À la rue après 15 nuitées à l’abri de nuit?

Une ASBL montoise de soutien aux publics précarisés fait polémique suite à une publication choc, partiellement inexacte. Le président s’explique.

Ugo Petropoulos
À la rue après 15 nuitées à l’abri de nuit?
Cette communication de l’ASBL Anges fait polémique à Mons. ©Facebook/ Anges de Mons

Après 15 jours passés à l’abri de nuit, un SDF doit retourner à la rue et n’a plus droit à l’hébergement collectif durant un mois. C’est ce qu’affirme une publication Facebook des Anges de Mons, une ASBL active auprès du public précarisé. Cette publication suscite le débat et excède les autorités communales.

«La réalité est toute autre», indique la Ville de Mons dans un communiqué. Certes, il existe une limite de 15 nuits, validée par la Région wallonne et le Conseil de l’Action sociale. «L’objectif d’un abri de nuit est de sortir ses usagers de leur situation de sans abri en trouvant la solution la plus adaptée à leur situation.» Pour que ce travail soit le plus proactif possible et que la collaboration soit maximale, cette limite a été validée.

Mais elle ne s’applique pas d’office. «La limite de 15 nuits ne s’applique que dans le cas où les personnes accueillies à l’abri de nuit refusent de collaborer avec leur(s) assistant (es) social (es), que ce soit au niveau du suivi social, de la recherche d’un logement permanent via l’atelier recherche logement, ou toutes autres démarches de réinsertion qui lui sont proposées.»

Si des démarches sont entamées par la personne sans abri, elle ne doit donc pas craindre de ne plus avoir accès à l’abri de nuit. La limite de 15 jours doit être motivée par une absence d’engagement de la part du bénéficiaire. Ce que ne précisait pas la publication des Anges de Mons, jugée calomnieuse par le Collège communal et «incriminant l’institution (le CPAS) et l’ensemble des 750 agents qui y travaillent au quotidien.»

Viser le système, pas les agents

Mohammed Aftouh, fondateur des Anges de Mons, se défend d’avoir voulu salir l’institution et ses agents, «qui font un travail remarquable», insiste-t-il, «je me suis excusé auprès de ceux qui se sont sentis mis en cause.»

Mais il nie également avoir répandu une fausse info sur les réseaux. «Cette exclusion de 15 jours des abris de nuit, elle existe», indique-t-il, et elle est appliquée, image d’une notification de fin de séjour à l’appui.

Certes, mais généraliser un cas particulier dont on ne connait rien, n’est-ce pas déformer la réalité? «Je ne m’embarrasse pas du pourquoi et du comment, je n’ai pas à juger cette personne qui s’est retrouvée à la rue. Ce que je voulais faire passer comme message, c’est qu’un système, qui existe partout en Wallonie, permet d’exclure des personnes d’un abri de nuit pendant un certain temps. Mais je ne visais ni les travailleurs sociaux, ni l’institution du CPAS», insiste-t-il.

Pris dans une lutte politique?

Un CPAS où il est impliqué depuis deux mois puisqu’il y siège comme conseiller de l’action sociale, pour le groupe Mons en Mieux. Depuis, sa communication fait tiquer.

«Depuis la création de l’ASBL (en novembre 2018 NDLR), on s’emploie à rendre visible l’invisible.»

La page Facebook de l’association regorge de photos de collectes, d’actions, mais aussi de bénéficiaires et de SDF. «On leur demande toujours leur autorisation», souligne Mohammed, qui affirme vouloir mettre le grand public face à la précarité. «On veut choquer, faire prendre conscience que ça existe, montrer que des gens vivent dans la misère.»

Mais voilà, en acceptant un mandat de conseiller de l’action sociale, Mohammed Aftouh entre dans une autre dimension, où les codes en vigueur se heurtent à ceux qu’il utilise au sein de son ASBL. Dans la majorité PS-Écolo, on lui reproche de relayer publiquement des dossiers qui devraient se traiter dans la discrétion.

«Nous regrettons ce genre de pratiques qui n’aident pas l’action sociale et ne servent que des intérêts purement privés et/ou politiques sur le dos de personnes en situations de précarité», tacle encore la communication de la majorité.

Mohammed, lui, a plutôt l’impression d’être pris dans un jeu politique. «Il y a deux partis qui s’attaquent (PS et Mons en Mieux) et moi je me retrouve au milieu de ça, comme un pion au cœur de leur guéguerre», déplore-t-il.

Choisi par Georges-Louis Bouchez, à qui la notoriété du fondateur des Anges de Mons n’a évidemment pas échappé, il est devenu tant une arme pour l’opposition qu’une cible pour la majorité. Et en deux mois, il s’est déjà retrouvé au cœur de deux polémiques.

Démissionner du CPAS? «C’est une option!»

S’il reconnait que sa communication peut se heurter aux règles et au devoir de discrétion d’un conseiller de l’action sociale, il assure que c’est plus par ignorance que par dessein politique. «Je ne connais pas les règles, je l’avoue. Moi je suis un agent de sécurité, représentant syndical, ancien sans papier et ancien SDF. Je n’ai jamais fait de politique.»

Et ses débuts au Conseil de l’Action sociale ne l’encouragent pas en faire, au point d’envisager une démission.

«C’est une option. Si on me demande de choisir entre l’ASBL et le Conseil de l’Action sociale, je n’hésiterai pas. L’ASBL, c’est mon bébé, c’est 70 bénévoles et je préfère 100 fois être sur le terrain que d’assister à des réunions où l’on me demande de voter oui, non ou abstention. Je suis allé au Conseil de l’action sociale pour m’exprimer, partager des idées. Si on ne m’écoute pas, j’arrêterai. Humainement, ça ne me rapporte rien.»

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