Une Belge sortie de l’enfer du crack à Paris: l’ancienne toxico prostituée témoigne (vidéo)
À 15 ans, la jeune Belge Laurie Moucheron a fui sa famille, fait la manche sur les trottoirs parisiens et vendu son corps pour se procurer quelques galettes de crack. Six ans plus tard, aujourd’hui jeune maman de deux enfants, l’ancienne toxico raconte sa descente aux enfers mais surtout sa résurrection dans un livre.
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- Publié le 18-03-2022 à 08h30
Pendant des années, elle a vécu sur une butte de terre, au sein de la colline du crack, cet endroit précaire bien connu des toxicomanes parisiens situé au bord du périphérique. Dès ses 15 ans, elle a fui la Belgique et un passé douloureux pour s'y installer. Elle ne supportait plus "les viols de mon père et les coups répétés des nouveaux compagnons de ma mère".
Au milieu des rats, des détritus et des excréments, elle y poursuit sa vie. "J'y avais fabriqué une petite cabane avec des palettes et une bâche. J'y avais installé un tapis, un vieux fauteuil et mes peluches."
Sa seule obsession, se procurer des galettes de crack. Alors, Laurie enchaîne la manche dans les beaux quartiers, des passes sur le périphérique "ou sur les Champs-Élysées quand je suis de bonne humeur", ou encore des vols à la tire... Après quatre années de consommation à haute dose, de ses 15 à ses 19 ans, Laurie y met un terme. C'était il y a deux ans. Car elle y rencontre l'amour, "le vrai" dit-elle, avec un dealer qui a lui aussi arrêté, "par amour". Il lui donnera deux beaux enfants. "Avec eux, je me découvre tendre et délicate." Sa plus belle réussite, loin de son enfer parisien.
Pour se consacrer à sa propre famille, Laurie est revenue vivre à Soignies, dans le Hainaut, chez sa maman. Dans l’attente de trouver une maison pour y élever sa petite famille.
C’est à l’âge de 15 ans quand j’ai suivi des amis SDF à Paris que je découvre le crack. J’ai tout de suite aimé...
À quel âge avez-vous commencé à vous droguer?
J’ai très vite commencé à fumer du shit. J’avais 12 ans, je fumais devant ma mère. Puis, j’ai commencé à consommer un peu de tout, dans des squats en Belgique avec des punks à chiens. À 13 ans, je me droguais pour faire comme eux: valium, alcool, coke, héroïne. Mais, c’est à l’âge de 15 ans quand j’ai suivi des amis SDF à Paris que je découvre le crack. J’ai tout de suite aimé vraiment très fort. J’avais l’impression que je gérais le truc, mais pas du tout en fait.
Pourquoi avez-vous fui en France?
J’ai toujours connu la violence à la maison. Tout d’abord, j’ai subi des attouchements de mon père à partir de l’âge de 2 ans et demi, puis des viols vers 6 ans. Ma mère a mis du temps à me croire, elle pensait que j’avais entendu ça dans un film. J’ai insisté, elle a alors compris que c’était la vérité. Elle a porté plainte, mais je n’ai jamais été crue. L’enquête a été bâclée et classée sans suite. Et puis j’ai vu maman se faire tabasser par ses différents compagnons. À 7 ans, elle m’a envoyée en internat. J’ai toujours manqué de l’amour de ma mère. Toute ma jeunesse a été rythmée par les centres et les fugues. Après quelques mois à la maison, où j’étais revenue après une énième fugue, ma mère m’a flanquée à la porte, avec mon élevage de cinquante rats et mon chien Nirvana. J’ai mis les cages de mes rats dans un Caddie, tiré par mon chien, et je me suis barrée dans un squat. J’avais 15 ans. Et j’ai commencé à consommer un peu de tout.
Comme j’étais mineur en fugue, je ne pouvais pas demander de l’aide aux gens. À chaque fois que tu fais confiance à quelqu’un, on te dénonce.
Vous auriez pu vous en sortir en demandant de l’aide. Pourquoi avoir sombré là-dedans et être partie à Paris?

À l’époque, je n’avais que ma maman. On ne s’entendait pas. Elle préférait ses mecs à moi, elle me mettait dans des centres. À un moment donné, je n’en pouvais plus et je suis partie pour de bon en suivant dans leur délire des amis, des gens du voyage, des drogués... Et j’ai déliré aussi. J’ai dormi dans le métro, car il fait froid la nuit. Un endroit que je connais par cœur. Et comme j’étais mineur en fugue, je ne pouvais pas demander de l’aide aux gens. À chaque fois que tu fais confiance à quelqu’un, on te dénonce.
Vous y avez laissé une partie de votre âme et presque votre peau...
J’ai failli mourir plusieurs fois chaque jour. Un client a déjà été hyper violent avec moi, en me tabassant. Le lendemain, on va essayer de me planter. Un autre jour, c’est un dealer à qui je dois en crédit qui m’a frappée… Et puis j’ai assisté au meurtre d’une prostituée, qui a été violée et tabassée.
Aujourd’hui, je pense à mes enfants. Je n’ai pas envie qu’ils soient placés.
Aujourd’hui, vous vous en êtes sortie, mais avez-vous peur de replonger?
Les gens sont méchants et disent que je vais replonger très bientôt. Mais je ne retournerai pas là-dedans. Je pense à mes enfants. Je n’ai pas envie qu’ils soient placés.
Pourquoi avez-vous décidé d’accoucher de votre expérience dans un livre, Laurie et la colline aux mirages?

C’est une vengeance personnelle envers ce qu’a fait mon père. Aussi envers l’État, qui ne m’a pas cru. J’ai l’impression que les ficelles qu’on m’a mises sur la bouche, je les ai enfin cassées. Ça m’a libéré la parole. Oui, j’ai subi de l’injustice, mais non je ne suis pas folle. Avoir écrit ce livre est libérateur, en fait. C’est une page qui se tourne.