Drame au carnaval de Strépy-Bracquegnies: quelle responsabilité pour le passager?
En cas d’accident de la route, le passager s’expose, lui aussi, à des sanctions. Ces inculpations restent toutefois assez rares.
Publié le 22-03-2022 à 18h40
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Le conducteur et le passager du véhicule à l’origine du terrible accident survenu à Strépy-Bracquegnies ont tous deux été inculpés. Le passager, Antonio F., est inculpé de non-assistance à personne en danger et a été remis en liberté sous conditions. Cette décision judiciaire pose néanmoins la question de la responsabilité du passager en cas d’accident.
Pour rappel, la notion de non-assistance " est le fait de s'abstenir d'aider une personne qui est manifestement exposée à un péril grave [...] mais sans s'exposer soi-même à un péril trop important", précise Jean Marot, avocat au Barreau de Liège-Huy.
Mais au fond, quelle était la réaction attendue de la part du passager? "J'ai un peu l'impression, mais c'est sous réserve car je ne connais pas le dossier puisque l'instruction est secrète, qu'il s'agit d'une forme de délit de fuite déguisé", explique Jean Marot. Le délit de fuite ne vise, en principe, que le conducteur conscient d'avoir causé un accident. Ce dernier poursuit ensuite sa route pour échapper aux constatations. "Mais ici, on pourrait se dire que le passager n'a rien fait pour interrompre la marche du véhicule qui a continué sa route pendant un kilomètre. Le passager aurait pu tirer le frein à main. L'idée étant en tout cas de tout faire pour empêcher le conducteur de poursuivre son chemin."
Ces éléments sont toutefois à mettre en balance avec le danger de s'exposer à un péril plus important en agissant de la sorte. "Tirer le frein à main d'un véhicule qui roule à cette vitesse, est-ce pertinent? A-t-on le temps de penser à ce genre de choses au moment de l'accident?"
Ce débat interviendra sans doute lorsque les deux trentenaires seront convoqués devant le tribunal. "Mais ce qui pourrait être avancé par la défense, mais c'est encore une fois à prendre avec des pincettes, c'est d'abord le fait qu'une action du passager aurait pu créer un danger encore plus important. Ensuite, que son aide auprès des victimes aurait été de toute façon refusée."
Plutôt inhabituel
Ce drame rappelle néanmoins qu'en cas d'accident de roulage, le passager s'expose lui aussi, potentiellement, à des sanctions. "Cela dit, ce n'est pas courant", poursuit l'avocat spécialisé en droit de la circulation routière.
Certains cas sont toutefois prévus par la loi. Ainsi, un individu qui confie son véhicule à quelqu'un dont il sait qu'il n'a pas le permis ou qu'il est, manifestement, en état d'imprégnation alcoolique sont des faits constitutifs d'une infraction, dans le chef du passager. "Mais, dans ce cas-ci, je pense que le conducteur était bien dans sa propre voiture. L'inculpation est donc assez inhabituelle."
Selon Jean Marot, c'est sans probablement la gravité des faits qui justifie la qualification de non-assistance à personne en danger. "D'autant qu'il n'y a pas d'autres qualifications possibles pour retenir une infraction à charge du passager. Je suppose que, sur base des interrogatoires, le juge d'instruction a considéré que le passager ne pouvait ignorer que le chauffeur venait de percuter une foule. Il estime sans doute qu'il est impossible de ne pas être conscient d'avoir généré, au minimum, des blessures graves impliquant une réaction immédiate. D'où la non-assistance à personne en danger." L'intéressé encourt une peine de huit jours à un an de prison.