, proches de l’épure.
Ces gros morceaux de verre brut, il les obtient à partir de sable (la silice) et de fondants telles que la soude, la potasse, la chaux, qui permettent d'abaisser le point de fusion de la silice autour des 1400-1500 degrés. Pour les proportions, cela donne 40% de sable et 60% de fondants. Le verre obtenu sera ensuite mûri, ou affiné, dans un four à 1500 degrés pendant une dizaine d'heures. Puis extrait de celui-ci dans un creuset (un récipient), déversé et coulé sur une table en fonte préchauffée. «Le verre explique l'artisan, ressemble alors à un miel visqueux ». Le processus de fabrication s'étend sur une durée variant de 10 à 24 heures. Le refroidissement quelques jours.
Tous les verres de Grzegorz sont colorés, des couleurs obtenues par mélange d’oxydes métalliques, fer, cobalt, cuivre et manganèse. Cette technique permet de les colorer à l’infini.
L’oxyde de fer donne des verts olives voire des bleus. L’argent donnera du jaune tandis que le rouge résulte d’un ajout d’or fin (24 carats) préalablement dissout. Ce sel d’or mélangé au sable donnera un rouge magnifique. Les bleus, il les obtient au cuivre, selon des dosages et des températures bien définies.
Sitôt le verre coulé sur la table, l’artisan dispose d’une minute pour se saisir de la dalle et la replacer dans un four de re-cuisson, où elle va se détendre progressivement. De cette lente gestation naissent des vitraux ou des objets de décoration design.
Sur le bureau, le carnet ouvert, noirci de formules de composition, ressemble à celui d'un inventeur. Selon le dosage des ingrédients et des substances (de base et fondants), il fait changer les couleurs du verre. Entre les compositions soudique ou potassique, laquelle préférez-vous? «C'est vrai qu'il faut être un peu au fait de la chimie. J'ai approfondi beaucoup de traités de verreries, de l'Antiquité au Moyen-Âge. J'ai un bagage ». Spécialisé, l'artisan, qui vit de son métier, n'a pas de concurrents.
L'artisan a commencé à tâter du fer et du verre dès l'âge de 16 ans, aux côtés de compagnons du devoir. Il a ensuite étudié l'histoire de l'art et dédié le thème de sa maîtrise aux colorations dans le vitrail médiéval. «Mon four est chauffé à l'ancienne, avec du bois, comme au Moyen-Âge , et chargé toute la journée afin de maintenir le feu à une température de 1500 degrés» dit-il. Pour la nuit, il ferme la cheminée. Le four, devenu hermétique, est mis en veille, la chaleur emprisonnée à l'intérieur.
La technique de fabrication de la dalle de verre n’est apparue, elle, qu’au 19e siècle, car elle fait appel à des fours de re-cuisson qui n’existaient pas à l’époque des châteaux forts et des manants.
Il retravaille ensuite les dalles au diamant, afin d’enrichir la gamme chromatique. Quand la lumière du jour les traverse, ces dalles prennent alors la couleur merveilleuse de gros bonbons.
«Le verre permet d'obtenir les couleurs du spectre de nuit (à l'opposé de celui de l'arc-en-ciel), de l'infrarouge à l'ultraviolet. Seul le verre, lié au chlorure d'or, permet de les rendre visibles » conclut l'artisan. L'une d'elle porte le joli nom de l'incarnat.
Ces sam et dim, l’artisan, qui fait partie de l’Office des métiers d’art, ouvre son atelier dès 9 h le matin, place de Brogne à Saint-Gérard. 071/32 77 31. Accès par la ruelle à l’arrière. Suivre les panneaux. À 11 h 30 et 17 h 30, il fera démonstration d’une coulée de verre.