Le personnel de l’ALE de Mons dénonce les difficultés financières de la structure et l’attitude “tyrannique” du président : une plainte va être déposée
L’auditorat du travail va être saisi du dossier par Opaline Meunier, nouvelle administratrice au sein du CA.
- Publié le 16-09-2023 à 09h01
C’est un personnel inquiet pour son avenir et à bout de nerfs que nous avons rencontré. Ceux-ci ont épinglé la situation financière de l’Agence Locale pour l’Emploi (ALE) de Mons et évoqué les “difficultés relationnelles” rencontrées face au président du conseil d’administration (CA), Stéphane Bernard (PS), par ailleurs échevin à la ville de Mons.
Se sentant démunis après avoir, durant plusieurs années, tiré la sonnette d’alarme – y compris auprès des syndicats, sans obtenir de réaction -, les travailleurs se sont finalement tournés vers Opaline Meunier (Mons en Mieux). Cette dernière vient de faire son entrée au CA alors que son groupe n’y était plus représenté depuis… 2021. Elle entend déposer plainte auprès de l’Auditorat du travail.
”Aujourd’hui, c’est la pérennité même de l’ALE qui est menacée”, soutient Opaline Meunier. “L’agence n’a pas vocation à être bénéficiaire mais elle se doit d’être à l’équilibre.” Selon les données de la Banque Carrefour des Entreprises, à l’exercice fiscal 2022, un peu plus d’un demi-million de pertes était enregistré.
Des recommandations qui ne seraient pas prises en compte
”Cette situation n’est pas neuve mais elle s’est aggravée au fil des années, du fait de mauvais choix, notamment l’achat d’un bâtiment totalement démesuré et véritable gouffre financier à Havré, d’une dette de 320 000 euros à envers l’ONSS ou encore de non-décisions qui s’imposaient pourtant pour remettre la structure à flot.” La direction et le comptable de l’agence ont, selon nos informations, alerté le président à plusieurs reprises afin que des solutions soient trouvées.

La suppression de la centrale de repassage, déficitaire, aurait notamment permis de réaliser des économies, sans pour autant toucher à l’emploi. “Ce qui a été recommandé, c’est de ne maintenir que les titres-services qui, eux, fonctionnent. Mais le président semble préférer maintenir la centrale et tenter de privatiser l’activité de titres-services en cherchant un repreneur… C’est incompréhensible.”
D’autant qu’un vote à l’unanimité a été acté lors du dernier CA afin que tout soit fait pour préserver l’ALE. “Devant témoins, Stéphane Bernard n’a pas hésité à dire qu’il continuerait à chercher “en sous-marin” un repreneur potentiel. C’est aller contre la décision du CA. Il n’a pas été mandaté pour cela et outrepasse ses fonctions !”, estime l’administratrice.
Et de poursuivre : “Le personnel est inquiet mais surtout, il ne supporte plus l’ambiance de travail dans laquelle il évolue. J’ai rencontré des personnes qui sont là depuis des années, qui ont 40 ou 50 ans et qui étaient en pleurs en évoquant certaines choses. Stéphane Bernard fait régner une ambiance délétère, crie, tape du poing sur la table, se permet de dire aux travailleurs “tais-toi” ou encore “assis !” Ce n’est pas acceptable !”
"Nous n'en pouvons plus"
Toujours selon les témoignages recueillis, le droit à la déconnexion ne serait pas non plus permis. “On est appelé pendant nos soirées, nos week-ends, peu importe l’heure”, nous explique une travailleuse. “J’ai connu plusieurs présidents mais jamais la situation n’avait été à ce point catastrophique. Il s’octroie tous les droits, cherche visiblement à nous mettre en faillite, n’a jamais un mot sympathique ou un encouragement. Nous n’en pouvons plus et réclamons sa destitution, ni plus ni moins.”
De son côté, Opaline Meunier n’entend pas en rester là. “Je ne peux pas faire autrement que de signaler les faits à l’auditorat du travail. Le personnel ne peut pas continuer de la sorte.” D’autres faits passés – l’engagement d’au moins deux personnes sans procédure ni entretien ou encore le non-respect des règles élémentaires de prévention durant la crise sanitaire – seront également dénoncés. Un courrier sera également adressé à l'ensemble du CA par l'administratrice, l'administrateur-délégué (sur quota PS) et le vice-président.
”Je m’inscris en faux sur ces accusations”
Les propos tenus par les travailleurs à son encontre, Stéphane Bernard (PS) ne peut les entendre. “Toutes les personnes qui me connaissent savent que je suis quelqu’un de poli, de courtois, que je suis très empathique et que je reste à l’écoute, dans le respect des autres”, insiste-t-il. “J’ai toujours dit et redit que je restais disponible si l’un ou l’autre souhaitait discuter. Je ne peux que m’inscrire en faux contre ces propos. Je n’ai jamais adopté de comportement tyrannique dans le cadre de mes fonctions.”

Le président de l’ALE ne nie en revanche pas la situation “compliquée” de l’agence. “Il existe des organes de décision au sein desquels on discute de ce genre de choses. L’objet de ces discussions est par ailleurs couvert par le huis clos : je me réserve de ce fait le droit d’aller en justice si je constate que cela n’a pas été respecté. Pour le reste, je ne peux que dire que ma priorité absolue, c’est la situation des travailleurs. Cette thématique est abordée au conseil d’administration mais également avec les syndicats.”
Et d'ajouter : "Je trouve un peu facile de tirer à boulets rouges sur le président. Je ne suis justement que président, pas directeur ; je ne suis pas là quotidiennement, je ne fais pas tourner la structure. Je suis mécontents de la façon dont l'agence fonctionne en ce moment, ce n'est pas un secret. Mais ce qui me préoccupe et me préoccupera toujours, ce sont les travailleurs." Des contacts seraient cependant bien pris avec de potentiels repreneurs. “Ils sont informels et doivent nous permettre de savoir quels leviers peuvent être actionnés en cas de besoin. Rien n’est fait, je m’en tiens aux décisions prises au sein du CA.” Il reviendra probablement à la justice de faire la lumière sur les accusations dont le président fait partie.