Le non-marchand dans la rue à Mons: «Nous sommes votre avenir»
La 3e journée d’action régionale des travailleurs du non-marchand s’est déroulée jeudi à Mons. Les militants de la CNE ont réclamé plus de moyens et une revalorisation salariale.
Publié le 02-07-2020 à 16h26
«On veut de l’argent!» «Quand est-ce qu’on le veut? Maintenant!» Les revendications portées par quelques dizaines d’adhérents de la CNE ce midi à Mons sont simplissimes. Au cours d’une manifestation reliant le square Roosevelt à la Grand-Place, ils ont réclamé des moyens pour le secteur du non-marchand, comme ils l’avaient fait la semaine dernière à Namur.
Dans le cortège, ouvert par des véhicules d’aides-soignantes, on retrouve des travailleurs des soins de santé, des éducateurs en institution spécialisée, des agents d’entretien ou encore des travailleuses de maison de retraite. Des travailleurs qui, comme la crise vient de le prouver, remplissent des missions essentielles, mais qui ne sont pas reconnues à leur juste valeur.
«Les gens ne le savent pas encore aujourd’hui, mais nous sommes l’avenir de tous, clame Saliha Hassaini, déléguée CNE dans une maison de repos. Mais notre avenir n’est pas souriant. Humainement, nous sommes au bout de nos forces. Nous avons toujours la conscience d’en faire toujours plus, mais nous sommes limités, physiquement, moralement, mentalement. Et le Covid n’a été qu’une preuve en plus de nos limites.»
Pouvoir travailler humainement
Ces travailleurs sont donc venus demander une revalorisation de leur travail, via un refinancement du secteur afin de revaloriser les salaires et de revoir à la hausse les normes d’encadrement.
«Nous devons encadrer les résidents avec les moyens que nous possédons, physiquement et moralement. Nous devons tenir sur la durée et nous avons besoin de moyens, que ce soit dans le personnel soignant, ouvrier, d’entretien. Les résidents sont demandeurs de contacts humains et si nous ne pouvons pas leur en accorder un peu plus, vous aurez des gens qui recommenceront à mourir», avertit Saliha.

Au plus fort de la crise, les applaudissements ont été suivis de nombreuses promesses. Mais les travailleurs ont l’impression d’être déjà oubliés. «Nous ne sommes pas invisibles», clame pourtant une pancarte portée par un groupe d’aides soignantes en maison de repos.
«On a complètement oublié les maisons de retraite», râle Selena*, vêtue d’une blouse blanche et cachée derrière un masque FFP2.
« Les politiques ne se soucient pas de nous, ni des résidents. On mène le combat et on veut se faire entendre. C’est à eux de nous aider maintenant, on a assez agi, on a simplement besoin qu’on nous aide.»
Dans sa maison de repos à Chapelle-lez-Herlaimont, elle a vécu trois mois douloureux, jonglant avec un matériel en pénurie et des morts à la pelle. «On a dû pleurer pour avoir du matériel. Le personnel devait apporter ce qu’il avait, des blouses, des masques…» Aujourd’hui, l’orage est passé, mais les dégâts sont énormes: 40 des 180 résidents qui occupaient la maison de retraite avant la pandémie sont décédés.
Après le Covid, le plan social?
Une hécatombe dont «on n’en tient pas compte», se désole Selena, qui s’attend à ce que le personnel soignant pâtisse de l’après Covid-19: «comme il y a moins de résidents, il y aura moins de personnel. On s’attend à des licenciements et une souffrance supplémentaire.» Une souffrance sociale, après la souffrance liée à la maladie.
On se bat encore, mais pourquoi? On est en train de se détruire…
«Ça aussi on l’oublie un peu, mais le personnel a été atteint. Moi-même j’ai eu le Covid, sans savoir encore pendant combien d’années je vais traîner ça. Et pour quels remerciements en échange? Rien. Aucune prime, aucune récompense alors qu’on a souffert pendant trois mois. On se bat encore, mais pourquoi? On est en train de se détruire…»
Saliha conclut: «On ne demande pas du luxe, pas de matériel coûteux, simplement plus d’effectifs. Dans les maisons de repos, mais aussi les centres de jours, les institutions pour personnes handicapées… Laissez-nous travailler avec humanité avec des êtres humains.»
*Prénom d’emprunt

«Notre action à Mons s’inscrit dans une tournante régionale», a indiqué Julie Coumont (CNE). «Nos revendications sont nationales et concernent tout le secteur non-marchand. Nous demandons aux politiques de passer des promesses aux actes. Pendant la crise Covid, les partis politiques ont unanimement souligné l’importance de soutenir le secteur, de le revaloriser, notamment au niveau des salaires. Mais on a besoin d’un budget pour le faire.»
Selon Julie Coumont, des institutions du non-marchand sont déjà impactées financièrement par la crise Covid et prennent des mesures en termes d’emplois.
«On est clairement dans l’urgence car on se rend compte que des institutions prennent des mesures avec un impact direct sur le personnel, en imposant, par exemple, du chômage temporaire, en arrêtant les contrats de remplacement, en ne recourant pas aux contrats d’étudiants pour l’été. Nous demandons donc un budget au gouvernement pour améliorer les conditions de travail et faire en sorte que le secteur du non-marchand puisse tenir debout et puisse, notamment, faire face à une éventuelle deuxième vague de l’épidémie Covid-19», ajoute-t-elle. (Belga)