La Louvière: à 40 ans, le cinéma Stuart est toujours fringant
En 1977, Giovanni Pescatore reprenait le cinéma Stuart en plein centre de La Louvière. 40 ans plus tard, sa famille exploite toujours le seul cinéma louviérois subsistant.
- Publié le 26-10-2017 à 22h21
Dans nos contrées,le cinéma indépendant de centre-ville est une espèce devenue aussi rare que le rhinocéros blanc. Un modèle qui a quasi disparu, comme en témoigne la récente fermeture de l’Eldorado à Namur.
Dans le Hainaut, on ne compte plus que dix cinémas. Deux seulement sont gérés par une famille: le Cinéma Forever à Mouscron, et le Stuart à La Louvière. A la tête de ce dernier: la famille Pescatore, qui fête en ce moment 40 ans de gestion d’un outil incontournable de la vie culturelle louviéroise.
Tout commence avec Giovanni, arrivé d’Italie en 1947. Vers ses 14 ans, ce passionné de 7e art devient aide-opérateur au cinéma ABC à Houdeng-Goegnies. Il grimpe les échelons, passe projectionniste puis exploitant du lieu quelques années plus tard. Quand Simone Jadot, qui pilote le Stuart depuis 1952 met en vente son cinéma, c’est vers Giovanni qu’elle se tourne pour le reprendre. La passation se fait en 1977.
Programmatrice, hôtesse d’accueil…
Aujourd’hui âgé de 78 ans, le patriarche est toujours là et s’occupe encore de la technique.Mais il peut compter sur ses trois filles, Dominique, Isabelle et Patricia, pour faire tourner le Stuart. «On s’occupe de tout, on est au guichet, on gère l’avant et après-séance, on organise les événements, la programmation, la collaboration avec le centre culturel…» énumère Dominique, officiellement chef-comptable, mais qui touche à tout.
Comme lors de la Ladies Night mardi dernier, qui a attiré 600 spectatrices pour une soirée dédiée à Dirty Dancing. A l'accueil, Dominique distribue tickets et bises à tire-larigot. Une ambiance familiale d'un autre temps, que les grands complexes sans âme ont effacé.
Familial et convivial

De ces complexes justement, comme Imagix et Pathé qui entourent La Louvière,Dominique ne s’en préoccupe pas trop. «Je n’ai jamais travaillé en me souciant de Mons ou de Charleroi. On sait que les Louviérois bougent, qu’ils vont au cinéma dans ces villes, mais les gens tournent. Des familles avec enfants par exemple, préféreront venir chez nous parce qu’elles ne savent pas se payer une séance à Mons.»
Malgré la concurrence de ces mastodontes, le Stuart, cinéma de taille moyenne en centre-ville, a toujours sa place, attirant un public cherchant de la proximité: «chez nous, il y a toujours un mot pour les clients, un contact. On les accueille à l’entrée, on leur parle, etc. On a une proximité qu’on ne trouve plus ailleurs.»
De Humphrey Bogart à la comédie turque
Pour fêter ses 40 ans d'ère Pescatore, le Stuart organise jusque samedi un Vintage Festival, dont le maître-mot est éclectisme: on passe de Casablanca à la Petite Sirène. Pour le programme, «chacun a donné son avis, puis nous avons recherché ce qu’il était possible d’avoir au niveau des droits. On a de tout: du drame, de la comédie, du dessin animé…»
Un festival à l’image de la programmation habituelle, qui cherche à contenter un large public: ça va du blockbuster à des films plus pointus: «on travaille avec le Centre culturel régional du Centre (Central) pour cibler aussi un public plus orienté film d’auteur, nous créons aussi des événements avec la bibliothèque, nous organisons un festival du film turc…On ouvre la porte à toute possibilité.»
Après quatre décennies, la famille Pescatore compte bien continuer à satisfaire les cinéphiles louviérois. D'autant que malgré internet, la jeunesse revient: «la nouvelle génération des 12-14 ans revient en groupe au cinéma, alors qu’on ne l’avait plus il y a quelques années.» Aucune raison de s’arrêter en si bon chemin. En espérant qu’un complexe ne débarque pas en périphérie louviéroise…

Les dates clés du Stuart
1952: début de l'exploitation du Cinéma Stuart, avec Simone Jadot, première propriétaire, à la rue Sylvain Guyaux.
1976: le cinéma est à remettre et Giovanni Pescatore, qui officie depuis 20 ans au cinéma ABC d'Houdeng-Goegnies, se lance dans l'aventure. Qui démarre officiellement en 1977, année où une deuxième salle ouvre.
1992: le complexe s'agrandit et passe à 7 salles, sa taille actuelle.
1997: sortie de Titanic, qui reste huit mois à l'affiche. «C'était l'apothéose. Il est sorti en début d'année et on le jouait encore au mois d'août.» Autre gros succès: E.T., en 1982.
2010: le Stuart passe au numérique. Adieu bobines de 35 mm. Qui ont fait un petit retour mercredi, à l'occasion de la projection de Nuovo Cinema Paradiso. Séquence émotion.
2017: la famille Pescatore célèbre ses 40 ans de gestion du Stuart. C'est le seul cinéma louviérois subsistant.