«J’habite à 200 mètres du pharmacien et je prends ma voiture parce que je n’ose plus aller avec mon scooter médical»
Prendre sa voiture pour un déplacement inférieur à un kilomètre, c’est le comble de l’absurde. Mais certains n’ont pas le choix, comme Jacques. Personne à mobilité réduite, il risquerait sa vie en faisant autrement et lance un appel aux autorités locales.
Publié le 24-02-2021 à 16h07
/cloudfront-eu-central-1.images.arcpublishing.com/ipmgroup/UHTLB3JNBJE5BDKF3HIU4BAZAA.jpg)
Il y a deux ans, Jacques Gilon assistait à une scène qui l’a marqué: un homme sur un scooter électrique médicalisé roulait sur la chaussée très fréquentée entre Jemappes et Mons, en plein milieu de la circulation.
«Cela m’a fortement interpellé. Il a dit qu’il devait rouler sur la chaussée parce qu’il n’avait pas d’autre choix.» Si cette situation est dangereuse, elle n’a rien d’exceptionnel: Jacques l’a déjà vue ailleurs et lui-même, en tant que personne à mobilité réduite, s’est parfois mis en danger pour se déplacer.
«Pour me rendre chez le pharmacien, je dois, avec mon scooter électrique médical, traverser l’avenue Joseph Wauters en dehors du passage piéton parce que celui-ci a des bordures infranchissables.»
Un risque qu’il ne veut plus prendre: «J’habite à 200 mètres du pharmacien, je prends ma voiture parce que je n’ose plus aller avec mon scooter médical.»
Entre 30 000 et 40 000 Montois concernés?

Cette situation de dépendance ne le satisfait pas. Jacques décide alors de former un groupe de réflexion autour de la question de la mobilité des PMR à Mons. Combien, circulant avec une chaise roulante, une tribune, une canne, voire un landau avec un bébé, sont-elles obligées de se mettre en danger pour effectuer des déplacements du quotidien?
À Mons, elles sont potentiellement 38 000, considérant que 40 % de la population est à mobilité réduite en Belgique, selon l'ASBL Passe-Muraille. Jacques et son groupe se documentent et élaborent un mémorandum détaillé sur l'accessibilité aux PMR de la ville de Mons.
Et le constat n’est pas glorieux, comme en attestent «les trottoirs trop étroits ou même inexistants, les hautes bordures interdisant l’accès aux chaisards, les rues dans un tel état que la marche y est aussi difficile sur le trottoir que sur la chaussée, la vitesse excessive des voitures y compris dans des zones 30 ou zones de partage à 20 km/h… Sans parler des voitures parquées sur le trottoir qui sont des obstacles absolument incontournables.»
Se voir refuser cette autonomie par un aménagement de l’espace public inadapté est constitutif d’une violence symbolique.
De quoi rendre impossible une mobilité autonome, malgré les moyens techniques à disposition. Cette impossibilité de sortir de chez soi sans assistance peut entraîner l’isolement de ces personnes et une souffrance.
Certes, «de nombreuses bonnes volontés offrent leur aide à ces personnes, mais que ne donneraient-elles pas pour faire seule, sans dépendre de qui que ce soit? Se voir refuser cette autonomie par un aménagement de l’espace public inadapté est constitutif d’une violence symbolique.»
Prioriser les PMR
Mardi dernier, Jacques a interpellé le conseil communal sur la question, notamment sur l’application du principe STOP, qui hiérarchise les priorités pour l’aménagement de l’espace public en plaçant piétons et PMR assimilés en première place, devant les cyclistes, transports en commun et voitures privées.
S‘il reconnaît une volonté de la majorité d’améliorer les choses, Jacques Gilon et son groupe veulent profiter du débat autour du plan communal de mobilité et demandent aux instances d’«instamment d’intégrer réellement ce principe STOP dans toute décision.»
Des budgets spécifiques pour des aménagements PMR
Message reçu du côté de l’échevine de la Mobilité Charlotte De Jaer, qui reconnaît que Mons «vient de loin», mais souligne le travail mis en œuvre depuis l’installation de la nouvelle majorité PS-Ecolo. Et qui se traduit depuis 2019 par un budget spécifique PMR de 300 000€ par an, qui a déjà servi à réaliser des adoucis de bordure, à installer des dalles podotactiles, des trottoirs traversants…
«Les emplacements de ces aménagements ont été réfléchis en lançant un appel aux Montois pour nous faire part de leurs demandes et via le Conseil consultatif des personnes à besoins spécifiques, avec qui nous avons regardé les demandes faites depuis plusieurs années pour les mettre en œuvre.»
D’autres aménagements sont réfléchis, comme l’élargissement des trottoirs et leur protection du stationnement sauvage, qui est d’ailleurs réprimé, 3 700 PV ayant été établis en 2019 (et seulement 1 700 en 2020, suite au confinement qui a provoqué l’évaporation des voitures).
Les piétons et les PMR auront la priorité
En 2021, outre des aménagements de voirie, une réflexion est entamée pour adapter les bâtiments communaux. «Au-delà de ce crédit spécifique, on a un crédit de 750 000€ minimum pour refaire les trottoirs et nous étudions la possibilité de prioriser au mieux les aménagements.»
Des mesures pour contrer la vitesse excessive et le trafic de transit dans les quartiers résidentiels seront également prises. Quant au principe STOP, inscrit dans la Déclaration de Politique Générale, il sera appliqué dans le prochain Plan Communal de Mobilité, promet l’échevine.
Bref, les PMR sont enfin prises en compte dans l’espace public, assurent les autorités, mais le bourgmestre Nicolas Martin en appelle à la patience: «il faudra plusieurs années avant d’arriver à un résultat satisfaisant.» Surtout avec 300 000€ par an, ce qui est fort peu, même si c’est déjà mieux que 0€…